L’hôpital

Le Monde.fr : Hôpital : une hausse des tarifs qui ravive les tensions entre public et privé

il y a 2 semaines, par infosecusanté

Le Monde.fr : Hôpital : une hausse des tarifs qui ravive les tensions entre public et privé

Les représentants du privé lucratif s’élèvent contre un traitement différencié en leur défaveur : les séjours hospitaliers connaîtront une majoration 0,3 % contre 4,3 % dans le public, a annoncé le ministère de la santé.

Par Camille Stromboni

Publié le 31 mars 2024

Cela couvait depuis plusieurs semaines, mais c’est au moment de découvrir la répartition finale de l’enveloppe budgétaire que le conflit entre hôpitaux publics et privés a éclaté au grand jour. Un « arbitrage qui va dans le bon sens », ont salué les premiers, qui vont voir leurs « tarifs » (soit le montant remboursé par l’Assurance-maladie pour chaque type de séjour hospitalier) rehaussés de 4,3 % en 2024, en médecine, chirurgie et obstétrique (de même que le secteur non lucratif) ; une décision « inique », « une erreur majeure », « une équation intenable », s’émeuvent les acteurs du privé lucratif, pour lesquels ces activités ne sont revalorisées qu’à hauteur de 0,3 %.

L’annonce des nouveaux tarifs par le ministre délégué à la santé, Frédéric Valletoux, le 26 mars, était très attendue, alors que l’ensemble des établissements alertent depuis des mois sur les difficultés budgétaires et les déficits auxquels ils font face, en premier lieu à cause de l’inflation. Cette annonce intervient chaque année à la veille du printemps, et public comme privé appelaient cette fois-ci à une progression de 10 % des tarifs, pour correspondre aux coûts réels des prises en charge. L’espoir était néanmoins limité, avec des dépenses d’Assurance-maladie d’ores et déjà fixées bien en deçà, à + 3,2 % dans le budget de la Sécurité sociale 2024.

L’augmentation des tarifs va représenter 3,2 milliards d’euros de plus pour les recettes des établissements, a détaillé le gouvernement, défendant ainsi sa volonté d’« d’accompagner la reprise de l’activité et la réponse aux besoins de santé des Français ». Et ce, avec un soutien plus marqué à la médecine, à la pédiatrie ou encore aux maternités, à la greffe et aux soins palliatifs.

« Il n’y a jamais eu un tel écart »
Au moment où la « dette sanitaire » représente 3,5 millions de séjours qui n’ont pu être réalisés depuis la crise due au Covid-19, selon les derniers chiffres de la Fédération hospitalière de France (FHF), le gouvernement espère ainsi pousser les hôpitaux à augmenter la cadence, avec une progression d’activité fixée à + 2,5 % pour l’ensemble des établissements en 2024. Un objectif « ambitieux », concède-t-on à la FHF, alors que l’activité hospitalière n’a retrouvé que fin 2023 son niveau d’avant-crise (2019). D’autres représentants du soin doutent déjà qu’un tel bond soit réaliste.

Mais dans les rangs des cliniques, c’est avant tout ce traitement différencié qui a mis le feu aux poudres. « C’est extrêmement choquant, il n’y a jamais eu un tel écart », réagit Lamine Gharbi, patron de la Fédération de l’hospitalisation privée, qui représente 1 030 établissements à but lucratif. En 2023, les tarifs avaient crû de 5 % pour les cliniques, et de 7 % pour l’hôpital public.

« La croissance de l’activité du privé est forte et va logiquement soutenir les résultats financiers des établissements », s’est d’emblée justifié Frédéric Valletoux dans Les Echos du 27 mars. Sans convaincre les principaux intéressés. « On nous reproche notre activité plus soutenue, alors qu’on participe aussi à épurer la “dette” Covid », s’énerve Lamine Gharbi, qui alerte sur les fermetures d’activité en vue dans les établissements privés, où la tarification à l’activité représente plus de 90 % des revenus.

« Rattraper le sous-recours en médecine »
« Veut-on tuer l’hôpital privé ? », ont interpellé les patrons des trois principaux groupes, Ramsay Santé, Elsan et Vivalto Santé, jeudi 28 mars, soulignant que le privé prend en charge un Français sur deux pour une chirurgie. « On est en train d’être asphyxiés, ce n’est pas en affaiblissant l’hôpital privé que l’hôpital public ira mieux », a dénoncé Pascal Roché, directeur de Ramsay. « On n’en peut plus des caricatures et du mépris, a renchéri Sébastien Proto, à la tête d’Elsan. La première victime, ce sera le patient. » Lui et ses homologues, qui espéraient au minimum une progression de 3 %, appellent le gouvernement à « revoir sa copie ».

Au sein de l’hôpital public, où certains acteurs, comme les représentants des centres hospitaliers universitaires, avaient appelé à ce soutien ciblé quelques jours plus tôt, les arguments justifiant cette hausse ne manquent pas. Ces nouveaux tarifs doivent permettre de financer les mesures de revalorisation salariale de leurs personnels décidées par le gouvernement ces derniers mois (point d’indice dans la fonction publique, travail de nuit). « L’urgence est de rattraper le sous-recours en médecine et pour les chirurgies lourdes et complexes, soit des activités portées principalement dans le public et parmi les plus sous-financées », ajoute Vincent Roques, de la FHF, qui espère que ces + 4,3 % ne sont qu’un « premier pas ».

Quant à la reprise plus lente de l’activité dans le public, ses représentants arguent des contraintes particulières du secteur, qu’il s’agisse de la permanence des soins à assurer ou encore de la prise en charge plus importante de soins « non programmés ». Des arguments contestés par les acteurs du privé, qui mettent en avant leur « efficience ». Un débat récurrent désormais relancé, sous le signe des contraintes budgétaires.

Camille Stromboni