La Sécurité sociale

Le Quotidien du médecin - Peut-on quitter la Sécu ? Non, réaffirme la justice qui condamne le Dr Reichman, fer de lance de la désaffiliation

Février 2018, par Info santé sécu social

Anne Bayle-Iniguez 23.02.2018

Quatre hommes et deux associations ont été condamnés jeudi par le tribunal correctionnel de Paris à des peines de prison avec sursis et des amendes pour avoir incité à se soustraire à l’obligation légale de s’affilier à la Sécurité sociale.

Parmi les prévenus condamnés figure l’ex-chirurgien dentiste, le Dr Claude Reichman, dont le Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS) milite depuis plus de 25 ans dans le sens de la désaffiliation, affirmant qu’il est possible pour les indépendants de quitter la Sécu française dans le respect des directives européennes.

Considéré par le tribunal comme le « fer de lance du mouvement » anti-Sécu, l’ancien candidat recalé à la présidentielle de 2002 a été condamné à dix mois de prison avec sursis – et son association à 60 000 euros d’amende pour moitié avec sursis, pour avoir notamment aidé à la désaffiliation des particuliers.

En 2015 déjà, plusieurs chantres du libéralisme sur la même ligne que le Dr Claude Reichman avaient obligé Marisol Touraine à monter au créneau pour rappeler les sanctions auxquelles s’exposent les indépendants qui veulent quitter la Sécurité sociale. « La Sécu n’est pas une mutuelle, avait-elle asséné. Ceux qui refusent de s’y affilier s’exposent à des condamnations. Les promoteurs de cette démarche entraînent avec eux les travailleurs indépendants, qui risquent d’être confrontés à de graves difficultés. »

Sentiment de toute puissance

Le Dr Claude Reichman a tenu au cours de conférences publiques des propos jugés « fallacieux » par les magistrats « par les gains financiers qu’ils font miroiter, par l’assurance d’une prétendue impunité », selon une copie du jugement consultée par l’AFP. Les juges ont épinglé son « sentiment de toute puissance » et « sa volonté affirmée de poursuivre ces incitations à la désaffiliation ».

Un entrepreneur dans l’informatique, Laurent C., a également été condamné à cinq mois avec sursis pour avoir « fourni tous les moyens » de se désaffilier (du RSI) sur son blog et dans un livre. Une autre association, Liberté sociale, a été condamnée à 10 000 euros d’amende dont 8 000 euros avec sursis, et deux de ses dirigeants à quatre et un mois d’emprisonnement avec sursis.

Alors que les prévenus soutenaient que des directives européennes ont supprimé le monopole de la Sécu, les magistrats ont rappelé que, « contrairement aux interprétations et convictions des prévenus », ce monopole « demeure en France ». Tous ont été condamnés pour « incitation au refus des assujettis de se conformer aux prescriptions de la législation de Sécurité sociale », un délit prévu par le code de la Sécurité sociale.

1 800 demandes de désaffiliation de la Sécu

L’incitation à quitter la Sécu constitue « une atteinte majeure au socle de la solidarité », et a entraîné « 1 822 demandes de désaffiliation au 6 octobre 2015 », a précisé le tribunal. « La désinformation délibérément portée par les prévenus a conduit un grand nombre de cotisants à entamer des démarches dangereuses » pour eux-mêmes comme pour les finances des organismes de recouvrement, ajoutent les juges.

Les prévenus devront verser plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts à la Caisse nationale déléguée pour la Sécurité sociale des travailleurs indépendants et à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS), parties civiles, en réparation de leur « préjudice économique ».

Le Dr Reichman fait appel contre un « procès truqué »

Sur son site Internet, le Dr Claude Reichman a estimé en janvier avoir été « torturé au tribunal de Paris dans un procès truqué », « au mépris des droits de l’homme ».

Une partie de son argumentaire se fonde sur l’idée qu’il est certes obligatoire de s’affilier à un organisme de Sécurité sociale, mais que celui-ci peut être français... ou européen. Joint ce vendredi par « le Quotidien », Claude Reichman s’est dit « amusé mais stupéfait par cette comédie de jugement ». « Le tribunal n’a pas beaucoup l’esprit d’à-propos et a la mauvaise foi au cœur, indique-t-il. Un récent jugement relatif à l’assurance-maladie de la République slovaque qui doit s’appliquer à l’ensemble de l’Union européenne, et notamment à la France, me confirme dans ma position. »

Pour Claude Reichman, il est « absolument évident » qu’il fera appel. Il entend également envoyer, au nom du Mouvement pour la liberté de la protection sociale, une lettre à la garde des Sceaux pour plaider sa cause.