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Lequotidiendumedecin.fr : Le gouvernement relance le tiers payant, les médecins libéraux fixent leurs lignes rouges

Avril 2018, par infosecusanté

Le gouvernement relance le tiers payant, les médecins libéraux fixent leurs lignes rouges

Marie Foult

24.04.2018

Lundi, le rapport de l’IGAS sur la mise en œuvre du tiers payant généralisable a été remis au ministère de la Santé – qui a confirmé immédiatement sa volonté d’un « déploiement effectif du tiers payant intégral » (part Sécu + part complémentaire) « sur la base d’outils simples et robustes ».
Dans un communiqué, Agnès Buzyn estime même que les obstacles techniques (outils des complémentaires, logiciels médicaux) à la généralisation du tiers payant intégral pourraient être levés « au plus tard fin 2019 ». Dans un premier temps, le tiers payant intégral pourrait être garanti pour tous les actes à 100 % (actes de dépistage du cancer), ceux réalisés pendant la période de permanence des soins, l’activité en centre de santé et auprès des jeunes et étudiants.
Pragmatisme mais…
Contactés ce mardi par le « Quotidien », les syndicats de médecins libéraux saluent une forme de pragmatisme dans la méthode mais restent en alerte sur le fond.
Pour la CSMF, le rapport prend du moins la mesure « des dysfonctionnements et du retard pris sur la possibilité de faire ce tiers payant sur la part complémentaire ». « Le doux rêve de Marisol Touraine de faire un tiers payant obligatoire et intégral fin 2017 était irréaliste », ironise le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Conf’. Vigilante, La centrale réaffirme son refus de tout TPG à marche forcée dans un contexte où les obstacles techniques persistent, y compris sur la part obligatoire (1 % des actes rejetés). « Le tiers payant doit rester généralisable, donc possible mais non obligatoire, martèle le syndicat. La CSMF sera particulièrement vigilante sur les orientations données dans les semaines qui viennent et continuera à refuser toute obligation qui accroîtrait encore la dérive bureaucratique du métier médical ».
À MG France, on souligne le « pragmatisme » du rapport. « L’IGAS liste les conditions techniques et pratiques nécessaires pour que les médecins s’approprient ce tiers payant », souligne le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Les médecins prendront part si le système est prêt et pratique, or on voit bien que les télés services pour les droits complémentaires ne sont pas du tout au point », renchérit-il.
Le Dr Bertrand de Rochambeau, coprésident du BLOC, juge de son côté que ce rapport est « pour le moment » la preuve des engagements pris par Agnès Buzyn, c’est-à-dire la recherche « d’un outil fiable et généralisable »…
Touraine bis ?
Pour le SML, si la méthode a changé, plus souple, l’objectif reste identique. Il voit dans ce rapport (et les leçons qu’en tire le gouvernement) un « retour » vers l’idée originelle de Marisol Touraine. « On constate que le gouvernement est finalement prêt à faire le tiers payant intégral », analyse le Dr Philippe Vermesch, président du syndicat.
Même méfiance du côté de l’UFML-Syndicat. « Le rapport est en grande partie dans la continuité de ce qui avait été proposé par Marisol Touraine, alors qu’il n’y a toujours aucun intérêt sanitaire à faire le tiers payant », tranche son président Jérôme Marty.
Quant au Dr Claude Bronner, président de la branche généraliste de la FMF, il n’a guère de doutes. « Le gouvernement n’a pas du tout abandonné le tiers payant, mais ça… on n’en a jamais douté une seule seconde ! ».
Les complémentaires au pied du mur
Evoquée par le ministère, la prétendue faisabilité technique du tiers payant sur la part complémentaire au plus tard fin 2019 ne convainc pas encore. « Si cela fonctionne bien sur la partie obligatoire, on le fera, toujours de façon volontaire, assure le Dr Ortiz. Quant à le faire sur la part complémentaire, nous y sommes opposés pour le moment, à voir ce que les assureurs proposeront fin 2019. »
« La balle est dans le camp des complémentaires », avance prudemment le Dr Jacques Battistoni,(MG France). « Si le gouvernement maintient la pression sur les assureurs complémentaires, les choses pourront bouger, analyse le Dr de Rochambeau (Le BLOC). Tant que ce tiers payant n’est pas obligatoire, nous n’affronterons pas la ministre. »
D’autres affichent des réticences marquées. « Dès qu’on a des problèmes avec une mutuelle dans le cadre du tiers payant, on voit bien que c’est très compliqué à gérer », rappelle le Dr Claude Bronner (FMF). Le SML est très sceptique sur l’échéance de 2019 pour lancer le tiers payant intégral… « Avec 850 complémentaires, comment les médecins vont-ils s’assurer qu’ils ont été réglés ? Les pharmaciens, qui font le tiers payant intégral, sont obligés d’avoir des salariés à plein temps pour traiter les facturations », soutient le Dr Vermesch.
L’UFML-Syndicat rappelle son hostilité de principe. « Nous ne voulons pas du tiers payant, hors situation sociale comme ACS, CMU-C, car c’est un assujettissement aux financeurs qui sont tous en faillite, que ce soit l’assurance-maladie ou les complémentaires », conclut le Dr Jérôme Marty.