L’hôpital

Le Monde.fr : Les hôpitaux de Marseille en manque d’instruments stérilisés

Juin 2018, par infosecusanté

Les hôpitaux de Marseille en manque d’instruments stérilisés

Les chirurgiens dénoncent les délais jugés trop longs de stérilisation des instruments chirurgicaux, qui entraînent parfois la déprogrammation d’interventions.

LE MONDE

13.06.2018

Par Luc Leroux (Marseille, correspondant)

Les chirurgiens des hôpitaux de Marseille manquent de bistouris, pinces, ciseaux et autres instruments pour opérer leurs patients. Des dysfonctionnements que des chefs de service dénoncent comme « usants, exaspérants et décourageants » dans des courriers adressés, en mai, au directeur général de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM). En cause : les délais jugés trop longs de stérilisation des instruments chirurgicaux, dont la conséquence peut aller jusqu’à la déprogrammation d’interventions à la dernière minute.

« C’est marginal, confie un chirurgien, mais lorsqu’à 16 heures, vous annoncez à un patient à jeun toute la journée qu’il ne pourra pas être opéré, il manifeste son mécontentement. » Dans un de ces courriers révélé par La Provence, les signataires expliquent qu’il est déjà arrivé que les neurochirurgiens ne disposent pas de moteur chirurgical pour évacuer en extrême urgence un hématome intracrânien. « Je vous laisse deviner la conséquence d’un tel dysfonctionnement », concluent-ils. « En traumatologie, une activité non programmée par définition, s’alarment-ils également, le délai de prise en charge d’une fracture du col du fémur ampute sévèrement les chances de réhabilitation future et aggrave la mortalité. »

« Mur d’incompréhension »

L’AP-HM dispose de deux sites de stérilisation, l’un à La Timone, l’hôpital-navire amiral du centre-ville, et un second, plus important, installé sur la plate-forme logistique de Mourepiane (16e arr.), où sont également centralisés les services de blanchisserie et de cuisine. Sept cents plateaux opératoires – chacun contenant entre deux à une centaine d’instruments selon les interventions – convergent chaque jour vers cette « usine à stérilisation » depuis l’hôpital Nord, le service orthopédie de Sainte-Marguerite, la Conception ou encore les services dentaires, ophtalmologiques de La Timone et les antennes médicales des deux établissements pénitentiaires. Désinfectés et lavés à la sortie des blocs, les instruments subissent ici un nouveau cycle de lavage. Puis ils sont stérilisés par un procédé vapeur dans dix autoclaves.
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Entre ces deux traitements, les 45 agents rangent les instruments dans des boîtes, selon les indications fournies par un logiciel. A la différence des infirmières de bloc, ces personnels n’ont pas la connaissance des instruments, ni celle de l’ordre de leur usage lors des interventions. « Mais, explique l’un d’eux, ranger une boîte de cent instruments, ça devient vite un automatisme comme n’importe quelle activité. »
Les chirurgiens s’emportent contre les plateaux sur lesquels il manque des instruments. « Lorsque celui qui est indispensable à l’intervention fait défaut, on ouvre une seconde boîte pour le trouver, ce qui déstérilise l’ensemble », note l’un d’eux. Face à la direction, les signataires disent « se heurter à un mur d’incompréhension et à des réponses purement bureaucratiques ». « On nous a expliqué qu’il fallait optimiser la programmation [des interventions] en tenant compte de la disponibilité des instruments. C’est une fadaise », lit-on dans l’un des courriers. En neurochirurgie, selon la période, 30 % à 45 % de l’activité est non programmée.

« 0,2 % des événements indésirables »

Le délai garanti entre le départ et le retour au bloc est de vingt-quatre heures, mais le service ne travaille pas 24 heures sur 24. « Il est fréquent que des boîtes adressées en stérilisation le vendredi ne reviennent que le lundi, voire le mardi », dénoncent les signataires. Une procédure d’urgence existe cependant pour les interventions non programmées. Nicole François, pharmacienne et responsable de la stérilisation à la plate-forme logistique, relativise le cri d’alarme des chirurgiens : « La stérilisation est à l’origine de 0,2 % des événements indésirables liés aux soins recensés par l’AP-HM, un chiffre à rapporter aux 17 500 équivalents boîtes traités par mois. »

Les délais sont plus longs que lorsque chaque bloc stérilisait ses instruments. Mais, note Gilles Halimi, directeur des équipements à l’AP-HM, « lorsque la plate-forme logistique a ouvert en septembre 2013, nous avons acquis pour 1,2 million d’euros de matériel chirurgical supplémentaire justement pour compenser cet allongement des délais de stérilisation ». La direction va mettre en place « dans les semaines qui viennent un plan d’action et des mesures qui vont concerner toutes les étapes du processus de stérilisation », assure-t-il. En 2018, l’enveloppe consacrée à l’achat d’instruments augmentera de 50 %, soit 300 000 euros au lieu des 200 000 euros en moyenne annuelle.

L’idée serait de mettre en place « un stock tampon » pour compléter et renvoyer des plateaux d’intervention complets. Selon Frédéric Collart, cardiologue, s’il ne « faut pas dramatiser la situation », des investissements sont effectivement nécessaires car « le volant d’instruments est trop faible pour assurer un bon turnover ». Le médecin, élu à la métropole Aix-Marseille Provence, s’inquiète d’une forme de AP-HM bashing. « Tous les hôpitaux connaissent ces difficultés mais, à Marseille, cela prend toujours de telles proportions ! Or on continue à être très bien soigné dans les hôpitaux marseillais. »