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Libération - Retraites, chômage, RSA : le coup de braquet à droite du candidat Macron

Mars 2022, par Info santé sécu social

Le président de la République a présenté ce jeudi les principales mesures qu’il compte mettre en œuvre en cas de réélection. Au programme, la promesse du « plein emploi », plus de « devoirs » pour les précaires et des droits sur la sellette pour les salariés futurs retraités et les demandeurs d’emploi.

par Frantz Durupt, Lilian Alemagna, Anne-Sophie Lechevallier et Amandine Cailhol
publié le 17 mars 2022

Emmanuel Macron s’est fixé un objectif : celui du « plein-emploi », sans préciser toutefois à quel taux de chômage exactement il se situerait. Pour ce faire, sa méthode affichée tient en quelques mots que la modestie n’étouffe pas : il s’agit de « faire dans les cinq ans à venir ce que nous avons fait dans les cinq ans qui viennent de s’écouler ». Le chef de l’Etat se targue en effet d’avoir ramené le taux de chômage à son plus bas niveau depuis quinze ans (7,4 % selon l’Insee), même si l’emploi précaire, lui, a continué d’augmenter (en 2021, Pôle Emploi a enregistré une forte hausse, de 8,6 %, du nombre de personnes en catégorie C, en activité réduite). Fort de quoi il veut poursuivre sur sa lancée et mise tout sur son mantra : le « travailler plus ».

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Assurance chômage : encore des réformes
Le candidat promet ainsi de « continuer les réformes de l’assurance chômage », la dernière, largement décriée par les syndicats, ayant déjà pour objet de frapper au portefeuille de nombreux demandeurs d’emploi, en particulier les plus précaires qui enchaînent les CDD. Pour ce nouveau volet, Emmanuel Macron défend « un système simple », prometteur de reculs des droits : « A chaque fois que la conjoncture s’améliore, on doit avoir des règles qui réincitent encore davantage au retour à l’emploi. A chaque fois que la conjoncture se dégrade, on doit mieux protéger celles et ceux qui tombent dans une situation de chômage. »

Parallèlement, le président candidat annonce la fin de « Pôle Emploi », dont le nouveau nom plein de promesses serait « France Travail ». Il s’agira de « mettre en commun tous les savoir-faire et les compétences », trop éparpillés selon lui entre Pôle Emploi – né en 2008, sous Nicolas Sarkozy, de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assédic avec pour mission d’indemniser les chômeurs et de leur proposer des offres d’emploi – et les régions, départements et communes qui peuvent aussi intervenir en la matière. Selon le président-candidat, « France Travail » sera « un lieu où on accompagne tous ceux qui ont vocation à revenir à l’emploi de manière beaucoup plus simple », en bref une sorte de « guichet unique » – même si Emmanuel Macron dit ne pas trop apprécier ce terme.

Retraites : vers un nouvel âge légal de départ à 65 ans

Sans surprise, le « travailler plus » et la réforme des retraites font leur grand retour dans le programme du candidat, sous la forme d’un passage « progressif » à un nouvel âge légal, celui de 65 ans, sans préciser d’échéance temporelle. Plus question de système à points ni de réforme systémique comme lors de sa précédente campagne présidentielle. « C’est une des deux grandes réformes que je n’ai pas pu mener à terme », a-t-il rappelé, invoquant la pandémie alors que sa réforme, contestée par plusieurs syndicats, était enlisée bien avant l’arrivée du Covid-19 au début de l’année 2020. Tout en justifiant son changement de pied sur la nature de la réforme envisagée à cause de conditions macroéconomiques qui « ne sont plus les mêmes », allusion au chiffrage du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites de juin (qui évalue à 18 milliards le déficit du système de retraites en 2020) et par les enseignements tirés des difficultés qu’il a eues à faire comprendre et accepter sa première version de la réforme des retraites. Il assure que la justice ne sera pas oubliée, notamment pour ceux qui ont eu des carrières longues – ils pourront bénéficier d’un « âge de départ anticipé à 62 ans » – et promet également que le dialogue social fonctionnera pour améliorer le taux d’emploi des seniors. Il y a du chemin. La France est l’un des pays européens où le taux d’emploi des seniors est le plus faible – avec 32,7 % des 60-64 ans en emploi, contre 52,4 % en moyenne dans les pays de l’OCDE… Et comme le rappelait Libération en décembre, à l’âge légal de départ à la retraite en vigueur aujourd’hui, soit 62 ans, un quart des Français les plus pauvres sont déjà morts, alors que le taux de survie des plus riches est de 95 %.

