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Le Monde.fr : Arrêts-maladie  : le gouvernement préconise un diagnostic

Septembre 2018, par infosecusanté

Arrêts-maladie  : le gouvernement préconise un diagnostic

Face à la hausse du montant des indemnités journalières, une mission de réflexion vient d’être mise en place et doit formuler des propositions d’ici quelques mois.

LE MONDE

08.09.2018

Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel

C’est un sujet sensible sur lequel le gouvernement a décidé de mettre la pédale douce. Au cœur de l’été, l’ensemble du patronat s’était dressé contre un projet totalement inattendu : faire payer par les entreprises les indemnités journalières (IJ) liées aux arrêts de travail de moins de huit jours.

Aujourd’hui, « l’hypothèse d’un transfert brutal » de ce fardeau aux employeurs n’est plus à l’ordre du jour, comme l’a récemment indiqué le premier ministre. Mais Edouard Philippe n’entend pas, pour autant, enterrer le dossier. Il l’a redit aux leaders syndicaux et patronaux qu’il a reçus ces derniers jours pour préparer l’agenda social de la rentrée.

Mercredi, Matignon a annoncé qu’une mission de réflexion sur les arrêts de travail avait été confiée à Jean-Luc Bérard, DRH du groupe industriel Safran, et à Stéphane Seiller, magistrat à la Cour des comptes. Une initiative plutôt surprenante dans la mesure où l’inspection générale des affaires sociales a remis, début juillet, un rapport sur cette thématique. Quoi qu’il en soit, un premier point d’étape sera fait en octobre ; les propositions de MM. Bérard et Seiller sont attendues pour la fin de l’année ou début 2019.

Si le gouvernement s’attelle à ce dossier, c’est dans l’optique de maîtriser une source de dépenses très dynamique. Selon le dernier rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), les IJ ont représenté un peu plus de 10,3 milliards d’euros en 2017, en progression de 4,4 % en un an. Sur la période 2014-2017, elles se sont accrues de 4,2 % par an en moyenne – une vigueur « portée par les arrêts de plus de trois mois », souligne la CCSS. Les sommes sont versées aux personnes cessant de travailler pour un motif médical, après un « délai de carence » de trois jours dans le privé et d’un jour dans la fonction publique.

Données lacunaires

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer l’augmentation des IJ : le vieillissement de la population active à la suite de recul de l’âge légal de départ en retraite, la pénibilité des conditions de travail, le développement des maladies chroniques…

S’agissant des causes à l’origine des arrêts courts, les données sont lacunaires. Pour obtenir des « éléments précis », il faudrait déployer des moyens qui constitueraient « une charge très importante pour un intérêt relativement limité en termes d’impact financier et de contrôle », explique la Caisse nationale d’assurance-maladie. Celle-ci précise, en effet, qu’en 2016, les arrêts de moins de huit jours indemnisés représentaient seulement 4 % de la dépense (284 millions d’euros).

Dès lors, pourquoi se focaliser sur ce type d’arrêts ? « Les arrêts courts sont toujours suspects, estime Dominique Lhuillier, professeur de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers et coauteur en 2017 de Se doper pour travailler (éditions Eres). Ils sont vus comme des arrêts de complaisance alors même qu’ils sont le signal d’une possibilité de basculer, si rien n’est fait, vers des arrêts plus longs. »

« Des arrêts courts, permettant de souffler, de prendre un peu de distance avec son activité, peuvent parfois contribuer à éviter un arrêt plus long, du fait d’une dégradation de l’état de santé », souligne Anne-Françoise Molinié, chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail.

Parmi les partenaires sociaux, la réprobation est quasi unanime. Sans surprise, le patronat ne veut pas d’une ponction supplémentaire. « On paye déjà pour les arrêts de travail, par le biais de cotisations encaissées par l’Assurance-maladie », fait valoir Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

Plusieurs centrales syndicales se montrent, elles aussi, très critiques, mais pour d’autres raisons. « Ce qui nous gêne, c’est que le gouvernement semble surtout préoccupé par des questions de budget », confie Jérôme Vivenza, membre de la direction confédérale de la CGT. « Ils sont obnubilés par ça. Ils grattent partout où ils peuvent mais ce n’est pas sûr qu’ils aient mesuré que ça heurterait autant les entreprises », juge un haut gradé de la CFDT.

Un quatrième jour de carence ?

Dans ce contexte, une idée refait surface : augmenter le nombre de jours de carence. La CPME propose, par exemple, que les fonctionnaires soient soumis au même régime que les salariés du privé en passant à trois jours de carence. Un parlementaire de la majorité rapporte que plusieurs de ses collègues seraient partisans d’en instaurer un quatrième. Une telle solution figure également dans un rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances de 2017, pour les personnes qui en sont à leur « quatrième arrêt au cours de l’année ».

Cette piste de travail est-elle à l’étude ? « Quand on a rencontré Edouard Philippe, indique Serge Legagnoa (FO), il a démenti et a cherché à nous rassurer, mais ce n’est pas pour autant que nous l’avons été. » Pour sa part, le président de la CFTC, Philippe Louis, explique ne pas avoir eu l’impression que cette éventualité serait explorée : « J’ai plus perçu la volonté de vouloir agir sur la qualité de vie au travail. »

Du reste, une bonne partie du problème se situe là : dans les conditions offertes aux actifs pour exercer leur métier et dans la prévention des risques professionnels. Il faut plus se pencher sur ces deux thématiques que sur « les aspects financement », insiste Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. « Il y a un lien entre les arrêts-maladie et les conditions de travail », abonde M. Vivenza. Le gouvernement le sait et a l’intention de discuter de ces sujets avec les partenaires sociaux dans les prochains mois. Un projet de loi sur la santé au travail sera ensuite présenté à la mi-2019.