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Liberation.fr : Le mari de la ministre de la Santé peut-il rempiler à la direction de l’Inserm ?

Mai 2018, par infosecusanté

Liberation.fr : Le mari de la ministre de la Santé peut-il rempiler à la direction de l’Inserm ?
E.Favreau
21 Mai 2018

Le 12 juin, un nouveau directeur doit être nommé à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. La volonté d’Yves Lévy, mari d’Agnès Buzyn, de rester à sa tête embarrasse chercheurs et politiques.

Qui sera le prochain directeur général de l’Inserm, le plus important institut de recherche médical en France ? Silence. Au plus haut niveau, que ce soit à Matignon ou à l’Élysée on se tait, comme tétanisé par le sujet. Dans les couloirs du ministère de la Santé, la question est ouvertement taboue.

A priori, le choix ne met pas en cause la République. Actuellement le directeur général est le professeur Yves Lévy. Mais voilà, dans le civil, il est le mari de la ministre de la Solidarité et de la Santé, Agnès Buzyn. Lors de la nomination de cette dernière avenue de Ségur en mai 2017, l’évident conflit d’intérêts avait bien sûr fait jaser. Et pour en sortir, il avait été décidé, via le secrétariat général du gouvernement, que la ministre de la Santé ne traiterait plus de ce qui se concerne l’Inserm, renvoyant tous les dossiers à Matignon, qui en aurait la tutelle avec le ministère de la Recherche. Une solution à la française, totalement boiteuse. Dans les pays anglo-saxons, une situation similaire n’aurait jamais été possible.

Tout est opaque

Et voilà que tout est à recommencer. Le mandat du directeur général s’achevant, un nouveau « patron » doit être nommé le 12 juin, le bon sens imposant qu’Yves Lévy ne se représente pas. Une procédure, avec appel à candidature, a été ainsi lancée, via le Journal officiel, depuis le 28 avril, la décision revenant formellement à la ministre de la Recherche. Or depuis, on ne sait rien. C’est le jeu des rumeurs. Tout est opaque, même le nom des candidats n’est pas public. Sous couvert d’anonymat, la grande majorité des chercheurs estime que le maintien d’Yves Lévy ne serait pas sain.

Aucun ne veut pour autant en parler publiquement, mais certains évoquent par exemple la position pour le moins délicate du Pr Lévy qui, sur la recherche vaccinale, a largement favorisé une équipe qui lui est proche. D’autres pointent le fait que d’éventuels candidats refusent de se présenter contre le mari de la ministre. « Prenez l’exemple de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui rassemble les plus grandes unités de recherche. Comment voulez-vous que son directeur général, Martin Hirsch en l’occurrence, ne soit pas gêné quand il discute avec le mari de sa ministre de tutelle », note, ironique, un haut fonctionnaire.

Clivant, cassant, péremptoire

À ces ambiguïtés réelles s’ajoutent des composantes psychologiques. Tous ceux qui les connaissent parlent d’un couple très proche. Pour autant, ils n’ont franchement pas le même tempérament. Si Agnès Buzyn est appréciée et sait être diplomate, le Pr Yves Lévy, lui, est ouvertement clivant, cassant et qualifié comme péremptoire. Il traîne derrière lui une kyrielle de conflits et de chercheurs qu’il a maltraités. À en croire le Canard enchaîné du 9 mai, citant « un proche de l’Élysée », la ministre de la Santé mènerait une intense campagne pour assurer la réélection de son mari. Interrogée, elle ne dit rien. « Tout cela peut mal se terminer, y compris par la démission de la ministre, lâche, inquiet, un proche. Le problème est qu’en haut lieu, personne n’ose trancher. Personne ne veut dire tout simplement qu’en dépit des éventuelles qualités d’Yves Lévy, cela ne peut plus continuer. »