Le président-candidat veut faire travailler plus longtemps les Français, mais il veut aussi « permettre à chacun de gérer différemment son temps de travail dans son cycle de vie » et promet ainsi un compte épargne-temps (CET) « portable et universel ». Les salariés qui en bénéficient déjà dans leur entreprise pourraient ainsi emporter leurs jours de congé économisés en changeant d’employeur. Et, alors que le CET n’existe aujourd’hui que dans une partie des entreprises, Emmanuel Macron promet que tout le monde en aura un, et qu’il sera possible de « le monétiser de différentes manières, en monnaie sonnante et trébuchante ou en temps ». « C’est une vraie réforme de modernisation de notre vie au travail », assure le candidat. C’est aussi un appel du pied à la CFDT qui défend depuis un moment cette idée.

Un RSA conditionné à « 15 à 20 heures par semaine » d’activité d’« insertion »

Quant aux plus éloignés de l’emploi et qui reçoivent un revenu de solidarité active (RSA), Emmanuel Macron compte bien leur demander aussi des « efforts ». Ou plus précisément une « part de devoir » avec « l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine » à une activité dans un but « d’insertion professionnelle ». L’idée de favoriser l’insertion au sein du dispositif n’est pas nouvelle : elle figurait déjà dans les missions des services départementaux lorsqu’ils ont récupéré la gestion du RSA lors de la décentralisation sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mais qui s’est, peu à peu, délité compte tenu des difficultés financières de ces collectivités ces vingt dernières années. En 2015, Nicolas Sarkozy évoquait aussi un « contrat d’insertion » de sept heures de travail par semaine pour les bénéficiaires du RSA, avec une dimension obligatoire. Un an plus tard, le conseil départemental du Haut-Rhin, dirigé par la droite, franchissait le pas, en conditionnant le RSA à du bénévolat. Un grand saut qu’Emmanuel Macron est donc prêt à faire.

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« Les bénéficiaires du RSA aujourd’hui ont été les victimes de notre mauvaise organisation collective, a déclaré le président candidat. Il faut un revenu de subsistance pour toute personne, mais il faut pouvoir mieux accompagner chacune et chacun, reconnaître sa dignité, et lui demander une part de devoir pour toutes celles et ceux qui le peuvent. » Il propose ainsi de « généraliser » le modèle du « contrat engagement jeunes » pour les 18-25 ans entré en vigueur le 1er mars, dont l’allocation d’un maximum de 500 euros est soumise à conditions (notamment celle d’« un parcours intensif avec une mise en activité systématique »). « Ce que je souhaite faire c’est exactement ce que nous sommes en train de déployer », a-t-il poursuivi, en réaffirmant son choix de ne pas avoir ouvert le RSA aux moins de 25 ans, une mesure demandée par plusieurs associations de lutte contre la pauvreté, et en défendant l’idée de « demander une part d’efforts pour toutes celles et ceux qui le peuvent ».

