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JIM - Fin du voyage au bout de la nuit

Mai 2022, par Info santé sécu social

Tours, le mardi 10 mai 2022

A Tours, SOS Médecins n’assurera plus de consultations entre minuit et huit heures du matin.

Offrir des soins à domicile à toute heure du jour et de la nuit, telle est la promesse de l’association SOS Médecins depuis sa création en 1966. Mais à Tours, la permanence des soins n’est désormais plus assurée : depuis le 24 avril, SOS Médecins n’offre plus aucune consultation en « nuit profonde », c’est-à-dire entre minuit et 8h. Deux généralistes ont en effet quitté l’association en début d’année et avec seulement dix généralistes qui se relayent, « nous avons décidé de nous retirer de ce créneau pour nous concentrer sur la tranche de 20 heures-minuit et le développement des consultations de soins non programmés en journée » indique le Dr Adam Liance, président de SOS Médecins Tours. Pour assurer le service en nuit profonde de manière pérenne sans épuiser les effectifs, il faudrait une vingtaine de praticiens estime le Dr Philippe Paganelli, président de l’ordre des médecins d’Indre-et-Loire.

700 euros pour une garde en nuit profonde
Tout a pourtant été fait pour tenter de trouver de nouveaux effectifs et assurer le maintien de l’activité en nuit profonde. Début mars, le préfet avait convoqué le Comité départemental de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (Codamups), qui réunit le conseil de l’ordre, les élus des médecins libéraux et les représentants des services d’urgence. Le comité avait alors lancé une consultation auprès des généralistes de la ville pour trouver des volontaires, avec à l’appui une importante hausse de rémunération : 400 euros pour une garde de 20 heures à minuit et 700 euros pour une garde en nuit profonde, contre 180 euros pour toute la nuit auparavant.

Mais malgré cette tarification que l’on pensait alléchante, 50 généralistes se sont dit intéressés par une garde de 20 heures à minuit et seulement quatre pour assurer le service en nuit profonde. « L’argent c’est une chose pour débloquer la situation, mais c’est encore insuffisant » constate le Dr Liance. Les conditions de travail en nuit profonde sont en effet particulièrement éprouvantes pour les praticiens de SOS Médecins, qui doivent par ailleurs faire tourner leur propre cabinet en journée. Le 18 avril, deux médecins de l’association ont été agressés en moins de 24 heures, poussant le service à se mettre en grève pour une journée.

Un risque de saturation des urgences
Le Dr Liance tente cependant de minimiser l’impact de l’arrêt du service en nuit profonde, rappelant que l’activité médicale y est « faible ». « Cela peut aller de 0 à 10 visites, le plus gros concerne les certificats de décès, les garde à vue ou les consultations en maisons d’arrêt, les demandes de soins de la population représentent environ 3 à 4 appels » précise-t-il.

Il n’empêche, sans la présence de SOS Médecins, ces quelques appels nocturnes devront être assurés par le SAMU et le service des urgences du CHRU de Tours, déjà très encombrés. Le 30 avril dernier, trois équipages de police ont été bloqués pendant plusieurs heures aux urgences où ils venaient faire examiner des gardés à vue. « Si on ne trouve pas de solution, certaines nuits avec des bagarres ou des accidents, on va se retrouver avec toutes les forces de police aux urgences » s’inquiète Charles Fourmaux, directeur de cabinet de la préfecture. « Il faudrait peut-être prévoir un circuit court aux urgences pour éviter aux forces de l’ordre d’attendre » suggère le Dr Liance.

Les difficultés de SOS Médecins à Tours et plus globalement en France ne datent pas d’hier. De moins en moins de généralistes acceptent d’assurer le service, face à des conditions de travail qui se dégradent et une rémunération de moins en moins intéressante. En juillet dernier, les volontaires de SOS Médecins n’ont pas été intégrés dans la revalorisation des visites à domicile : ils restent payés 35 euros, contre 70 euros pour les libéraux pour une visite à un patient de plus de 80 ans souffrant d’une affection de longue durée (ALD). Le 27 septembre dernier, le service s’était mis en grève au niveau national pour dénoncer ce manque de considération. « Notre profession est en train de mourir et plus personne n’en fera d’ici 5 à 10 ans si rien n’est fait » prophétisait alors le Dr Antoine Campagne de SOS Médecins Tours.

Quentin Haroche