Politique santé sécu social de l’exécutif

Altrernatives économiques - Plan santé : effets de manche et grands absents

Janvier 2023, par Info santé sécu social

LE 23 JANVIER 2023

Emmanuel Macron a annoncé un nouveau plan santé. Mais il s’agit surtout de mesures déjà dans les tuyaux. Et le président de la République a laissé de côté des questions essentielles.

Par Céline Mouzon

Quelques jours avant la présentation de la réforme des retraites, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé un plan santé. Un de plus, est-on tenté de dire, tant les « pactes de refondation » (en 2019) et grands raouts type « Ségur de la santé » (en 2020) se succèdent sans qu’un changement de paradigme ne se fasse jour.

Depuis la mobilisation des urgentistes en 2019, la situation n’a fait qu’empirer : 6 millions de Français sont sans médecin traitant. A l’hôpital public, près de 20 % des lits sont fermés faute de personnel. Ce constat, le chef de l’Etat l’a lui aussi dressé dans son discours, faisant même son mea culpa : « Le traitement, manifestement, indépendamment du Covid, n’était sans doute pas suffisant. »

Ces annonces interviennent dans un contexte de tension à l’hôpital, sous l’effet des épidémies hivernales, et de mobilisation de médecins libéraux qui demandent le doublement du prix de la consultation, de 25 à 50 euros. Qu’en retenir ?

Peu de propositions nouvelles
Si la tonalité était volontariste, nombre des propositions n’ont rien de nouveau. Le recours à des assistants médicaux ou le renforcement de la coopération entre la ville et l’hôpital dans des communautés professionnelles territoriales de santé sont déjà dans les tuyaux. De même que le déploiement des infirmières de pratique avancée, dont l’enjeu est d’en assurer la viabilité économique. Des expérimentations sont en cours et une proposition de loi de la députée de la majorité, Stéphanie Rist, va dans ce sens. Aux « Médecins pour demain », qui défendent en réalité le modèle d’hier, le chef de l’Etat n’a heureusement pas donné de gages. Mais il a fustigé les patients « qui n’honorent pas les ­rendez-vous », évoquant une responsabilisation dont on voit mal quelle serait la traduction concrète : difficile d’imaginer l’introduction d’une amende pour ces patients dans le contexte actuel.

Surtout, Emmanuel Macron a parlé d’un « nouveau pacte avec la médecine libérale », qui impliquerait de « mieux récompenser » celles et ceux prêts à coopérer. « Plutôt que d’introduire de nouvelles primes, l’enjeu aujourd’hui est surtout de diminuer la part du paiement à l’acte », rappelle l’économiste Brigitte Dormont, en regroupant les médecins au sein d’organisations dotées d’un budget pour prendre en charge les besoins de prévention et de soins d’une population dont ils auraient la charge sur un territoire donné.

A l’hôpital, le chef de l’Etat a promis la sortie partielle de la tarification à l’activité, une annonce déjà faite en 2018. Il a aussi remis en cause les 35 heures, mais le ministre de la Santé François Braun a démenti leur suppression. En réalité, les 35 heures sont aménagées depuis longtemps à l’hôpital. Et si elles ont désorganisé les services, c’est par manque d’embauches.

Enfin, le retour d’une organisation en services plutôt qu’en grands pôles va dans le bon sens. La mise en place d’un tandem ­administratif-médical (plutôt qu’un seul directeur administratif) aussi, mais encore faut-il qu’il y ait quelque chose à cogérer. Si la rigueur budgétaire est maintenue, la cogestion ne changera pas grand-chose.

Quatre points passés sous silence
Au-delà, quatre éléments brillent par leur absence. Emmanuel Macron n’a mentionné le budget de la santé que pour se féliciter de son augmentation de 50 milliards d’euros ces trois dernières années. Si c’est exact, c’est surtout en raison du Covid, et cela ne compense pas les trop faibles augmentations votées depuis 2010. En termes réels, le dernier budget hors Covid est plutôt en baisse puisque l’augmentation de 3,5 % qui est prévue ne couvre même pas l’inflation, attendue à 5,5 % en 2023.

Ensuite, rien n’a été dit sur les dépassements d’honoraires. Or, ceux-ci restent élevés chez les spécialistes : ils représentent 17 % des honoraires en 2021 (+ 0,9 % par an en moyenne entre 2011 et 2021), freinant l’accès aux soins. Absents aussi les centres de santé et les maisons de santé pluriprofessionnelles, exemples pourtant probants de prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée.

Enfin, le Président n’a soufflé mot des ratios de patients par infirmière à l’hôpital, alors qu’il s’agit d’une mesure essentielle pour garantir de bonnes conditions de travail tout en améliorant la qualité des soins. Selon une étude publiée dans The Lancet1, les ratios (à 4 patients par infirmier le jour et 7 la nuit dans l’exemple australien retenu) font notamment chuter de 7 % les réadmissions dans la semaine, de 3 % la durée de séjour, et aboutissent à des économies à long terme. On objecte souvent que si les ratios ne sont pas atteints, des fermetures de lits supplémentaires pourraient avoir lieu, au prétexte de la sécurité des patients. Pour éviter cela, la mesure doit être mise en place progressivement, de façon à faire les recrutements nécessaires. En France, l’estimation des besoins est de 100 000 infirmières ou infirmiers pour un coût de 5 milliards d’euros, sur un budget de la santé de 250 milliards d’euros. Une proposition de loi en ce sens sera examinée au Sénat début février. Chiche ?


Par quoi remplacer la tarification à l’activité ?
Sortir de la tarification à l’activité, qui nourrit la course aux actes et la concurrence entre établissements, mais pour la remplacer par quoi ? Emmanuel Macron a évoqué une « rémunération sur objectifs de santé publique », soit un paiement à la performance. Or, un tel système a des effets pervers1.

« Il y a trois modes de financement de l’hôpital », a rappelé André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie et cofondateur du Collectif Inter-Hôpitaux2. A la journée (comme à l’hôtel), solution retenue entre 1945 et 1983 ; par une dotation globale (comme pour l’Education nationale), système qui a prévalu entre 1983 et 2004 ; et à l’activité. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. L’enjeu est de déterminer le meilleur mode de financement pour un soin donné.

Pour les soins palliatifs, par exemple, il faut un prix de journée, défend le praticien. Pour les opérations standardisées, comme une opération de la cataracte, la tarification à l’activité est pertinente. Pour les maladies chroniques, plus complexes, il faut une dotation.

Le plan santé n’a pas clarifié les choses de ce point de vue.