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Lequotidiendumedecin.fr : Obligation vaccinale élargie : entre émotion et controverses, Agnès Buzyn défend la mesure à l’Assemblée

Octobre 2017, par infosecusanté

Obligation vaccinale élargie : entre émotion et controverses, Agnès Buzyn défend la mesure à l’Assemblée

Dr Lydia Archimède

30.10.2017

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture par 63 voix pour, 3 contre (dont deux élus LREM) et 9 abstentions, l’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins pour tous les enfants qui naîtront à partir du 1er janvier 2018. Aucune sanction pour défaut de vaccination à l’encontre des parents n’est prévue. Le vote en séance publique aura lieu ce mardi.

L’article 34 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit que huit vaccins - coqueluche, rougeole-oreillons-rubéole, hépatite B, Hæmophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C -, en plus de la diphtérie, du tétanos et la poliomyélite, seront obligatoires chez l’enfant de moins de deux ans et seront exigés pour l’admission en collectivité (crèche, école…).

Moment d’émotion

Les discussions ont donné lieu à de vifs débats, avec en point d’orgue, une déclaration de la députée Michèle Peyron (La République en marche) qui a suscité un moment d’émotion partagé par tous les participants, entraînant une suspension de séance durant quelques minutes, à la demande de la ministre de la Santé. « Il y a trente ans, j’ai voulu attendre moi aussi et j’ai perdu un enfant », non vacciné, a déclaré la députée.

Ce temps du consensus n’a pas empêché les objections même du côté de la majorité LREM où Blandine Brocard a vainement demandé la suppression de l’article, déplorant un manque de concertation et regrettant la méthode. « Nous souhaitons tous la même chose : redonner confiance dans la vaccination. Mais… il est paradoxal de vouloir éradiquer une crise de confiance par une décision politique autoritaire », a-t-elle déclaré.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a défendu la mesure et la méthode. « La concertation a eu lieu, il est temps d’agir », a-t-elle lancé, rappelant qu’une consultation citoyenne a été menée par des jurys citoyens pendant un an. « On nous accuse de précipitation. Voilà des années que les sociétés savantes de pédiatrie et les médecins généralistes s’alarment du doute qui s’est emparé de notre population au sujet des vaccins », a-t-elle indiqué.

Et de fustiger ceux qui prônent la liberté de vaccination alors qu’ils « jouent les passagers clandestins ». Et de préciser : « Pourquoi se permettent-ils de ne pas faire vacciner leurs enfants ? Parce que ceux-ci, grâce au taux de couverture de 85 % prévalant actuellement en France, sont peu exposés aux épidémies et parviennent à leur échapper. Pour autant, la proportion de huit enfants vaccinés sur dix par onze vaccins ne suffit pas à couvrir le risque, de sorte que des épidémies surgissent çà et là, faisant chaque année des morts ».

Recommandés mais pas facultatifs

La ministre est revenue sur la notion de vaccins recommandés. « Selon quels critères des parents choisissent-ils de faire vacciner leur enfant contre la méningite plutôt que contre l’hæmophilus ? Laquelle est la plus grave ? Les deux ! Il est aussi grave de mourir d’une méningite que d’une septicémie, de la rougeole que d’une hépatite. Nous rappelons donc à ces Français que qualifier ces vaccins de "recommandés" signifie non pas qu’ils sont facultatifs mais qu’ils sont nécessaires, ce qu’ils n’ont pas compris », a martelé la ministre.

« Nous avions baissé la garde, a-t-elle regretté. Nous pensions que la vaccination faisait partie de l’évolution normale d’une société raisonnable et rationnelle. Nous avions rendu obligatoires le vaccin BCG, le vaccin contre la variole et le vaccin DTP. Une fois les nouveaux vaccins mis au point, nous avons estimé que chacun comprenait leur intérêt et qu’il suffisait de les recommander ». Désillusion : « eh bien non ! Nous avons oublié ce qu’étaient ces maladies, nous avons oublié de quoi mouraient les enfants auparavant. Nous avons donc baissé la garde et laissé les parents penser que, ces maladies ayant disparu, leurs enfants ne risquaient rien et qu’ils pouvaient se permettre de ne pas les faire vacciner ».

Une révision chaque année

Olivier Véran, neurologue et rapporteur général, a résumé les contours de la mesure alors en discussion : « Ce que nous souhaitons faire adopter aujourd’hui, c’est ni plus ni moins le calendrier vaccinal proposé depuis des années pour tous les enfants, que nous voulons rendre obligatoire afin de porter la couverture vaccinale – encore insuffisante –, à 90 ou 95 % ; nous n’introduisons aucun vaccin supplémentaire. »

Une évaluation de l’impact de l’élargissement sera réalisée chaque année à compter du dernier trimestre 2019. Les vaccins obligatoires seront pris en charge à 65 % par l’Assurance maladie et à 35 % par les assurances complémentaires (sauf le ROR pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie).