Le social et médico social

Libération - Aides annoncées pour les précaires : certains resteront sur le palier

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Par Amandine Cailhol et Pauline Achard — 26 novembre 2020

Le revenu de remplacement exceptionnel annoncé jeudi par l’exécutif concernera seulement une partie des salariés qui ont été privés de leur activité.

N’oublier « personne au bord de la route ». Voilà des semaines que les syndicats, Laurent Berger, le numéro 1 de la CFDT, en tête, appellent le gouvernement à renforcer son dispositif d’aides afin d’amoindrir les effets de la crise. Notamment pour les plus précaires : les intérimaires, les abonnés aux CDD à répétition dont les contrats se sont arrêtés net, les étudiants privés de leurs petits boulots ou les jeunes diplômés ne pouvant prétendre à aucun filet de sécurité.

Message entendu ? En partie, semble-t-il. Jeudi, l’exécutif a annoncé de nouveaux dispositifs, dont une aide exceptionnelle pour les travailleurs précaires. Objectif : « Garantir un revenu de remplacement mensuel minimal », selon la ministre du Travail, Elisabeth Borne. D’un montant pouvant aller jusqu’à 900 euros par mois, cette garantie devrait bénéficier aux travailleurs de la restauration ou de l’événementiel, ou encore à des intérimaires, lourdement touchés par la crise. Sont ciblés aussi les saisonniers des stations de ski, qui ne pourront ouvrir en décembre. Reste que tout le monde ne pourra y prétendre : seuls les salariés ayant travaillé « significativement » avant la crise du Covid seront éligibles.

Jeunes
Concrètement, il faudra avoir travaillé « plus de 60 % des jours de l’année 2019 », précise-t-on dans l’entourage de la ministre. L’aide, qui peut donc aller jusqu’à 900 euros pour les personnes sans ressources, pourra aussi être versée en complément d’autres revenus. Le cumul avec le RSA sera possible dans la limite d’un total de 900 euros. En cas de reprise d’activité, en revanche, ce plafond pourra être dépassé, puisque seuls 40 % des salaires perçus viendront en déduction de cette aide, afin d’« inciter à la reprise d’emploi ». Au total, 350 000 personnes, dont 70 000 jeunes, seraient concernées. Mais « l’enveloppe n’est pas fermée », assure le ministère. Selon la Dares, la direction des études du ministère, la France compte près de 1 million de saisonniers. Mais tous, loin de là, n’atteindront pas le seuil défini par l’exécutif pour bénéficier de l’aide. Car, toujours selon la Dares, entre avril 2018 et mars 2019, un saisonnier a travaillé en moyenne 180 jours, soit environ six mois. « Les travailleurs les plus précaires sont exclus de cette aide exceptionnelle, regrette Marie Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde. Derrière, il y a toujours cette idée que l’on récompense ceux qui se seraient donné du mal. Comme s’il y avait les bons et les mauvais pauvres. Ce n’est pas entendable ! »

Mise en place par Pôle Emploi à partir du 1er novembre, l’aide, qui sera versée tous les mois (sauf pour le premier versement, qui couvrira deux mois), sera aussi limitée dans le temps. Le Premier ministre, Jean Castex, a précisé que cette « réponse exceptionnelle » serait versée jusqu’en février 2021. Même si, assure le ministère du Travail, elle pourrait être reconduite.

Autre cible du gouvernement : les jeunes, « premières victimes de la crise », selon le Premier ministre. Notamment les étudiants et les jeunes diplômés, qui subissent ce second confinement de plein fouet. En juin, l’Organisation internationale du Travail estimait que plus d’un jeune sur six avait cessé de travailler depuis le début de la pandémie. En réponse, le locataire de Matignon a annoncé la création de 20 000 jobs étudiants, à raison de contrats de 10 heures par semaine sur une durée de quatre mois. Le but : éviter le décrochage des étudiants privés de ressources. Les aides d’urgence versées par les Crous, les centres d’œuvres universitaires, seront aussi doublées pour soutenir 45 000 jeunes supplémentaires. Le chef du gouvernement promet également d’aider les jeunes diplômés à trouver leur premier emploi. Le dispositif « un jeune, une solution », permettant, entre autres, d’accompagner la recherche d’un premier emploi, sera renforcé, avec des aides financières allant jusqu’à 500 euros par mois. La « garantie jeunes », qui cible de son côté les moins de 25 ans en grande précarité, sera étendue en 2021 et bénéficiera à « au moins 200 000 jeunes », assure Elisabeth Borne (contre 100 000 aujourd’hui).

« Urgence »
De quoi compléter les dispositifs déjà mis en place cet été dans le cadre « du plan jeunes » qui « commence à porter ses fruits », selon le ministère : en novembre, on comptabilise 128 000 intentions de recours à la prime à l’embauche d’un jeune et 172 000 demandes d’aide à l’embauche d’un apprenti, avec un total d’un million de jeunes qui ont eu un contrat de travail entre août et octobre (soit presque autant que sur la même période en 2019). Des chiffres plutôt encourageants, même si des effets d’aubaine sont à craindre. « Il y a une absence de sécurisation de parcours dans ces mesures, qui ne permet pas d’avoir des solutions pérennes pour les jeunes », soutient le président de l’Association nationale des Apprentis de France, Aurélien Cadiou.

Tout en se félicitant de cette « première réponse d’urgence qui répond à des situations critiques », Marylise Léon, du bureau confédéral de la CFDT, s’interroge sur la suite : « On est loin d’être sortis de la crise, et rien ne dit que la situation de ces personnes va se régler au printemps. Le gouvernement fait des réponses ponctuelles, c’est bien. Mais il faut aussi des solutions pérennes. »