Politique santé sécu social de l’exécutif

L’Humanité - Assurance-chômage. Les zones d’ombre de la réforme de Macron

Août 2017, par Info santé sécu social

Cécile Rousseau

« Nous pourrions aller vers un régime forfaitaire, avec le versement d’une allocation qui est la même pour tout le monde comme en Angleterre. Ou copier le modèle libéral de l’Allemagne, la boussole de Macron », craint la CGT.

L’Unedic pointe les questions posées par la refonte du régime voulue par le président de la République. Les promesses de nouveaux droits pourraient se traduire par des reculs pour tous.

Pas de répit pour la refonte de l’assurance-chômage. Alors que la réforme du Code du travail est sur les rails, l’exécutif prépare déjà son prochain chantier titanesque de la rentrée, celui du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Les services de l’Unedic, organisme de gestion paritaire de l’assurance-chômage, se sont penchés sur les problèmes et les conséquences de ce projet. À la lecture de ces documents de travail remis aux syndicats et au patronat le 12 juillet dernier, le flou demeure sur de nombreux points. Et des questions restent sans réponse. Ainsi, l’élargissement des droits aux travailleurs indépendants, promesse de campagne du président de la République, pourrait s’avérer plus compliqué que prévu, notamment à cause de l’absence de définition juridique desdits indépendants. Rien ne garantit pour l’instant que des travailleurs des plateformes collaboratives, en pleine recrudescence comme Deliveroo ou Uber, puissent y prétendre. Quant aux démissionnaires, dont un million ont été dénombrés en France en 2016, le président de la République envisage d’ouvrir des droits à l’indemnisation seulement une fois tous les cinq ans. L’Unedic pointe les possibles effets pervers de ce dispositif, avec la hausse des démissions plus ou moins consenties à l’approche de la retraite, ce qui reviendrait à faire payer la transition entre emploi et versement de la pension par le régime d’assurance-chômage.

En ce qui concerne la reprise en main de ce régime paritaire au profit d’une gestion tripartite chapeautée par l’État, elle suscite toujours autant d’inquiétudes. Dans un communiqué commun daté du 12 juillet, syndicats et patronat (Medef, CPME, UPA), n’avaient pas manqué de rappeler leur attachement à ce que « l’assurance-chômage demeure un régime d’assurance sociale, versant un revenu de remplacement et financé par des cotisations partagées entre salariés et employeurs, dont le niveau est paritairement fixé ».

Le projet de la future assurance-chômage reste vague

Pour l’heure, la forme que prendrait la future assurance-chômage reste vague. Mais elle pourrait s’inspirer de nos voisins européens. « Nous pourrions aller vers un régime forfaitaire, avec le versement d’une allocation qui est la même pour tout le monde comme en Angleterre. Ou encore copier le modèle de l’Allemagne et son dogme libéral, qui sont la boussole d’Emmanuel Macron », craint Denis Gravouil, en charge des questions d’emploi à la CGT.

Sans compter que la suppression des cotisations salariales (à hauteur de 2,4 %, la cotisation patronale de 4 % demeurant, elle, toujours en place) pour financer l’assurance-chômage, remplacées par la hausse de 1,7 point de la CSG, aura pour effet de déconnecter le niveau de salaire de celui des allocations chômage. Et achèverait de faire perdre au régime actuel sa vocation assurantielle et universelle. Ce transfert de la cotisation vers l’impôt laisse aussi planer le doute sur les ressources financières : la perte de 12,8 milliards d’euros générés par la disparition des cotisations salariales pourrait ne pas être intégralement couverte par l’augmentation de la CSG. Car, nul ne sait comment la caisse d’assurance-chômage et la caisse d’assurance-maladie vont se répartir les 20 à 22 milliards d’euros (selon l’Unedic) que cette dernière rapporterait.

Au final, si les recettes ne sont pas à la hauteur, cette augmentation du nombre d’allocataires, travailleurs indépendants et démissionnaires, pourrait se solder par une baisse des droits pour tous les inscrits à Pôle emploi. Comme l’explique Denis Gravouil : « Ils veulent ouvrir de nouveaux droits à plus de monde, mais en faisant en sorte que cela coûte moins cher et tout en faisant baisser la dette de l’Unedic (elle atteindra 33,6 milliards d’euros en 2017 – NDLR). On ne voit pas pour l’instant comment ils vont financer cela. Qui prendra notamment à sa charge la part de cotisation patronale de 4 % pour les indépendants ? Les radiations des demandeurs d’emploi ont aussi été évoquées comme source d’économie. Ce qui est certain, c’est que tout cela ne va pas améliorer les conditions d’indemnisation des chômeurs alors que seuls 46 % des inscrits à Pôle emploi sont indemnisés. » Dans tous les cas, cette réforme aux contours obscurs et aux conséquences inquiétantes devrait entrer en vigueur d’ici à l’été 2018.


Les démissions en Europe
Certains pays européens indemnisent les démissions sous couvert d’exceptions, c’est ce que précise un des documents de l’Unedic. Ainsi, la France reconnaît 14 cas spécifiques de démissions ouvrant ce droit. En Allemagne comme au Luxembourg ou en Espagne, les fins de contrats à l’initiative du salarié jugées « légitimes » donnent aussi des droits à l’assurance chômage. Quant aux démissions entrant dans la catégorie illégitimes, elles offrent tout de même la possibilité de percevoir des allocations, mais sous peine d’un délai de carence, allant de treize mois maximum en Belgique à trois mois maximum en Allemagne.


Cécile Rousseau
journaliste