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Lequotidiendumedecin.fr : L’Assemblée rejette la proposition de loi Vigier et maintient la liberté d’installation

Novembre 2016, par infosecusanté

L’Assemblée rejette la proposition de loi Vigier et maintient la liberté d’installation

Henri de Saint Roman

| 24.11.2016

Les députés ont rejeté ce jeudi la proposition de loi du député UDI Philippe Vigier, examinée en séance, « visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire ». L’Assemblée a voté par 42 voix contre 14 une motion de rejet préalable présentée par le groupe socialiste. La ministre de la Santé et les députés ont toutefois échangé sur la proposition de loi, mais n’ont pas discuté du texte, article par article.

Certaines dispositions du texte étaient clivantes et rejetées par les jeunes médecins, comme l’obligation d’exercice pendant trois ans en zone sous dotée dans sa région de formation. D’autres, comme le développement de la télémédecine ou les stages d’un an en ambulatoire en 3e année d’internat, plus consensuelles, auraient pu être adoptées, a déploré Philippe Vigier.

En ouverture des débats, le député centriste a rappelé qu’en matière d’incitation, tout avait déjà été essayé. « Les dispositifs s’amoncellent au fil du temps sans résultat », a-t-il regretté. Il a également rappelé que la ministre de la Santé, aujourd’hui entièrement acquise au principe de liberté d’installation, avait cosigné en 2011 avec Jean-Marc Ayrault et d’autres socialistes une proposition de loi instaurant un bouclier rural dans les territoires, subordonnant notamment les installations des médecins libéraux à une autorisation préalable de l’ARS.

Philippe Vigier a tenté de défendre la mesure phare de son texte : « Trois années d’exercice en zone sous-dotée, ce n’est pas une privation de liberté absolue, a-t-il assuré, ça permettrait de fixer les jeunes médecins qui font souvent du nomadisme pendant en moyenne huit ans avant de s’installer ».

Tout n’a pas encore été essayé

Prenant à son tour la parole, Marisol Touraine a rappelé l’attachement du gouvernement à l’incitation, un domaine dans lequel « tout n’a pas encore été essayé », avant de lister ce qui a déjà été fait par son gouvernement. 1 800 étudiants ont d’ores et déjà signé un contrat d’engagement de service public (CESP), 650 jeunes médecins ont opté pour un contrat de praticien territorial de médecine générale (PTMG), le nombre de maîtres de stage a été revu à la hausse, celui des MSP devrait atteindre 1 200 fin 2017, et de nombreuses aides à l’installation, tant gouvernementales que conventionnelles, ont été mises en place.

La ministre a également annoncé que le numerus clausus serait augmenté de 478 places dans 22 facultés en 2017. « La coercition est inefficace », a-t-elle conclu, rappelant qu’aucun candidat de droite à la présidentielle n’avait formulé une telle proposition.

Plusieurs députés, de gauche comme de droite, se sont ensuite succédé à la tribune pour défendre ou condamner la proposition de loi. Sans surprise, les députés socialistes, radicaux de gauche, et républicains ont combattu le texte, tandis que les membres de l’UDI et du Front de gauche l’ont soutenu.

La députée des Hauts-de-Seine Jacqueline Fraysse (Front de gauche), cardiologue, a ainsi jugé qu’il n’était plus possible « d’arguer de la liberté d’installation pour justifier l’inaction : permettre aux médecins de s’installer partout sauf là où ils sont déjà trop nombreux me paraît frappé au coin du bon sens ».

Plus de 10 000 euros par mois pour un généraliste ?

Deux députés se sont cependant affranchis des consignes de leur groupe parlementaire. Le député Les Républicains Pierre Morel-à-L’Huissier, a ainsi soutenu le texte. Élu de la Lozère, il s’est lancé dans une longue énumération, jugeant que les exonérations fiscales à l’installation, les majorations d’honoraires de 20 %, le CESP à 1 200 euros par mois, les MSP financées par l’État à concurrence de 1 à 2 millions d’euros chacune, les indemnités kilométriques, les bourses, les financements de logement, les exonérations de taxe foncière ou d’habitation, ou encore les aides à l’installation de 50 000 euros étaient « une gabegie pour des médecins qui vont tout de même gagner plus de 10 000 euros par mois ».

De la même manière, la députée socialiste Catherine Lemorton, présidente de la commission des Affaires sociales, a fait une sortie remarquée à la fin des débats. « La désertification progresse malgré les incitations payées par les citoyens, a-t-elle lancé d’un air grave en direction de Marisol Touraine. L’opinion publique finira par se retourner et exiger des médecins là où il en manque, parce qu’elle finance ce système. Et ce jour-là, je dirai bravo, mais on aurait dû le faire avant. »