Politique santé sécu social de l’exécutif

L’Humanité - Budget – L’état prêt à piquer dans la caisse de la sécurité sociale

Septembre 2018, par Info santé sécu social

Mardi, 11 Septembre 2018. Clotilde Mathieu

Selon les Échos, l’exécutif s’apprête à prélever une partie des excédents dégagés par la Sécurité sociale pour renflouer les caisses, en mettant fin à la compensation par l’État des allègements de cotisations sociales qui existent depuis 1993.

C’est la nouvelle bombe lancée par le gouvernement contre la Sécurité sociale. Après la menace de la suppression de la Sécurité sociale dans la Constitution, cette fois, Emmanuel Macron souhaite mettre fin au principe défini par l’article L. 131-7 du Code de la Sécurité sociale, selon lequel l’État se doit de compenser à la Sécurité sociale toute perte de recettes que lui occasionnerait une décision prise par l’exécutif. Une première depuis la création de la Sécurité sociale et les premières mesures d’exonération de cotisations sociales prises en 1993 par le gouvernement Balladur, qui avait pris soin de sécuriser ce « manque à gagner » afin de préserver le budget de la Sécu.

Avec cette manœuvre, le gouvernement lorgne les excédents dégagés par les administrations de Sécurité sociale. Cette volonté était d’ailleurs inscrite dans la Loi de programmation des finances publiques (LPFP), adoptée en décembre avec le budget 2018, puisque était envisagé que ces excédents servent « à la réduction du déficit de l’État, sous forme de transferts, dès 2019 ».

UN « SURPLUS » CONVOITÉ DE 3 MILLIARDS D’EUROS EN 2019
En juin, la Cour des comptes avait emboîté le pas, en proposant un mode d’emploi pour ponctionner le budget de la Sécurité sociale, en plafonnant ces « excédents » à « 0,8 point de PIB », soit 20 milliards d’euros, afin d’assurer le comblement du trou de la Sécu d’ici à 2024, note-t-elle dans un rapport datant du mois de juin. Une règle de calcul qui permettrait de dégager un « surplus » de 3 milliards d’euros en 2019, 14 milliards en 2020 et jusqu’à 27 milliards d’euros en 2022, selon les projections réalisées par deux hauts fonctionnaires, Christian Charpy et Julien Dubertret, chargés conjointement en janvier par Bercy et le ministère de la Santé d’établir un rapport sur les relations financières entre l’État et la Sécurité sociale, notent les Échos. Reste que ce pactole « a un prix », comme le rappelle le député des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville. Celui « des coupes claires dans les remboursements, dans le financement des hôpitaux, les manques dans le financement de l’autonomie, les attaques contre le niveau des versements, et en particulier contre les pensions de retraites ou les insuffisances des indemnités pour maladies professionnelles et accidents du travail… », liste l’élu communiste. Et sans compter que ces scénarios sont soumis à de forts aléas. À commencer par le risque conjoncturel.

Mais peu importe pour ce gouvernement, qui y voit une manne visant à renflouer le budget de l’État. Et ainsi devenir le bon élève de Bruxelles. Selon les Échos, il s’agirait dès l’an prochain de ne pas compenser les allégements de cotisations sociales à la suite de la suppression du forfait social sur l’intéressement (500 millions d’euros) et la participation dans les PME, et ceux portant sur les heures supplémentaires (2,5 milliards d’euros). La bombe lancée est à fragmentation, puisque les différentes mesures d’exonération de cotisations sociales s’élèvent à près de 60 milliards d’euros. La deuxième phase, selon les rapporteurs du rapport, sera de compenser à hauteur de 50 % la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) en allégement, alors que ces 20 milliards d’euros par an distribués, dilapidés, sans aucune conditionnalité faite aux entreprises, notamment sur l’emploi, n’ont jamais prouvé leur efficacité. S’ajoute à cela l’allégement de quatre points des cotisations patronales sur les bas salaires. Pour un manque à gagner de « 12 milliards de recettes jusqu’à la fin du quinquennat ».

Si le gouvernement d’Édouard Philippe n’hésitera pas à agiter la rigueur budgétaire pour faire passer la pilule, l’objectif est de « continuer de briser notre système de protection sociale basé sur les droits pour en faire une caisse de secours gérée par l’État, dans la confusion des budgets », dénonce Pierre Dharréville. D’ailleurs, les pères la rigueur des comptes ne prêtaient pas d’autre intention à ce changement de principe, en estimant que le transfert de ce surplus « limiterait le risque qu’il soit utilisé pour le financement de dépenses nouvelles ».

Clotilde Mathieu