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Le Monde.fr : Des substances cancérigènes exclues du nouveau compte pénibilité

Novembre 2017, par infosecusanté

Des substances cancérigènes exclues du nouveau compte pénibilité

Dans la version allégée du compte pénibilité mise en place par les ordonnances Macron, les agents chimiques dangereux ne sont plus considérés comme des facteurs à risques.

LE MONDE ECONOMIE

16.11.2017

Par Catherine Quignon

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« L’ordonnance Macron relative à la pénibilité au travail réduit le nombre de facteurs considérés comme “à risque”, dans le nouveau compte professionnel de prévention (C3P), qui succède au compte pénibilité. »

Alors que le cancer est la première cause de mortalité en France et que les polémiques autour des substances nocives s’enchaînent, la mesure a de quoi étonner. L’ordonnance Macron relative à la pénibilité au travail réduit le nombre de facteurs considérés comme « à risque », dans le nouveau compte professionnel de prévention (C3P), qui succède au compte pénibilité.

Le gouvernement a décidé de retirer certains critères sous la pression du patronat

Disparaît ainsi l’exposition à des agents chimiques dangereux, aux poussières et aux fumées. Mais aussi le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques émis par les machines. Le gouvernement a décidé de retirer ces critères sous la pression du patronat, mobilisé contre l’ancienne version du compte pénibilité : l’exposition au risque concernant ces quatre facteurs serait trop difficile à évaluer. Restent seulement les activités exercées dans des milieux extrêmes (bruyants, sous très haute pression ou haute température), ainsi que les cadences à la chaîne ou en 3/8 et le travail de nuit.

Les salariés exclus du nouveau C3P ne pourront donc plus bénéficier des dispositifs préventifs mis en place par l’ancien compte pénibilité : une réduction du temps de travail sans perte de salaire, un départ en retraite anticipé ou une formation pour exercer un autre métier. Le nouveau C3P restreint ce dispositif aux seuls salariés concernés par les six facteurs recensés.

Mic-mac

L’impact pourrait être limité, puisque en sept ans seules quelques centaines de salariés ont bénéficié d’un départ à la retraite anticipé au titre de l’ancien compte pénibilité.

Pour l’employeur, la procédure d’évaluation des risques a été simplifiée : la mesure de l’exposition et le suivi individuel des salariés exposés à des substances dangereuses, à des postures pénibles, etc., n’est plus une obligation pour l’entreprise. Néanmoins, « les ordonnances Macron introduisent un risque judiciaire pour l’employeur », est d’avis Camille-Frédéric Pradel, avocat spécialisé en droit de la santé au travail. En effet, la loi oblige toujours l’employeur à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour préserver la santé de ses salariés, quels que soient les risques. Si l’employeur ne fait plus de suivi des salariés exposés à des substances dangereuses, cela risque donc de se retourner contre lui.

Autre changement : l’obligation d’établir un accord collectif ou de mettre en place un plan d’action sur la prévention de la pénibilité au travail, dépendait du nombre de salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Mais pour déterminer cette proportion – fixée à 25 % – là aussi, les travailleurs exposés à des substances dangereuses, à des ports de charges lourdes, etc., ne sont plus comptabilisés. Le nombre d’entreprises soumises à cette obligation diminue donc mécaniquement.

Pourtant, l’accord collectif ou le plan d’action doit toujours porter sur l’ensemble des dix facteurs à risques recensés dans l’ancien compte pénibilité. Un vrai mic-mac.

Dédommagement a posteriori

Dans le nouveau dispositif, la prévention perd donc du terrain au profit du dédommagement a posteriori. Paradoxalement, un travailleur tombé malade suite à l’exposition à des substances dangereuses pourra toujours faire reconnaître sa pathologie comme une maladie professionnelle. Encore faut-il que la victime fasse le lien et les démarches.

En 2013, 1 707 cancers ont été reconnus et indemnisés au titre des maladies professionnelles par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La quasi-totalité sont dus à l’amiante, très loin devant ceux liés à d’autres agents cancérogènes.

Le scandale de l’amiante illustre toute la difficulté à définir les responsabilités

La part des cancers attribuable à des facteurs professionnels reste difficile à évaluer, d’autant que les effets de l’exposition se déclarent souvent des dizaines d’années après. Le scandale de l’amiante illustre toute la difficulté à définir les responsabilités. Mais des enquêtes ont été effectuées sur l’exposition des travailleurs à des substances dangereuses.

D’après la dernière édition de l’enquête Sumer pilotée par le ministère du travail, 2,2 millions de salariés ont été en contact avec au moins un produit chimique cancérogène, soit environ 1 salarié sur 10 en France. Selon l’étude, les ouvriers du BTP et de la maintenance sont les salariés les plus exposés. Les cancérogènes les plus couramment constatés : les gaz d’échappement diesel (risque de cancer du poumon), les huiles minérales entières, les poussières de bois (responsables du cancer des cavités nasales) et la silice cristalline.

Vingt-quatre agents chimiques sont considérés comme des agents cancérigènes avérés ou probables, de même que le travail de nuit, associé à un risque de cancer du sein accru chez les femmes. Ces substances sont donc exclues du C3P nouvelle formule.