Les Ehpads et le grand âge

Le Monde - Orpéa : le gouvernement lance une enquête administrative et réclame « des explications » au gérant d’Ehpad privés, accusé de graves défaillances

Janvier 2022, par Info santé sécu social

L’annonce a été faite après la publication du livre « Les Fossoyeurs ». La direction du groupe, qui conteste « l’ensemble de ces accusations », a été convoquée.

Le gouvernement réagit sur l’affaire des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés. La ministre déléguée chargée de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, a annoncé, mercredi 26 janvier sur RMC, lancer « une enquête flash » et convoquer la direction du groupe Orpéa pour des « explications », après le scandale révélé par une enquête dans le livre Les Fossoyeurs, et dont Le Monde a publié lundi les « bonnes feuilles ».

« Si ces faits sont avérés, ils sont extrêmement graves et nous les condamnons, explique Brigitte Bourguignon. Quand on a ce type de témoignage, ça vous remue, c’est une évidence. Il ne faut pas que ça perdure. » La ministre déléguée chargée de l’autonomie a assuré, en référence à la maison de retraite de Neuilly-sur-Seine mise en cause dans l’enquête :

« Il s’agit d’un seul groupe et d’un établissement en particulier. Je ne voudrais pas qu’on fasse des généralités. »

« Allégations graves »
Interpellé sur le sujet mardi lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le ministre de la santé, Olivier Véran, a déclaré que les pouvoirs publics devaient la vérité « aux familles, aux soignants et aux résidants ».

« J’ai demandé à la ministre déléguée en charge de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, de saisir immédiatement le groupe, de manière à ce que des réponses puissent être apportées », a dit M. Véran, parlant d’« allégations graves ». « A la lumière de ces conclusions, je verrai s’il y a lieu de diligenter une enquête de l’Inspection générale sur l’ensemble du groupe », a-t-il ajouté.

Dans l’enquête du journaliste indépendant Victor Castanet publiée chez Fayard, témoignages et documents font état notamment de rationnements de nourriture et de produits d’hygiène au détriment des personnes âgées prises en charge dans les structures d’Orpéa. Le groupe français gère près de 1 200 établissements en Europe et en Amérique latine.

Or, les maisons de retraite, même privées, bénéficient d’importants financements publics, de la part de l’Etat et des conseils départementaux, rappelle le journaliste, pour qui « au moins de manière indirecte, une partie de cet argent public ne va pas au bénéfice des personnes âgées ».

Le livre revient également sur les conditions de la mort de l’écrivaine et comédienne Françoise Dorin au début de 2018, des suites d’une escarre mal soignée, moins de trois mois après son entrée dans un des établissements du groupe Orpéa.

L’action du groupe a chuté en Bourse
Après la publication de ces accusations, le titre Orpéa à la Bourse de Paris a dévissé de plus de 16 %, avant que sa cotation soit suspendue, à la demande du groupe. Et d’autres gestionnaires privés de maisons de retraite ont également fait les frais de cette polémique : au cours de la séance, le titre Korian a perdu plus de 14 % et celui de LNA santé plus de 5 %, dans un marché globalement en très forte baisse de près de 4 %.

« Nous contestons formellement l’ensemble de ces accusations, que nous considérons comme mensongères, outrageantes et préjudiciables », a réagi dans un communiqué la direction d’Orpéa, fustigeant des « dérives sensationnalistes » et une « volonté manifeste de nuire ». Le groupe précise avoir saisi ses avocats pour donner « toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire », à la publication du livre, afin « de rétablir la vérité des faits ».

« Nous avons toujours placé la qualité avant le financier », s’est défendu lors d’un point presse le directeur général du groupe, Yves Le Masne. Selon lui, les témoignages à charge recensés dans le livre émanent d’une minorité d’anciens collaborateurs de l’entreprise qui ont nourri une « rancœur » à son encontre après l’avoir quittée.

Le directeur général pour la France, Jean-Christophe Romersi, a formellement démenti les accusations portant sur des rationnements, notamment des protections hygiéniques des résidants. « Nous n’avons jamais demandé le moindre rationnement. Il n’a jamais été question de sacrifier la moindre prise en charge. Ça ne correspond ni à nos directives, ni à nos valeurs », a-t-il insisté.

Le Monde