Politique santé sécu social de l’exécutif

JIM - Hôpitaux et déserts médicaux : le gouvernement peine à apaiser l’impatience

Février 2018, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 15 février 2018

Après cinq ans de déception dans les services hospitaliers et d’incompréhension dans le monde libéral, le secteur de la santé était probablement un de ceux dont les attentes à l’heure du changement d’équipe gouvernementale étaient les plus prégnantes. Après neuf mois d’exercice du pouvoir, la nouvelle équipe ne semble pas avoir encore accouché des promesses et des mesures miracles permettant d’apaiser l’impatience des professionnels de santé.

Encore au moins un an de T2A
A l’hôpital, tout d’abord, après une année 2017 rythmée par des mouvements de grève et de protestation touchant tous les types d’établissements et toutes les professions, le gouvernement n’a pu que faire le constat d’un système à bout de souffle nécessitant des changements en profondeur. La nécessité de revoir les modes de financements s’est notamment imposée. Pour répondre à ces enjeux complexes, le Premier ministre a annoncé le lancement d’une très large concertation ce mardi. Mais l’attente devrait encore être longue. Ainsi, concernant la tarification à l’activité, un comité d’experts doit proposer de nouveaux modèles de financement avant la fin de l’année prochaine. Ce délai signifie que les établissements vont encore devoir vivre pendant plus d’un an sous l’empire d’un système dont les absurdités ne cessent d’être dénoncées. La perspective assombrit considérablement les agents hospitaliers. Et ce ne sont pas les nouvelles déclarations du ministre de la Santé, Agnès Buzyn, au micro de France Inter qui suffiront pour les aider à accepter cette réalité. Le ministre a ainsi affirmé hier qu’elle voulait rompre avec la notion d’ « hôpital-entreprise » si populaire sous Nicolas Sarkozy. « Je souhaite que ce soit fini, ça me choque quand j’entends qu’un hôpital cherche des parts de marché par rapport à une clinique privée » a ajouté le ministre qui a encore analysé : « L’hôpital souffre d’une crise de sens, il a subi beaucoup de réformes depuis 15 ans, dont une réforme de la tarification qui a poussé à faire de plus en plus d’activité pour que l’hôpital ait un budget à l’équilibre » a-t-elle remarqué. Autant de constatations qui n’offrent néanmoins pas de réponses immédiates.

« Les médecins semblent décider de tout »
En médecine de ville également, les impatiences sont nombreuses. Elles ne concernent pas seulement les professionnels, mais aussi les élus. Entendue hier par la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, Agnès Buzyn a été plusieurs fois interrogée sur son refus d’adopter des réformes plus sévères pour contraindre les médecins à s’installer dans les zones sous dotées. La commission sénatoriale est en effet favorable à la mise en place d’un dispositif de régulation semblable à celui qui existe pour les infirmières ou les kinésithérapeutes (le conventionnement dans les zones sur dotées ne peut s’opérer qu’en cas de remplacement d’un départ). Citant l’exemple de l’Allemagne, le ministre a rappelé l’échec des mesures coercitives imposées aux médecins. Elle a notamment signalé que dans ce pays, les dispositifs avaient été contournés par les médecins, qui avaient choisi de systématiquement s’installer en périphérie des zones suffisamment dotées. Elle a par ailleurs estimé qu’il était difficile d’imaginer de « déshabiller » les zones riches (qui ne sont pas si nombreuses, notamment en ce qui concerne les médecins généralistes, et qui doivent elles aussi anticiper l’évolution de la démographie médicale) pour « alimenter » des zones moins dotées. Elle a encore fait remarquer que les médecins débutent leur carrière à un âge bien plus avancé que les infirmières et les kinésithérapeutes, âge où il est plus difficile de se voir imposer un lieu d’installation, dans des localités peu attractives, compte tenu de l’existence d’une vie personnelle plus étoffée. Ces arguments n’ont pas totalement convaincu les sénateurs présents dont certains ont regretté que « les médecins semblent décider de tout ». Le ministre n’a pu que se contenter de répéter les différents axes de son plan : la libération du temps médical par l’assouplissement de nombreux dispositifs (possibilité de multiplier les cabinets, consultations augmentées dans les zones sous dotées, cumul emploi retraite facilité…), la délégation de tâche, le développement de la télémédecine et une réponse territoire par territoire. Face à des élus toujours dubitatifs, elle a indiqué espérer que dès la tenue du prochain comité de pilotage de son plan dans six mois, les différents indicateurs mis en place connaîtront déjà une évolution favorable.

Réforme de la dépendance : le grand chantier urgent depuis si longtemps
Enfin, le ministre a signalé lors de cette audition par la commission sa volonté d’engager la réforme de la dépendance, dont la nécessité a été rappelée par la crise qui touche aujourd’hui les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). A cet égard, elle a relevé que la prise en charge de la dépendance « assurée par les départements » est aujourd’hui « inégalement répartie sur le territoire puisque la part individuelle d’APA que chaque département dépense varie de 1 à 2,5 pour une personne ». Une situation qu’il semble nécessaire de voir évoluer. Et vite.

Comme toujours.

Aurélie Haroche