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Liberation.fr : Ehpad : la ministre Agnès Buzyn présente un plan bien froid

Mai 2018, par infosecusanté

Ehpad : la ministre Agnès Buzyn présente un plan bien froid

30 mai 2018

Mais où est passé le souffle au ministère des Solidarités et de la Santé ? Devant la feuille de route « grand âge et dépendance », rendue publique mercredi soir, on a l’impression de lire un plan : sérieux, avec des mesures intéressantes, mais bien trop technique. Voulant traiter de tout, le texte ressemble à un rapport d’administration centrale bourré de bonnes intentions mais manquant de vie et de chaleur. L’équation est connue, avec des chiffres clairs. En 2017, il y avait en France 1,5 million de personnes âgées de plus de 85 ans -en 2050, elles seront 4,8 millions. Aujourd’hui, il existe environ 7 500 établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) où résident au moins 600 000 personnes.

Urgence.

Depuis quelque temps, la problématique de la grande vieillesse s’est cristallisée sur les Ehpad, les uns pointant leur manque de moyens, les autres, à l’instar du Comité national d’éthique, s’interrogeant sur la pertinence de ce modèle. Dans les faits, la majorité des personnes âgées viennent en Ehpad pour vivre les deux dernières années de leur vie, souvent dans un état de forte dépendance physique ou mentale. En parallèle, pointe le sentiment d’une maltraitance généralisée vis-à-vis cette population. Il y a donc urgence à porter une parole publique.

« Je souhaite impulser une transformation du modèle et un changement de regard, a expliqué la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Le débat n’est pas d’abord budgétaire et financier, même si nous savons tous qu’il faudra dépenser plus à l’avenir. » Et de pointer « trois blocs de réflexions à conduire d’ici la fin de l’année 2018 et le début de l’année 2019. »

Quel est le socle de biens et de services qui doivent à l’avenir être accessibles à toutes les personnes âgées pour accompagner le vieillissement et la perte d’autonomie ? Quels sont les scénarios de répartition des contributions de chaque acteur pour assurer un financement pérenne et solidaire de la perte d’autonomie ? Et comment faire évoluer la gouvernance des politiques publiques du vieillissement et de la perte d’autonomie ? « La concertation et le débat public seront organisés aux niveaux national et territorial, a précisé Agnès Buzyn. Une consultation citoyenne permettra à chacun de s’exprimer et de contribuer. »

Panacée.

Des propos bien froids, en somme, et dans l’attente d’un débat, des mesures pour tout le monde - autant de rustines, diront les plus sceptiques. La prévention, d’abord : « 15 millions d’euros seront alloués en 2018 » pour financer des plans « ciblés sur la prévention de la perte d’autonomie et de l’aggravation de l’état de santé des résidents ». Plus original, des mesures pour favoriser les sorties de l’hôpital : « Pour réduire les durées d’hospitalisation et faciliter le retour à domicile, les personnes âgées qui souhaitent être hébergées temporairement dans un Ehpad après une hospitalisation continueront à payer le même tarif qu’à l’hôpital. » Et puis - c’est devenu la panacée - est avancé le recours à la télémédecine pour pallier les manques de professionnels de santé.

Afin d’éviter des hospitalisations d’urgence depuis les Ehpad, le plan prévoit également « une présence mutualisée d’infirmière la nuit », soit une personne de garde pour plusieurs établissements : 36 millions seront consacrés à la généralisation de ce dispositif. En outre, « 40 millions permettront à certains Ehpad de rémunérer directement des médecins généralistes, des auxiliaires médicaux et de couvrir les dépenses liées aux actes de laboratoire et de radiologie ».

Un peu d’argent est débloqué mais nous sommes très loin des demandes des directeurs d’Ehpad, qui rêvent d’arriver au ratio d’un professionnel de soin pour chaque résident. La feuille de route s’achève par l’affirmation de bonnes résolutions, comme « promouvoir la bientraitance » ou « développer les enquêtes de satisfaction et renforcer l’information ». Qui peut critiquer cela ? Mais est-ce à la hauteur des défis ?

Éric Favereau