L’hôpital

JIM - Une courte majorité de professionnels de santé favorable à la réintégration des soignants non-vaccinés

Juin 2022, par Info santé sécu social

Paris, le mercredi 15 juin 2022

54 % des professionnels de santé interrogés sont favorable à la fin de l’obligation vaccinale des soignants.

Après avoir été au centre de nos vies pendant près de deux ans, la Covid-19 est désormais un sujet secondaire, relégué au second plan derrière la guerre en Ukraine et les échéances électorales. Si presque toutes les mesures sanitaires ont été levées, une d’elles demeure et continue régulièrement de faire la polémique : l’obligation vaccinale des soignants, en vigueur depuis le 15 septembre dernier et qui a conduit à la suspension de plusieurs milliers d’entre eux.

Si la fin de l’obligation vaccinale et la réintégration des soignants ont longtemps été le combat de l’extrême-droite, la question est désormais soulevée par des personnalités de tous horizons, à commencer par des médecins. La mesure est ainsi défendue par le syndicat Action Praticien Hôpital (APH) et par le très médiatique Dr Patrick Pelloux qui estime que l’on ne peut se passer de ces soignants et qu’il faut désormais « passer l’éponge ». La question de la réintégration des soignants s’est en effet heurtée à une autre question d’actualité, celle de la pénurie de soignants à l’hôpital public et de la crise des urgences.

Les infirmiers largement favorables à la réintégration, les médecins partagés
Face à cette question épineuse, qui met en cause des considérations éthiques et pratiques, les professionnels de santé sont assez partagés. Ainsi, selon un sondage réalisé sur notre site du 1er au 13 juin, une courte majorité de nos lecteurs (54 %) se dit favorable à la fin de l’obligation vaccinale pour les soignants et à la réintégration des non-vaccinés. Ils sont en revanche 43 % à préférer continuer d’exclure les récalcitrants à la vaccination (3 % ne se prononcent pas)
Sondage réalisé sur JIM.fr du 1er au 14 juin

Dans le détail, ce sont les infirmiers qui se montrent le plus favorable à la réintégration des soignants non-vaccinés : ils sont 69 % à soutenir ce choix et seulement 30 % à le désavouer. A l’autre bout du spectre, les pharmaciens sont très largement (72 %) opposés au retour des soignants qui n’ont pas été vaccinés contre la Covid-19, tandis que seulement 28 % l’appellent de leurs vœux. Entre les deux, les médecins sont les plus partagés : 49 % d’entre eux veulent le maintien de l’obligation vaccinale, 47 % veulent « passer l’éponge » et y mettre fin. S’il est régulièrement avancé que la réintégration des non-vaccinés pourrait donner de l’air à l’hôpital public, ce sont paradoxalement les professionnels de santé hospitaliers qui y sont le plus réticents : seulement 51 % s’y disent favorable (et 47 % défavorable), alors que 57 % des professionnels de santé libéraux veulent la fin de l’obligation vaccinale.

Science, déontologie et pragmatisme
Cette courte majorité en faveur de la réintégration des soignants non-vaccinés démontre bien à quel point la question est épineuse. D’un côté, les partisans de cette réintégration rappellent que le vaccin est bien moins efficace contre les contaminations que ce que l’on espérait initialement (la vague Omicron l’a prouvé) et que l’épidémie de Covid-19 a perdu en gravité (seulement 854 personnes actuellement en soins critiques, au plus bas depuis près de 2 ans). A l’inverse, les soutiens de l’obligation vaccinale soulignent que la protection contre les contaminations apportée par le vaccin n’est pas négligeable et que l’épidémie de Covid-19 peut repartir à tout moment. Ces derniers avancent également un argument déontologique, selon lequel les soignants qui n’auraient pas fait confiance aux vaccins ne « méritent » pas d’exercer. « On va dire à ceux qui ne croient pas dans la médecine contemporaine, ceux qui croient que les vaccins tuent, revenez à l’hôpital ? » s’interroge le Dr Mathias Wargon.

Sur la question, l’exécutif souffle le chaud et le froid. Le 29 avril dernier, le Président de la République Emmanuel Macron avait indiqué que la réintégration de ces soignants se fera « quand on ne sera plus en phase aigüe de l’épidémie ». Mais il a ensuite fermé la porte à cette hypothèse le 1er juin, affirmant que cette réintégration n’était « absolument pas une réponse à la crise des urgences ».

Plutôt 1 500 suspendus que 15 000
Quelques précisions pour conclure. Rappelons tout d’abord que l’obligation vaccinale étant inscrite dans la loi, ce sera au Parlement issu des élections législatives en cours de trancher la question. Ensuite, le débat sur la réintégration des soignants en implique un autre, celui d’un éventuel paiement des mois de salaire « perdus », que l’extrême-droite appelle de ses vœux mais également Action Praticien Hôpital, qui demande un « geste financier ». Si réintégration il y a, il est cependant plus que probable qu’elle se fera sans paiement, puisque l’inverse reviendrait à reconnaître que l’obligation vaccinale était illégitime.

Enfin, il est important de rappeler que l’on ne compte pas 15 000 soignants suspendus, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé. Ce nombre correspond en réalité au nombre de personnels suspendus au moment de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale, dont seul un tiers était des soignants. Parmi eux, on estime qu’au moins les deux tiers se sont depuis faits vacciner. S’il n’existe pas de chiffre précis, le nombre de soignants non-vaccinés suspendus doit plus certainement être compris entre 1 500 et 2 000. Leur réintégration ne suffira donc pas à combler à elle seule le manque de bras dans les hôpitaux publics français.

Quentin Haroche