Le droit à la contraception et à l’IVG

Libération - L’IVG perd du terrain face aux ultraconservateurs

Mars 2018, par Info santé sécu social

Par Virginie Ballet — 4 mars 2018

Combien de temps encore faudra-t-il citer cette phrase de Simone de Beauvoir ? « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Une nouvelle fois, cette mise en garde de l’écrivaine féministe trouve un écho dramatique dans le monde contemporain, tel que le dépeint le documentaire Avortement, les croisés contre-attaquent diffusé ce mardi sur Arte et dès ce lundi en exclusivité sur Libération.fr.
Cet écho, c’est l’histoire de Valentina, Sicilienne de 32 ans, morte faute d’avoir pu avorter.

Son destin tragique illustre les difficultés rencontrées par les Italiennes pour accéder à l’avortement. Mais elles sont loin d’être les seules : un rapport rendu public par le Conseil de l’Europe en décembre pointait du doigt les « restrictions rétrogrades » mises en place dans de nombreux pays, comme l’Arménie, la Géorgie, la Macédoine, la Russie ou encore la Slovaquie, qui ont récemment adopté des mesures allongeant la liste des critères à remplir pour accéder à une interruption volontaire de grossesse.

La Pologne a elle aussi tenté de resserrer encore la vis, alors que sa loi figure parmi les plus restrictives d’Europe, avec celles de Malte et de l’Irlande. L’avortement n’y est autorisé qu’en cas de malformation grave du fœtus, de danger pour la femme ou en cas de viol. En 2016, le gouvernement ultraconservateur avait tenté d’interdire totalement l’avortement. Avant de reculer, face à la levée de boucliers… Mais sans renoncer pour autant : mi-janvier, un projet de loi a refait surface pour bannir l’interruption de grossesse en cas de malformation du fœtus… cas qui concerne 90 % des avortements en Pologne.

Cette croisade ultraconservatrice, menée dans l’immense majorité des cas au nom des valeurs chrétiennes, s’observe sous différentes formes et dans nombre de pays : au Portugal, où le gouvernement a récemment fait passer une loi mettant fin à la gratuité de cet acte médical …En Hongrie, où la sacralisation de la vie du fœtus dès sa conception a été inscrite dans la Constitution en 2011. Le gouvernement du leader populiste conservateur Viktor Orbán y mène une guerre des idées dès l’école : y sont dispensés des cours d’éducation à la vie de famille - qu’est-ce que porter un enfant, l’élever, etc... Et l’impact sur les femmes est bien là, comme en témoigne le parcours de Kata, 29 ans. Il y a huit ans, la jeune femme a eu un rapport à risque. Faute de pouvoir se procurer la pilule du lendemain à temps (elle n’est délivrée que sur prescription médicale), elle a dû avorter. Et pour ce faire, résister aux pressions psychologiques exercées au cours des entretiens préalables obligatoires.

Cette croisade anti-avortement se mène aussi via des lobbys très présents au Parlement européen. La France serait-elle épargnée ? Pas du tout : les antichoix n’y sont pas en reste et privilégient Internet et les réseaux sociaux pour disséminer une dangereuse propagande sur les prétendus risques irréversibles liés à l’IVG et autres contre-vérités affolantes destinées à faire douter les femmes.

A l’été 2016, le groupuscule les Survivants s’était illustré en multipliant les opérations d’agit-prop et les sites mensongers, jusqu’à alerter le gouvernement. La ministre des Droits des femmes de l’époque, Laurence Rossignol, avait alors fait savoir son souhait d’étendre le délit d’entrave prévu par la loi Neiertz de 1993. Le texte a finalement été adopté en février 2017, après plusieurs semaines de débats houleux. Un an après, aucun des sites incriminés ne fait l’objet d’une procédure judiciaire.

Ils continuent même d’essaimer, jusqu’à oser détourner le combat de Simone Veil. Un mystérieux site « SimoneVeil.com » a ainsi été lancé quelques jours seulement après la mort de celle qui a porté la loi autorisant l’IVG en France. Un portrait graphique inspiré de celui de Barack Obama par l’artiste Obey, ses dates de naissance et de décès… Le site ressemble à un hommage. Il devient viral. C’est là que ses créateurs ont révélé leurs opinions : celles des Survivants, suscitant indignation et dégoût.

Virginie Ballet