L’hôpital

JIM - L’hôpital public peut-il tenir sans les intérimaires ?

Mars 2023, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 13 mars 2023

Alors que la loi plafonnant la rémunération des soignants intérimaires entre en vigueur dans trois semaines, la FHF appelle à réquisitionner des médecins si nécessaire.

Dans de nombreux établissements hospitaliers français, l’inquiétude monte. Dans trois semaines exactement, le 3 avril prochain, l’article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021 entrera en vigueur. Ce texte prévoit que le comptable public de l’hôpital aura désormais l’obligation de rejeter toute rémunération d’un intérimaire qui dépasse le plafond réglementaire fixé au 1er janvier 2018 de 1170 euros brut (environ 970 euros net) pour une garde de 24 heures.

Un plafond mis en place pour mettre fin aux nombreux abus de l’intérim médical, les intérimaires n’étant pas rares à exiger des sommes allant jusqu’à plus de 2 500 euros la garde. Mais cette limite n’est que très peu respectée, nombreux étant les hôpitaux qui, faute de personnel suffisant, sont contraints de céder aux exigences des intérimaires pour continuer à faire tourner leurs services : selon une étude réalisée en mai dernier par la conférence nationale des directeurs des centres hospitaliers (CNDCH), 83 % des établissements de santé dépassent régulièrement ce plafond réglementaire.

La FHF demande des réquisitions…
L’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi Rist était d’abord prévue en octobre 2021, avant d’être repoussée sine die par le ministre de la Santé d’alors Olivier Véran, bien conscient que ce plafonnement des rémunérations allait provoquer la fuite de nombreux intérimaires et la désorganisation des services. Depuis, le nouveau locataire de l’avenue de Ségur, François Braun, a décidé d’appliquer la mesure à partir du 3 avril prochain, mais le problème reste le même : en l’état actuel des choses, de nombreux établissements ne peuvent tout simplement pas se passer des intérimaires.

La mesure va entrainer des « fermetures ponctuelles ou totales de services à risque vital comme les urgences ou des maternités, un recours accru aux transferts médicalisés et une surcharge prévisible des centres 15 notamment dans les villes moyennes » reconnait la Fédération Hospitalière de France (FHF) dans un communiqué publié ce jeudi. Pourtant, la fédération, proche de la majorité présidentielle, estime que le plafonnement de la rémunération des intérimaires est nécessaire.

« On ne pouvait pas continuer comme cela » a affirmé ce dimanche Arnaud Robinet, président de la FHF et maire Horizons de Reims, qui rappelle que l’intérim coute à la collectivité « 1,5 milliards d’euros dépensés chaque année » et que certains intérimaires gagnent parfois deux fois plus que leurs confrères PH. Il appelle donc à une « union sacrée » pour tenir le choc de l’entrée en vigueur de l’article 33 et recommande plus concrètement « la réquisition des personnels le moment venu et notamment des intérimaires » en cas de risque de fermeture de services, un risque qu’il estime « temporaire ».

…et le SNPHARE des hausses de salaire
Un discours qui inquiète le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE), qui alerte depuis plusieurs semaines sur les potentielles conséquences délétères de la fuite des médecins intérimaires. Si le syndicat dit « soutenir l’application de l’article 33 de la loi Rist », il refuse que ce soient les PH qui en subissent les conséquences, sous forme d’augmentation de la charge de travail ou de réquisitions.

« La FHF en appelle à l’union sacrée. Bonne idée…si et seulement si l’union sacrée consiste à permettre aux praticiens d’effectuer leur travail dans le respect de leur statut et de permettre aux directeurs d’hôpitaux de les rémunérer à hauteur de leurs compétences, responsabilités et la pénibilité de leur exercice » réagissent dans un communiqué paru ce lundi les anesthésistes-réanimateurs. Pour le syndicat, l’argent public économisé grâce au plafonnement de la rémunération des intérimaires doit permettre de rendre le métier de PH plus attractif et ainsi « limiter le phénomène même de l’intérim ». Le SNPHARE rappelle donc ses revendications de longue date : reconnaissance de l’ancienneté des PH nommés avant la réforme de 2020, revalorisation pérenne des astreintes et des gardes de nuit, décompte horaire fiable du temps de travail…

Le débat sur l’encadrement de la rémunération des intérimaires et les moyens d’éviter d’avoir recours à eux continue. Une chose est sure cependant : l’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi Rist risque d’être difficile à supporter pour de nombreux hôpitaux.

Grégoire Griffard