Une proposition en droite ligne de celle, similaire, de Valérie Pécresse. « Celui qui touche le RSA donnera chaque semaine 15 heures d’activité à la société », promet la candidate LR depuis plusieurs semaines. Emmanuel Macron s’est également engagé, s’il est réélu, à faire verser les aides sociales « à la source », de manière automatique. « Le RSA, la prime d’activité, les APL [aides personnalisées au logement, ndlr] […] tous ces dispositifs qui sont très segmentés, avec des trappes, des situations ubuesques […], qui rendent notre système illisible, injuste, nous allons les simplifier », a-t-il déclaré. Ce qui selon lui bénéficierait aux « 20 millions de Français », et notamment à ceux qui touchent le RSA… s’ils y ont encore droit.

Seniors et Ehpad
Comment permettre aux Français vieillissants de rester plus longtemps à domicile ? Emmanuel Macron souhaite dupliquer le concept de MaPrimeRénov’, dédiée à la rénovation énergétique de l’habitat, et créer MaPrimeAdapt’, une aide financière permettant d’adapter son logement à sa perte d’autonomie. « C’est beaucoup plus intelligent que d’aller payer un établissement beaucoup plus lourd et beaucoup plus coûteux », a-t-il défendu. Dans cette même optique, le président-candidat propose d’augmenter le temps d’accompagnement à domicile à hauteur de « deux heures de plus par semaine ». « S’occuper d’une personne qui est dépendante, ce n’est pas vrai qu’on le fait en une demi-heure par jour », a-t-il admis. Cette augmentation devrait permettre aux aides à domicile de consacrer a minima « 40-45 minutes » à chaque personne âgée. Enfin, Emmanuel Macron prévoit le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad. Une mesure séduisante après la déflagration provoquée par le livre enquête les Fossoyeurs, mais qui pose question alors que les établissements ont déjà le plus grand mal à recruter. Il annonce également vouloir « renforcer les contrôles » dans ces structures, sans plus de précisions.

Santé
Sur la santé, Emmanuel Macron recycle plus qu’il n’innove, notamment en matière de lutte contre les déserts médicaux. Relevant que « 10 % de la population est aujourd’hui privée de médecins traitants », le candidat promet de s’attaquer à ces « injustices territoriales » dont souffrent au premier chef les populations « très précarisées » et les personnes âgées atteintes d’affection longue durée. Le constat est clair. La façon dont le candidat entend changer la donne, moins. Confirmant une information délivrée un peu plus tôt par son ministre de la Santé, Olivier Véran, Macron annonce son intention de « réunir les parties prenantes » pour faire émerger des solutions nouvelles. Pour le reste, le président-candidat semble surtout tabler sur les dispositifs déjà déployés pour libérer du temps médical : aide à l’embauche d’assistants médicaux ou possibilité de déléguer certains soins à des paramédicaux. Macron, qui table aussi sur la téléconsultation, promet de mettre en place « un système d’infirmiers ou de pharmaciens référents » habilités à renouveler certaines ordonnances. Conscient qu’il n’y suffira pas, vu le déclin démographique de la profession médicale, le locataire de l’Elysée propose de « déployer les internes en médecine de quatrième année dans les zones rurales ». Une idée déjà défendue par Anne Hidalgo et Valérie Pécresse…

Asile, réfugiés, immigration
Comme en 2017, en ce qui concerne l’immigration, le candidat Macron veut tout accélérer. Il y a cinq ans, il souhaitait raccourcir l’étude de la demande d’asile censée désengorger le système (une mesure intégrée à la loi asile et immigration). Désormais, il se prononce pour des « procédures d’éloignement plus rapides ». « Le refus d’asile vaudra obligation de quitter le territoire », a-t-il déclaré, plaidant pour une « fusion » des procédures de recours jugées inefficaces. Comme la candidate Pécresse, le président-candidat a annoncé qu’il entendait conditionner les titres de séjour long « à une vraie démarche d’insertion professionnelle de 4 ans ou plus ». En clair, le Président poursuit sur sa ligne « humanité et fermeté » avec un penchant plus dur en ce qui concerne les séjours irréguliers, incarné par la politique menée par Darmanin à l’Intérieur.