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Le Monde.fr : Urgences : face aux alertes des médecins, le ministre de la santé tente de rassurer

Août 2023, par infosecusanté

Le Monde.fr : Urgences : face aux alertes des médecins, le ministre de la santé tente de rassurer

Alors que des services ont dû fermer durant les vacances faute de soignants, le syndicat SAMU-Urgences de France estime que « la situation est plus grave que l’été dernier ». S’il reconnaît les tensions, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, réfute ce constat et promet que « l’hôpital fera face » en cette période d’épisode de canicule.

Par Eléa Pommiers

Publié le 19/08/2023

Dans les hôpitaux, la période des congés estivaux est connue pour exacerber toutes les tensions, mais la ligne de crête sur laquelle vivent désormais les services d’urgence semble un peu plus fine chaque année. Depuis quelques jours, les urgentistes multiplient les alertes et l’inquiétude monte encore d’un cran alors qu’un épisode de canicule touche la France à partir de samedi 19 août.

« La situation est plus grave que l’été dernier », déjà théâtre de tensions inédites, a conclu mardi 15 août le président de SAMU-Urgences de France, Marc Noizet, s’exprimant sur Europe 1. Un constat largement partagé parmi les médecins urgentistes, chez qui le manque d’effectif est criant. « Plus aucun territoire n’est épargné, tous les départements connaissent des difficultés, y compris les zones très touristiques », détaille Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence, selon qui le nombre de services fermés n’a jamais été aussi élevé.

Sur les 680 services d’urgence du pays, dont 380 urgences générales dans le secteur public, cinq sont « fermés totalement » et « une quarantaine sont conduits à fermer partiellement », a déclaré le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, sur France Inter samedi matin.

Difficultés « mieux anticipées »
Dans le Var, première destination touristique française après Paris, les urgences de Draguignan ont été fermées la nuit pendant dix-neuf mois faute de médecins et continuent à connaître des difficultés ; celles de Saint-Tropez seront fermées la nuit entre le 18 et le 22 août. Celles de Manosque, dans le département voisin des Alpes-de-Haute-Provence, sont aussi contraintes à des fermetures ponctuelles. « Ça fait beaucoup sur un même territoire », relève le docteur Ricard-Hibon.

En Gironde aussi, où l’activité est soutenue, « la situation est beaucoup plus critique que l’an dernier », assure Philippe Revel, chef du service des urgences du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, où manquent environ 25 % de l’effectif de médecins. « On a été obligés de réduire l’activité presque tous les jours de l’été, et certains services ont dû fermer, ce qui ne s’était jamais produit », souligne-t-il, citant les urgences de la commune de Sainte-Foy-la-Grande, fermées un mois. Son constat est sans appel : « Nous sommes sur une crise qui n’est pas maîtrisée. »

Autre signal d’alarme, des structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) ont été fermées, comme dans les Pays-de-la-Loire le week-end du 15 août. « Avant, on préservait les SMUR parce qu’il s’agit des urgences vitales, là on n’y arrive plus partout », déplore Agnès Ricard-Hibon.

Aurélien Rousseau ne nie pas des « tensions extrêmement fortes » sur tout le territoire mais a réfuté, vendredi 18 août sur Franceinfo, l’idée que la situation serait pire qu’en 2022. Le nouveau ministre a notamment fait valoir des difficultés « mieux anticipées », et assuré que « le passage par le 15 fait qu’aucun Français qui a besoin de soins n’est resté sans réponse médicale ».

Nouveaux engorgements redoutés
Début août sur RMC, la ministre déléguée chargée des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, avait déclaré que 18 % des services d’urgence recouraient à la régulation, l’obligation d’appeler le 15, pour être pris en charge. Une solution instaurée en 2022 qui n’est pas sans écueil : « Les services d’urgences restent sous tension et les SAMU [services d’aide médicale urgente] sont débordés ! », fustige Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France.

« On est maintenant avisés tous les jours par les agences régionales de santé des services qui sont ouverts, fermés, ou régulés, la situation engendre un surcroît d’activité et nous oblige à une gymnastique compliquée », raconte Yann Rouet, coprésident de l’Association française des assistants de régulation médicale du SAMU, profession en grève depuis le 3 juillet dans 71 des 100 SAMU français pour demander des revalorisations salariales et des embauches.

La résurgence du Covid-19, qui amène des patients vers l’hôpital et peut affecter des soignants, n’arrange en rien la situation. Et l’installation des fortes chaleurs sur une partie du territoire laisse redouter de nouveaux engorgements alors que, outre les médecins urgentistes, les lits d’hospitalisation manquent pour faire face à un afflux de patients. « L’hôpital a fait face, l’hôpital fera face, (…) l’organisation du système de santé, elle est extrêmement robuste et elle sera robuste face à cet épisode de chaleur », a tenté de rassurer Aurélien Rousseau, vendredi. Chez les urgentistes, où personne ne voit la sortie de crise, on se demande pour combien de temps encore.

Eléa Pommiers