L’hôpital

JIM - Encadrement de l’intérim : l’hôpital public en grande difficulté

Avril 2023, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 14 avril 2023

Comme les médecins le craignaient, l’encadrement de la rémunération des intérimaires rend difficile d’assurer la continuité des soins dans certains hôpitaux.

L’hôpital public n’avait pas besoin de cela. Déjà miné par une pénurie systémique de personnel et par la crise de la Covid-19 qui a laissé des traces, il doit également désormais faire avec la loi Rist. Adoptée en avril 2021, cette loi interdit à un hôpital de rémunérer un intérimaire au-delà d’un plafond réglementaire, initialement fixée à 1 170 euros brut pour une garde de 24 heures, finalement relevé il y a deux semaines à 1 390 euros brut. Après deux années d’atermoiement, le ministre de la Santé François Braun a décidé de faire appliquer cette loi à partir du 3 avril, afin de mettre fin aux dérives de l’intérim, certains médecins remplaçants étant parfois payés plus de 3 000 euros la garde de 24 h.

Problème : face au manque de personnel titulaire, de nombreux hôpitaux n’ont pas d’autre choix que de faire appel à des médecins intérimaires. Comme le craignaient beaucoup d’observateurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi Rist il y a dix jours, de nombreux remplaçants ont décidé de fuir l’hôpital public (d’autant que ce plafond ne s’applique pas dans le privé), mettant ainsi de nombreux hôpitaux en grande difficulté. Selon le Syndicat national des médecins hospitaliers remplaçants (SNMHR), qui est résolument opposé à cette réforme, ce serait déjà une cinquantaine de services hospitaliers qui ont dû fermer ou réduire leur activité à travers la France. Les services d’urgences et de pédiatrie seraient particulièrement touchés selon ce comptage.

Vosges : des lits fermés et une maternité au bord de la rupture
C’est dans les établissements hospitaliers des zones rurales et des villes moyennes, qui connaissent les plus grandes difficultés de recrutement, que la crise est la plus grave. Dans les Vosges, où un intérimaire pouvait parfois négocier jusqu’à 3 000 euros la garde, la situation est particulièrement dramatique. « La démographie médicale était déjà tendue, la réforme vient de serrer encore un peu la vis, ça nous oblige à nous restructurer et se restructurer ça veut dire perdre des activités » explique Amandine Weber, directrice générale adjointe d’un groupe hospitalier de la région.

La direction a dû fermer trente lits de soins de suite à l’hôpital de Remiremont, vingt lits de médecine polyvalente à Neufchâteau et les urgences ne sont plus prises en charge la nuit à Vittel. A la maternité d’Epinal, où il manque au moins quatre gynécologues-obstétriciens à temps plein pour assurer le service, on a fait appel à deux médecins de ville, à un praticien à diplôme non-européen (Padhue) ainsi qu’à des praticiens hospitaliers (PH) d’autres établissements, attirés par la prime de solidarité territoriale (PST) qui vient d’être augmentée de 30 %. « C’est très fragile » admet la direction, qui explique que la maternité n’a pu rester ouverte qu’au prix de nombreuses déprogrammations d’activités.

Silence radio du côté de François Braun
Selon des syndicats, certains établissements vont même jusqu’à contourner le texte de la loi Rist, parfois avec l’assentiment des autorités. Ainsi, l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine a autorisé les établissements hospitaliers de Dordogne à signer des contrats de type 2, qui permettent de rémunérer les médecins jusqu’à 1 800 euros brut la garde, bien au-dessus du plafond de la loi Rist. Si en principe ces contrats doivent être de longue durée, « il apparait que certaines ARS laissent signer des contrats au-delà du plafond et sans règles claires » signale le syndicat des managers publics de santé (SMPS). Une sorte d’intérim déguisé.

Le SNMHR lui, a lancé la contre-offensive sur le plan judiciaire. Ce mercredi, il a saisi le Conseil d’Etat en référé pour lui demander la suspension de l’instruction ministérielle du 17 mars ayant acté l’application de la loi Rist à compter du 3 avril. Un recours qui repose sur un argument de procédure administrative : selon Maître Gilles Devers, avocat du syndicat, l’instruction aurait dû, pour être valable, être signé par la Première Ministre, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Sur le fond, le syndicat dénonce une « loi inepte aux conséquences désastreuses » et un « passage en force totalement déconnecté des réalités ». Le SNMHR demande donc à François Braun de suspendre l’application de la loi et d’ouvrir des négociations approfondies sur la rémunération des médecins titulaires et intérimaires.

Mais depuis le 3 avril, le ministre de la Santé ne s’est plus exprimé publiquement sur la réforme.

Grégoire Griffard