L’hôpital

Le Quotidien du médecin - Malgré le Ségur, l’hôpital public n’en finit pas de craquer

Décembre 2021, par Info santé sécu social

PUBLIÉ LE 24/12/2021

Fermetures de lits, postes vacants, absentéisme, crise des urgences, imbroglio de l’intérim médical : l’hôpital public, épuisé par 18 mois de crise et en panne d’attractivité, a été agité de convulsions en 2021, malgré l’entrée en vigueur des accords du Ségur. Retour sur une année sur le fil du rasoir.

Alors que la cinquième vague se profilait, en même temps que des épidémies hivernales précoces, Olivier Véran s’inquiétait à haute voix de la manière dont les Français seraient soignés au moment des fêtes. Y aurait-il assez de bras pour prendre en charge tous les patients ? Lors de son passage au salon Santexpo, mi-novembre à Paris, le neurologue célébrait « les hussards blancs de la République », « piliers de la Nation »… avant d’expliquer qu’il avait demandé aux agences régionales de santé (ARS) d’anticiper l’organisation de la permanence des soins de fin d’année en ville et à l’hôpital. Une crainte sincère de l’exécutif mais traduite maladroitement par son administration. Le 17 novembre, dans un « DGS-Urgent », la direction générale de la Santé planifiait d’éventuelles mesures « coercitives » sous la coordination des ARS : assignations dans les hôpitaux, réquisitions des intérimaires et des praticiens libéraux par les préfets.

Plans blancs en cascade et manif le 4 décembre

Pour des blouses blanches épuisées, cette alerte a (re)mis le feu aux poudres, d’autant que les plans blancs tombent en cascade ces dernières semaines comme autant de signes de la saturation hospitalière dans l’Hexagone. Dans le même temps, le ministère prolongeait des mesures exceptionnelles d’attractivité prises pendant la crise Covid – majoration de 50 % des heures supplémentaires (paramédicaux) et du temps de travail additionnel (praticiens hospitaliers), supplément de 20 % pour les gardes des personnels hospitalo-universitaires jusqu’au 31 janvier 2022, indemnisation des jours de congé non pris pour les personnels. Pas de quoi calmer les esprits : le 4 décembre, plusieurs milliers de soignants – très majoritairement hospitaliers – battent le pavé, comme un triste retour au début du mouvement de colère du printemps 2019, un an avant l’épidémie de Covid.

Et cette fois, l’étincelle ne vient pas uniquement des services d’urgences des hôpitaux parisiens mais également d’autres départements victimes de la pénurie médicale comme la Mayenne ou la Sarthe. Derrière les comités de défense (hôpitaux Nord-Mayenne, Bichat-Beaujon, etc.), près de 80 organisations et collectifs se mobilisent à nouveau : CIH, CIU, Santé en danger, Printemps de la psychiatrie, comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, confédérations de salariés (CGT, FO), sans oublier les internes (Isni) et des syndicats de PH (Action praticiens hôpital, Snphar-e, Amuf, Jeunes médecins…). Un coup pour rien ? « À l’issue de la manifestation, nous avons été reçus de façon la plus succincte, déplore la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Snphar-e. Les problèmes que nous soulevons ont été éludés : pénurie des professionnels de santé, permanence des soins, reconnaissance du temps de travail, rémunération, absence de réel dialogue social que ce soit avec les libéraux ou les hospitaliers ».

Bonus pour les fonctions managériales

Le ministère de la Santé s’abrite derrière les « avancées du Ségur », déclinées cette année sous forme de revalorisations salariales, de refonte des grilles de carrière et d’investissements hospitaliers (lire ci-dessous). Reçu début décembre au ministère, le syndicat Jeunes médecins dénonce « un dialogue de sourds ».

De fait, les mesures promises en juillet 2020 ont été appliquées au fil de l’année, chapitre par chapitre, donnant parfois l’effet d’un saupoudrage. Dernières à être entendues, les sages-femmes hospitalières signent fin novembre un protocole d’accord qui intègre des revalorisations significatives (500 euros net mensuels en moyenne). Côté médecins, comme promis en 2019, des bonus sont actés en novembre pour valoriser les fonctions managériales : indemnité de 200 euros brut pour les chefs de service hospitaliers, de 400 euros pour les chefs de pôle et de 600 euros pour les présidents de CME de groupement.

Lits, intérim : controverses majeures

Mais pour les blouses blanches, ces efforts ne comblent pas la perte d’attractivité de l’hôpital, qui s’explique aussi par la dégradation des conditions de travail à tous les étages. En juin déjà, les internes étaient en grève pour le respect strict de la durée légale de temps de travail hebdomadaire. Les psychiatres hospitaliers, dans la rue cet été, jugeaient leur discipline dans une situation « sinistrée » et réclamaient un « plan de sauvegarde ». Même analyse pour les pédiatres hospitaliers, « au bord de la rupture ». Dès janvier 2021, le Snphar-e avait lancé un appel à la grève, dénonçant la refonte de la grille des PH jugée « inéquitable », et contestant les modalités de reclassement.

Deux polémiques auront marqué l’année 2021, emblématiques de la crise hospitalière. La première concerne les fermetures de lits – le chiffre choc de « 20 % » de lits fermés avancé par le conseil scientifique a été contesté immédiatement par Olivier Véran et recalculé à 6 % par la FHF – et aura permis de mettre ce sujet sur la scène médiatique et politique. La seconde controverse concerne l’encadrement des rémunérations des médecins intérimaires : alors que le plafonnement strict était prévu pour fin octobre, le gouvernement a été contraint de rétropédaler – les hôpitaux étant dans l’incapacité de faire tourner certains services et de maintenir les lignes de garde. La crise de l’hôpital public s’invitera-t-elle dans la présidentielle ?