Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : une levée des restrictions et après ?

Mars 2022, par Info santé sécu social

La baisse de circulation du virus permet au gouvernement de maintenir son calendrier d’allègement des mesures sanitaires. Mais les spécialistes s’accordent sur le risque de voir apparaître de nouveaux variants.

par Olivier Monod
publié le 3 mars 2022
Une fois n’est pas coutume, c’est pour apporter de bonnes nouvelles que Jean Castex a parlé du Covid-19 dans le poste. Invité au journal de 13 heures, sur TF1, le Premier ministre a assuré que « la situation s’améliore grâce à nos efforts collectifs, grâce aux mesures que nous avons prises […], les conditions sont réunies pour une nouvelle phase d’allégement des mesures » et a annoncé qu’à partir du lundi 14 mars le pass vaccinal et le masque en intérieur (sauf dans les transports) étaient levés. La bamboche est de retour, mais le Covid n’est pas de l’histoire ancienne pour autant. L’incidence, à 584 cas pour 100 000 habitants sur sept jours glissants, reste au-dessus de tout ce que le pays a connu lors des vagues précédentes.

Ce calendrier d’allégements se dessinait depuis plusieurs semaines. Le 20 février, sur RTL, Olivier Véran affirmait déjà que « d’ici à la mi-mars les conditions hospitalières et épidémiques nous permettront de supprimer le masque à l’intérieur et de supprimer tout ou partie du pass vaccinal là où il est encore en vigueur aujourd’hui ». Le ministre de la Santé avait même fixé un seuil. Il fallait que le nombre de personnes en service de réanimation descende sous la barre des 1 500. Les services de soins critiques prennent en charge 2 300 patients positifs au Covid-19 aujourd’hui mais ce nombre est appelé à baisser.

La guerre et les recombinants
« Nous sommes sur une bonne trajectoire. Nous anticipons 1 200 patients en réanimation à la mi-mars », explique Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique. Plus précisément, ses modèles prévoient une fourchette entre 1 000 et 1 580. Les projections de Guillaume Rozier, fondateur de CovidTracker, sont moins optimistes. Elles s’attendent à 1 750 patients en réanimation au 14 mars. « La dynamique est bonne pour tenir l’objectif », commente Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie à l’université de Montpellier. Selon les analyses de son équipe, la décrue en cours a atteint son rythme de croisière et permet des prédictions fiables.

Comme toujours depuis le début de cette crise, la prévision de la dynamique épidémique est soumise à de nombreuses inconnues. L’ampleur du relâchement des gestes barrières et la fin des vacances scolaires en sont deux bien connues. L’apparition d’un nouveau variant est également toujours possible. La superposition des vagues delta et omicron dans plusieurs pays du monde laisse craindre l’apparition d’un mutant moitié delta, moitié omicron (on appelle cela un recombinant). Cette apparition d’un virus « deltacron » a déjà été observée en Australie, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, mais aussi en France. Aucun de ces cas ne semble à ce jour problématique mais il convient de bien les surveiller. « Chaque recombinaison est un événement génétique unique pouvant amener des associations différentes dont les effets sont très difficiles à prévoir et nécessite des études indépendantes », avance Mircea Sofonea.

« Solidarité sanitaire »
La situation actuelle est aussi marquée par la guerre en Ukraine qui entraîne un flux de soldats et de civils fuyant les combats. « Cela va favoriser la circulation du virus. La prévention sanitaire contre le Covid n’est absolument pas une priorité dans ces cas, évidemment. Nous disposons d’un précédent exemple de brassage à l’échelle du continent : l’Euro 2020 de football avait contribué à la dynamique épidémique l’été dernier », souligne Mircea Sofonea.

Le creux de la vague n’est pas encore atteint que, déjà, il faut anticiper la prochaine. Elle ne devrait pas arriver à court terme. Le sous-lignage BA.2 du variant omicron qui inquiétait, il y a quelques semaines, ne devrait pas avoir un impact majeur sur la baisse en cours. « Il pourrait ralentir la décroissance, mais pas générer une remontée importante », avance Simon Cauchemez. Selon lui, « même en relâchant assez vite les mesures », on est tranquille… au moins jusqu’au premier avril.

Après, un rebond du nombre de cas est à prévoir pour l’automne « à cause de l’affaiblissement de la mémoire immunitaire et le retour des jours courts et froids », avance Mircea Sofonea. L’universitaire n’exclut pas une reprise estivale en cas de « relâchement massif des gestes barrières ou d’apparition d’un nouveau variant préoccupant ». Malheureusement, le gouvernement ne parle pas de la prévention face à cette future vague. Des options existent pourtant. Un grand plan d’amélioration de la qualité de l’air pourrait être mis en place. « Avec le port du masque et une concentration moyenne de CO2 dans l’air intérieur constamment inférieur à 600 parties par millions, la vague omicron aurait été bien plus limitée », estime Mircea Sofonea.

A défaut, il faudrait au moins savoir quel niveau de circulation du virus et quelle mortalité nous sommes collectivement prêts à accepter. « Le cas des immunodéprimés met notre solidarité sanitaire à l’épreuve. Mais, passé deux ans, il ne faut plus analyser la circulation d’une maladie infectieuse uniquement à l’aune de la mortalité. Cette maladie entraîne aussi des symptômes post-aigus, des surrisques cardiovasculaires et neuropsychiatriques, sur lesquels nous manquons encore de recul », note Mircea Sofonea.

« Le conseil scientifique demande depuis longtemps un débat pour décider ce qui est acceptable en termes d’impact sociétal du Covid et de circulation du virus », rappelle Simon Cauchemez. Et cela fait longtemps que le gouvernement reste sourd à cette recommandation d’un débat démocratique sur la gestion de la crise sanitaire, serait-on tenté d’ajouter.