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Actu-soins - 150 euros d’augmentation par mois pour tous les Infirmiers : une proposition de loi qui ne sera pas étudiée

Décembre 2016, par Info santé sécu social

Le 16 novembre dernier, 33 députés du groupe Les Républicains (LR) déposaient une proposition de loi visant à revaloriser le salaire des infirmiers de 150 euros net par mois. Si la mesure paraissait plaisante et attractive au premier abord, elle comprenait néanmoins des failles. Décryptage d’une proposition qui restera dans les tiroirs de l’Assemblée.

150 euros d’augmentation par mois pour tous les Infirmiers : une proposition de loi qui ne sera pas étudiée". La profession infirmière traverse une crise grave, qui a eu des conséquences dramatiques au cours de l’été 2016 : cinq infirmières se sont donné la mort, le 13 juin à Toulouse, le 24 juin au Havre, le 30 juin à Saint-Calais, le 23 juillet à Reims, et le 13 Août à une nouvelle fois à Reims" rappelle en préambule, la proposition visant à revaloriser le salaire des infirmiers, de 33 députés du groupe LR.

Lourdes responsabilités, rythmes de travail trop soutenus, manque d’effectifs, salaires trop bas... Les arguments évoqués pour augmenter les infirmiers sont ceux revendiqués par toute une profession. D’ailleurs, le texte le rappelle : "les infirmières se sont mises en grève pour dénoncer leurs conditions de travail qui se dégradent, les sous-effectifs permanents qui les obligent à enchainer les gardes, l’accroissement des violences à l’hôpital, avec notamment 14 500 cas d’agressions recensées en 2014, la pression physique et psychologique permanente à laquelle ils sont soumis, et les salaires largement sous-évalués par rapport à la difficulté du métier".

Réelle attention pour les infirmières ou proposition de loi strictement incantatoire, à quelques mois seulement des élections présidentielles ? Il faut savoir que ce texte est finalement resté dans les tiroirs du groupe LR, qui ne l’a pas retenu pour être présenté en séance publique le 8 décembre prochain.

Un texte qui restera dans les tiroirs

"La prochaine séance publique - à l’Assemblée Nationale, ndlr -, et dernière de la législature, journée réservée aux choix du groupe Les Républicains est fixée au 8 décembre prochain et ce groupe n’a pas inscrit la proposition n° 4230 à l’ordre du jour de cette journée" confirme Alain Delmas, contact presse pour les affaires relatives à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale.

Pas inscrite, tout simplement parce qu’elle n’a pas été retenue par le groupe LR. "Il faut savoir que nombre de propositions de loi sont déposées sans réelle intention de les voir discutées, a fortiori adoptées, mais plutôt pour prendre date ; raison pour laquelle à ce jour, depuis 2012, plus de 4200 ont été déposées" ajoute Alain Delmas. Ainsi, pour le 8 décembre, seuls 6 textes, parmi une centaine ont été déposés.

"Notre proposition de loi visant à revaloriser le salaire des personnels infirmiers salariés n’a pas été retenue - par le groupe LR, ndlr -. Nous le regrettons car il s’agit à notre sens d’une proposition de loi indispensable" regrette de son côté Elsa Walter, collaboratrice parlementaire de Pierre Morel A L’Huissier, l’un des 33 députés à l’origine du texte.

Mais cette proposition aurait-elle vraiment pu être étudiée si elle avait été retenue ? A priori, difficilement, ne serait-ce que par rapport au mode de financement proposé pour assurer ces revalorisations salariales.

Les failles

Côté financement, les députés avaient prévu dans l’article 4 de la proposition, de compenser la perte de recette pour l’Etat par la création d’une taxe additionnelle "mentionnées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts". Autrement dit, par une taxation sur le tabac, et donc en contournant une règle budgétaire de la loi de finance. Car normalement, toute proposition de dépense nouvelle doit systématiquement être financée par une recette équivalente.

"C’est une pure hypocrisie" estime un responsable politique. Car nombreuses seraient les mesures pour lesquelles les députés proposeraient des financements via l’alcool ou le tabac quand ils ne savent pas comment faire autrement.

Côté forme, le texte soulève aussi des interrogations. Car si le fond sur le malaise infirmier y est, la manière d’en parler est assez déroutante pour certains. Maladroite même. Ainsi, tout un paragraphe définit le rôle fondamental des infirmières à travers le regard de l’humoriste Anne Roumanoff, qui a présenté il y a quelques semaines une chronique pour Europe 1 sur les infirmières. "Je n’ai rien contre elle mais je me demande bien ce que fait son appréciation dans un texte officiel ?" interroge Caroline, cadre infirmier, formatrice en IFSI.

Un salaire à revaloriser, certes... Mais des conditions de travail à revoir surtout

Alors qu’un plan du gouvernement a revalorisé de 0,6% le point d’indice dans la fonction publique hospitalière dès février 2017, avec un financement acté pour cela, les infirmiers attendent davantage de reconnaissance. Certes, une revalorisation plus importante est attendue par les professionnels, mais les raisons de la grogne actuelle sont bien plus étendues qu’à la stricte question financière.

"A l’hôpital, le manque de personnel, de moyens, de temps et l’encadrement déficient des étudiants, nuisent à la qualité des soins et à la prise en charge des patients tandis qu’en libéral la concurrence des structures de soins, parfois déloyale et non coordonnée avec les libéraux, une nomenclature obsolète et un refus de prendre en compte toutes les compétences infirmières et la notion de temps imposée dans les soins menace la profession. Véritable enjeu de santé publique, la sécurité et la qualité des soins n’est plus assurée en France." expliquait un communiqué commun de 16 organisations infirmières à la veille du grand mouvement du 8 Novembre dernier.

Plus de 10 000 infirmiers s’étaient mobilisés et avaient manifesté à Paris et partout en France pour faire entendre leurs revendications.

Malika Surbled