L’hôpital

Le Parisien - Les urgences bientôt contraintes de sélectionner les patients ?

Octobre 2019, par Info santé sécu social

Par Daniel Rosenweg
Le 15 octobre 2019

21,5 millions de Français ont fréquenté les urgences en 2018. C’est 16,3 % de plus en six ans, un engorgement devenu inquiétant et des délais d’attente qui explosent. Si les 640 services d’urgence, publics ou privés, sont pris d’assaut, c’est parce qu’ils accueillent sans modération. Une absence de sélection à l’entrée qui s’explique par… un intérêt financier : chaque passage leur rapporte 200 euros, quelle que soit la durée des soins prodigués.

Déposé ce mardi, un amendement au Projet de loi de financement de la sécurité sociale, examiné à partir du 22 octobre, veut mettre fin à ce financement pervers. Député LREM des Charentes, Thomas Mesnier, rapporteur de la mission sur les urgences, est à l’origine de ce texte soutenu par le gouvernement. « Le système actuel pousse les services d’urgence à la consommation et particulièrement à prendre en charge des patients légers nécessitant trois minutes de soins mais qui rapporteront 200 €. Des patients qui devraient être accueillis en ville, dénonce l’élu, par ailleurs médecin. Rien n’incite la médecine d’urgence à organiser une filière des soins avec les médecins de ville. Et rien ne l’incite à faire de la qualité. »

Vers une part de rémunération à la qualité ?
L’élu veut donc remplacer ce système de rémunération à l’acte par un dispositif basé sur trois critères plus justes. 60 à 66 % de la rémunération du service d’urgence seraient fondés sur un forfait tenant compte du bassin de vie de l’hôpital, de la population suivie (âgée, à risque, très jeune…), de la densité de médecins en ville et du taux de pauvreté et de précarité.

« Plus le bassin est grand, moins il y a de médecins en ville, plus il y a de pauvres et plus le forfait sera élevé puisqu’il y aura plus de travail pour le service d’urgence », justifie Thomas Mesnier. À côté, 33 à 35 % de la rémunération continueraient de se faire à l’acte. « Évidemment, glisse l’élu, il sera moins bien rémunéré qu’actuellement. L’idée, c’est que le service n’ait plus intérêt à prendre en charge les cas légers. »

Enfin, le député veut introduire une part de rémunération à la qualité. « Les critères d’attribution restent à définir, poursuit l’auteur de l’amendement. Ça pourrait être par exemple le nombre de patients gardés sur des brancards dans les couloirs, ou les mesures prises pour éviter le retour des patients renvoyés à domicile… ».

Le député-médecin souhaite que, si elle est votée, sa mesure soit mise en place en janvier 2021. Y aura-t-il des perdants et des gagnants ? « L’inégalité entre services d’urgence existe déjà !, réplique le député de Charente. Les moyens financiers peuvent aller du simple au double. Il s’agit donc aussi de remettre de l’égalité entre les établissements pour qu’ils prennent mieux en charge les patients. »