Emploi, chômage, précarité

Le Monde.fr : Intermittents : les négociations sur l’assurance-chômage patinent

Novembre 2018, par infosecusanté

Intermittents : les négociations sur l’assurance-chômage patinent

Par Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel Publié

29 novembre 2018
Hubert Mongon n’est vraiment pas du genre à sombrer dans le pathos et les effets de manche. Quand ce représentant du Medef prend la parole dans les négociations en cours sur l’assurance-chômage, ses exposés sont généralement sobres, très pointus et dépourvus du moindre affect. Alors quand l’intéressé, imperturbable en temps ordinaire, dit : « Nous avons dénoncé » devant des journalistes, l’auditoire sursaute presque. Un tel épisode s’est produit, mercredi 28 novembre, à l’issue de la troisième séance de discussions sur la nouvelle convention Unédic qui va redéfinir les conditions d’octroi d’une allocation aux demandeurs d’emploi. Il illustre les tensions et les désaccords qui prévalent entre les partenaires sociaux – ainsi qu’une démotivation manifeste chez certains protagonistes.

Initialement, lors de cette rencontre, les organisations d’employeurs et de salariés, représentatifs à l’échelon interprofessionnel, devaient s’entendre sur une chose : le « document de cadrage » à transmettre à leurs homologues de l’industrie du spectacle et de l’audiovisuel pour que ces derniers négocient ensuite les annexes 8 et 10 de la convention Unédic relatives aux règles d’indemnisation des salariés intermittents. Cette feuille de route est délicate à mettre au point car elle prévoit notamment des objectifs de « trajectoire financière » – synonymes d’économies à dégager, ce qui peut signifier des droits revus à la baisse pour les personnes privées d’emploi. Avec, en toile de fond, le risque de conflits sociaux très durs dans le monde de la culture.

Effort « significatif »

Mercredi, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à trouver un compromis sur cette lettre de cadrage. Les trois mouvements patronaux – le Medef, la CPME et l’U2P – avaient formulé plusieurs exigences, s’agissant des équilibres comptables. Primo : respecter la feuille de route de 2016, qui fixe un montant d’économies ne pouvant « être inférieur à 105 millions d’euros (…) en année pleine ». En outre, pour les organisations d’employeurs, les personnes relevant des annexes 8 et 10 doivent prendre leur part dans la réduction globale de dépenses que le gouvernement demande à l’assurance-chômage (entre 3 et 3,9 milliards d’euros en trois ans pour l’ensemble du régime).

A combien se chiffre l’effort pour les intermittents ? Le patronat ne l’a pas précisé, dans sa proposition de document de cadrage, se retranchant derrière une longue périphrase qui invite le monde du spectacle à « contribuer significativement ». « Ils ont eu l’intelligence de ne pas jouer la provocation », a commenté Marylise Léon (CFDT), mercredi. D’autres centrales syndicales, elles, ont déduit des écrits du Medef et de ses deux alliés qu’ils revendiquaient des économies d’environ « 150 millions d’euros » (selon FO) ou susceptibles d’osciller entre « 90 et 200 millions d’euros » (d’après la CGT).

Les confédérations de salariés sont au moins d’accord sur un point : il faut faire le bilan de l’accord de 2016, qui a modifié les modalités d’indemnisation des intermittents, de manière à évaluer son impact financier. A ce sujet, l’Unédic apporte des données que la CGT ne juge « pas fausses » mais il convient de les compléter, selon elle. Un comité d’experts doit prochainement apporter son éclairage. En attendant, les tractations sur la lettre de cadrage sont reportées au 11 décembre. Ce que M. Mongon a donc « dénoncé », mercredi. Quant aux salariés qui relèvent des annexes 8 et 10, ils sont déjà l’arme au pied, comme l’a rappelé Denis Gravouil (CGT), mercredi, en lançant cette mise en garde : « Je suggère à M. Riester, le nouveau ministre de la culture (…), de trouver des solutions pour pouvoir venir sereinement [au Festival d’]Avignon, l’été prochain. »

Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel