Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : pas besoin d’être devin pour lancer le prochain compte à rebours…

Février 2023, par Info santé sécu social

Journal d’épidémie, par Christian Lehmann

Christian Lehmann est médecin et écrivain. Pour « Libération », il tient la chronique régulière d’une société traversée par le coronavirus. Aujourd’hui, il s’inquiète de l’arrêt des mesures de prévention.

publié le 01/02/2023

La France a d’incroyables talents. Dans ses vœux aux soignants le 6 janvier, Emmanuel Macron racontait, comme en 2018 avec son plan « Ma santé 2022 », que plus rien ne serait comme avant. La France, expliquait-il avec des accents de bateleur, venait de s’engager dans la prévention : « Pour la première fois, vous avez un ministre de la Prévention et de la Santé. Et ça, c’est indispensable parce que tout ce qu’on prévient, c’est évidemment ce qu’on évite de soigner ensuite. Et c’est un investissement rentable pour la nation et rentable pour la santé collective. On a besoin d’avoir un système qui prévient mieux. »

Moins d’un mois plus tard, ce mercredi, après avoir déjà réduit la voilure sur le dépistage des infections et le séquençage des variants circulants, la France met fin à tous les dispositifs de prise en charge de l’épidémie, au vu du « contexte épidémique favorable », alors que se profile une dixième vague dans le pays, que la Chine, en pleine transhumance de vacances d’hiver, est balayée par une immense vague de contaminations après l’arrêt brutal du dispositif zéro Covid dans un pays mal vacciné de 1,4 milliard d’individus, et que, cerise sur le gâteau, l’Organisation mondiale de la santé, lors de sa réunion du 27 janvier, maintient l’état d’« urgence de santé publique de portée internationale ». Mais en France, pays de la prévention, on célèbre en fanfare la fin de l’exception Covid, des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence pour les personnes testées positives, de l’isolement des cas positifs, et de leur enregistrement systématique dans le fichier Sidep, tandis que disparaît le dispositif Contact Covid qui prévenait les médecins traitants lorsqu’un de leurs patients était déclaré positif.

Loin du déni français, « le secrétariat de l’OMS s’est dit préoccupé par l’évolution continue du virus dans le contexte de la circulation incontrôlée du SRAS-CoV-2 et de la diminution substantielle de la communication par les Etats membres de données relatives à la morbidité, à la mortalité, à l’hospitalisation et au séquençage du Covid-19, et a réitéré l’importance de partage de données en temps opportun pour guider la réponse à la pandémie en cours ».

Mascarade bien rodée
En France, aucun suivi de l’épidémie, aucun séquençage correct, tout est donc prêt pour que l’année 2023 se déroule dans les meilleures conditions sanitaires, puisqu’on nous promet sans pouffer, après un « effort massif de purification de l’air avant la fin de l’année (2022) », une « stratégie globale de lutte contre les infections respiratoires aiguës de l’hiver (Covid-19, grippe, bronchiolite) qui sera pleinement déployée pour la prochaine saison 2023-2024 », ceci après une année 2022 où 40 000 personnes sont mortes du Covid en France au cours de cinq vagues successives tout au long de l’année.

Droit dans ses bottes, après avoir refusé de réinstaurer le port du masque en lieu clos et dans les transports tandis que le système de santé était submergé par une triple épidémie de viroses à transmission aérienne, François Braun, le ministre de la Santé et de la Prévention que le monde entier nous envie à en croire Emmanuel Macron, nous avait pourtant expliqué clairement les limites de son champ d’expertise : « Mon rôle n’est pas d’anticiper, mon rôle est dans l’action. Mon rôle est de soutenir cette réforme des retraites qui est essentielle… »

Toutes les décisions sanitaires jusqu’à présent avaient donné lieu à une mascarade bien rodée, le Conseil scientifique dirigé par le professeur Jean-Louis Delfraissy édictant des recommandations que le gouvernement publiait ou ne publiait pas, suivait ou ne suivait pas, selon que ces recommandations collaient ou non aux objectifs politiques du moment. En 2023, Emmanuel Macron ne fait même plus semblant d’interroger son nouveau hochet, le piteux Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires dirigé par Brigitte Autran, qui n’a anticipé ni l’échec prévisible d’une vaccination de rappel sans communication lisible ni réouverture des centres vaccinaux, ni les conséquences de son refus de réinstaurer le port du masque, « principal bouclier contre la diffusion de ces épidémies » dont « il est un peu difficile d’envisager le recours à l’obligation chaque année ».

Séquelles durables
Pas besoin d’être devin donc pour lancer le compte à rebours des prochains éléments de langage du gouvernement lorsque les contaminations reprendront sans moyen de les comptabiliser réellement. Nous aurons droit au célèbre : « Les prochaines semaines seront décisives », suivi du fameux « Qui aurait pu prévoir ? », avant les habituels remerciements aux soignants « qui ont tenu », alors que dans la vraie vie le système de santé agonise. Le Covid long et ses séquelles vont donc s’installer durablement dans le paysage, la mortalité augmenter sans que le ministre ne s’inquiète des conséquences immunitaires à moyen terme de réinfections Covid répétées, les plus vulnérables vivre au quotidien un véritable abandon.

En attendant la prochaine vague, nous continuons donc, comme l’écrit très finement le secrétaire général de l’OMS, notre « cycle panique et négligence ».