Les professionnels de santé

Les Echos - Les dépassements d’honoraires des médecins repartent à la hausse

Mai 2022, par Info santé sécu social

Solveig Godeluck

En 2021, un nouveau record a été battu avec près de 3,5 milliards d’euros de dépassements d’honoraires. La part de médecins autorisés à facturer plus cher leurs consultations croît et le taux de dépassement individuel moyen grimpe pour la première fois en dix ans.

Ne vous attendez pas à un chemin bordé de roses. C’est en creux le message de l’Assurance Maladie aux médecins libéraux, quand elle dresse un état des lieux des pratiques tarifaires et met en évidence l’augmentation constante des dépassements d’honoraires. Des discussions en vue d’une nouvelle convention doivent s’ouvrir au deuxième semestre. Les professionnels libéraux attendent beaucoup de cette négociation, qui doit être bouclée d’ici à mars. Les voilà prévenus.

Un avenant a permis de revaloriser en urgence les visites longues, la téléexpertise, la mise à jour des logiciels médicaux. Mais certains sujets ont été reportés au nouveau quinquennat, comme la e-prescription des arrêts de travail. Les professionnels espèrent surtout qu’Emmanuel Macron tienne sa promesse de campagne de « mieux rémunérer » les libéraux qui s’impliqueront dans son projet d’amélioration de l’accès aux soins.

Mais, selon un document de travail présenté aux partenaires conventionnels le 19 mai, les dépassements d’honoraires n’ont jamais été aussi élevés qu’en 2021, à quasiment 3,5 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus en vingt ans.

La majorité des spécialistes désormais en secteur 2
La quasi-totalité de ces dépassements sont le fait des spécialistes, car les généralistes n’ont plus le droit de s’installer en secteur 2, à tarifs libres. Par conséquent, depuis l’an 2000, la proportion de généralistes autorisés à dépasser a reculé de 14 % à 5 %. Leur rémunération forfaitaire sur objectifs de santé publique a inversement crû, jusqu’à dépasser un mois de revenus.

Dans le même temps, la part des spécialistes en secteur 2 a grimpé de 37 % à 51 %. Plus de huit chirurgiens sur dix exercent dans ce secteur et sept gynécologues-obstétriciens sur dix. Depuis l’année dernière, ces 28.000 professionnels autorisés à facturer des honoraires complémentaires sont devenus plus nombreux que les spécialistes à tarifs opposables (secteur 1).

Jusqu’à présent, les pouvoirs publics ne s’en formalisaient pas. Depuis 2012, avec le contrat d’accès aux soins, qui s’est transformé en 2017 en contrat « Optam » ou « OptamCo » pour les chirurgiens et obstétriciens, un dialogue s’est instauré avec le secteur 2 afin d’inciter les professionnels à la modération tarifaire. Et 15.000 médecins sont signataires de ces dispositifs.

L’Assurance Maladie majore le remboursement des consultations en secteur libre si les médecins se plient à deux conditions : rester en-deçà d’un taux moyen de dépassement (le montant moyen facturé rapporté au tarif opposable) ; réaliser un pourcentage de leur activité au tarif opposable.

Le malaise des jeunes médecins
De fait, le taux de dépassement des médecins à tarifs libres n’a cessé de chuter entre 2012 et 2020, tombant de 55,4 % à 46,5 %, tandis que le taux d’honoraires au tarif opposable croissait continûment, de 32,9 % à 43,4 %. Puis soudain, en 2021, le premier indicateur est reparti à la hausse de 1,4 point, et le deuxième a cessé de monter. Parmi les secteurs 2, le taux de dépassement est particulièrement élevé chez les psychiatres et neuropsychiatres (plus de 60 %), les gynécologues-obstétriciens, les ophtalmologues, les chirurgiens (au-dessus de 50 %).

Pour Jean-Paul Ortiz, président d’honneur du syndicat CSMF, ces contrats « s’essoufflent », c’est certain. Mais s’il y a un motif de préoccupation, c’est surtout l’augmentation des installations en secteur 2. Selon lui, cette tendance « traduit le malaise des jeunes médecins », qui cherchent à « desserrer l’étau des tarifs conventionnels », avec des tarifs français qui font « la moitié des tarifs de consultation européens ».

L’avenant de 2021 n’y a rien changé, car il n’y a eu que quelques revalorisations ciblées à partir d’avril 2022, ajoute-t-il. Il pointe également un « effet post-Covid », du fait d’un accompagnement très en-dessous de ce qui a été fait pour le secteur de la restauration. Le dispositif d’indemnisation de la perte d’activité des médecins n’a pas fait l’unanimité.

Conclusion du syndicaliste : « Il va falloir reconstruire le contrat social entre les médecins libéraux et la société ». En principe, c’est également ce que leur a promis Emmanuel Macron avec sa « conférence des parties prenantes ». Reste à rédiger ce contrat.