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Le Monde - En voulant priver de prime de rentrée les bénéficiaires de minima sociaux, le Sénat provoque un tollé à gauche et dans les associations

Août 2022, par Info santé sécu social

Un amendement au projet de loi de finances rectificative, voté au Palais du Luxembourg, remplace la prime de rentrée exceptionnelle par une majoration de la prime d’activité, qui ne concerne que les travailleurs modestes.

Le Monde avec AFP
Publié le 03/08/2022

Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) poursuit son parcours agité au Parlement. La gauche et les acteurs associatifs ont vivement réagi, mercredi 3 août, à un amendement à ce texte voté par le Sénat en première lecture la nuit précédente. Il vise à remplacer la prime de rentrée exceptionnelle, réservée aux bénéficiaires de minima sociaux, par une majoration de la prime d’activité, qui ne concerne que les travailleurs modestes.

La prime de rentrée exceptionnelle, d’un montant de 100 euros, devait s’adresser aux personnes en situation de précarité qui touchent des minima tels que le RSA, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou l’allocation spécifique aux personnes âgées (ASPA), selon le projet initial du gouvernement. Mais le Sénat, où la droite dispose de la majorité, a voté pour que cette aide d’urgence soit remplacée par une majoration de 150 euros de la prime d’activité, qui s’adresse uniquement aux travailleurs aux ressources modestes. Les bénéficiaires de l’AAH y auront toutefois droit.

Pour le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (Les Républicains, LR), à l’origine de l’amendement, « il faut donner un signal » aux travailleurs pauvres ou modestes, qui « souvent passent à côté » des aides. Le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, a donné un avis défavorable à cet amendement, qui selon lui « reviendrait à retirer le bénéfice de l’aide à 4 millions de foyers pauvres ».

« Vous profitez de la nuit pour vous permettre de taper une fois de plus sur les plus pauvres », a accusé l’écologiste Thomas Dossus, le socialiste Rémi Féraud fustigeant un « amendement très idéologique ». « Ce sont les enfants que vous allez pénaliser », a lancé son camarade Jean-Claude Tissot.

« Il y avait déjà eu un amendement porté par LR pour diminuer l’augmentation du RSA (…). Les Républicains se sont lancés dans une espèce de chasse aux pauvres qui est indigne », a dénoncé la députée écologiste Sandrine Rousseau au micro de France Inter, ajoutant : « La plupart des gens qui sont au RSA subissent cette situation. Cette idée selon laquelle ce seraient des personnes feignantes qui ne voudraient pas aller travailler, c’est une idée de droite, c’est une idée libérale, et c’est très différent de la réalité. »

« C’est dangereux »
Pascal Brice, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité qui regroupe des centaines d’associations spécialisées dans la lutte contre l’exclusion, voit dans cette décision du Sénat « une manière d’opposer » les travailleurs modestes et ceux qui ne travaillent pas. « C’est dangereux, a-t-il estimé auprès de l’Agence France-presse. Il faut à la fois traiter les difficultés de la classe moyenne et accompagner les personnes en situation de pauvreté ».

L’amendement a été adopté par les groupes LR et centriste, à l’exception d’une poignée d’entre eux. « Pour moi c’est non », a déclaré la sénatrice Elisabeth Doineau (Union centriste), « hostile » à une mesure qui « exclut notamment des femmes seules avec des enfants ».

Le projet de loi de finances rectificative pour 2022 a été adopté mercredi 3 août au petit matin par le Sénat, par 225 voix pour et 101 contre. Il ouvre 44 milliards d’euros de crédits, dont 9,7 milliards pour financer la renationalisation d’EDF. Le texte devait faire l’objet de discussions entre sénateurs et députés, mercredi soir en commission mixte paritaire, pour tenter de trouver un accord sur une version définitive.