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Mediapart : Plan pauvreté : pour être aidé, il faudra travailler

Septembre 2018, par infosecusanté

Plan pauvreté : pour être aidé, il faudra travailler

13 septembre 2018| Par Mathilde Goanec et Faïza Zerouala

En annonçant un « revenu universel d’activité » pour 2020, Emmanuel Macron positionne clairement la remise au travail comme l’outil principal de la lutte contre la pauvreté. Il annonce également 8 milliards d’euros sur le quinquennat pour venir en aide aux plus fragiles, et notamment les enfants pauvres, sans totalement convaincre.

Emmanuel Macron ne s’en est jamais caché, il veut changer de modèle social. À l’occasion de la présentation de son plan de lutte contre la pauvreté le jeudi 13 septembre au musée de l’Homme à Paris, le président a clarifié sa vision en évoquant la mise en œuvre, dès 2020, d’un « revenu universel d’activité ». Il s’agit d’une fusion des minima sociaux existants (probablement APL, RSA, Allocation adulte handicapé, minimum vieillesse…) qui sera accordée « sous conditions » : ses bénéficiaires devront en effet signer un « contrat d’engagement réciproque », et ne pourront refuser plus de « deux offres raisonnables d’emplois ou d’activité ».

« Aujourd’hui, le maquis des prestations ne permet pas de sortir de la pauvreté, il génère une sophistication administrative qui confine au cauchemar, a déclaré le chef de l’État. Cela crée aussi une situation absurde, parfois choquante, où l’on peut préférer bénéficier d’aides, plutôt que de l’emploi. Cela nourrit aussi les divisions et les discours sur l’assistanat. Il doit y avoir des droits, des devoirs et aussi parfois des sanctions. »

Il s’agit d’une traduction du workfare à l’anglo-saxonne, basé sur le principe que les bénéficiaires des aides sociales doivent travailler. Emmanuel Macron n’a d’ailleurs cessé de le répéter au cours d’un discours de plus d’une heure : hormis l’emploi, point de salut. L’approche présidentielle est « pragmatique » et si l’accompagnement des bénéficiaires des minima sociaux doit être renforcé, l’État attend un retour sur « investissement ». Tout le plan repose sur cette logique, déclinée à travers les mesures concernant les personnes sans emploi, les familles pauvres et les jeunes éloignés du système éducatif, au sens large. Autrement dit, pour être aidé, il faudra y mettre du sien, ou au moins répondre à un certain nombre d’exigences, voire d’obligations, dont le détail est à venir.

Meilleur exemple : les futurs bénéficiaires du nouveau revenu d’activité devront s’engager à ne pas rester inactifs. Travailler, ou avoir une activité, peut-être dans « le travail social », ou dans le bénévolat, à l’instar de programmes déjà mis en œuvre dans un certain nombre de départements ? Emmanuel Macron est resté évasif. La logique concerne aussi les départements, qui gèrent actuellement le RSA. Ils seront jugés sur leurs « résultats » en matière de retour à l’emploi des Français à qui ils versent les aides.

Conditionner l’octroi des minima ou des prestations sociales à l’exercice d’une activité effective n’a jamais fait l’unanimité, ni dans le monde associatif, ni dans le monde syndical qui surveille ce plan pauvreté comme le lait sur le feu. Interrogé par Mediapart quelques heures avant le discours du président, le secrétaire général de FO Pascal Pavageau avait prévenu qu’il regarderait de près cet aspect. « S’attaquer de front aux pauvres, qui sont victimes de leur situation, c’est inadmissible, indique-t-il. Deux tiers des adultes pauvres ont un emploi ou en recherchent un activement. Et les autres ? Ils ont abandonné, baissé les bras, parce qu’ils sont en train de crever ! Notre responsabilité collective est de leur assurer qu’ils ne mourront pas. Pas de leur dire de se lever et de se prendre en main, faute de quoi on leur fermerait un robinet au débit déjà bien faible. »

À l’inverse, Laurent Berger, son homologue à la CFDT, ne semble pas gêné par cette orientation. « La stratégie présentée apporte de premières réponses allant dans le bon sens, a twitté 3 Laurent Berger. Sa mise en œuvre devra être à la hauteur avec des moyens adaptés. La CFDT poursuivra ce combat pour éradiquer la pauvreté. »

Pour déminer, l’Élysée avait cependant bien fait les choses. La plupart des invités ont découvert cet ultime arbitrage sur le revenu universel d’activité, potentiellement clivant, le jour du discours. Et avant l’allocution du président étaient conviées à la tribune des personnes censées incarner les différents visages de la « pauvreté » en France, qui touche près de neuf millions d’adultes et trois millions d’enfants. Une femme, rieuse, déclare au début de son récit sur son parcours de vie accidentée qu’elle a toujours été « prête à travailler, en CDD, en intérim, quel que soit le statut ». Un autre, allocataire du RSA, explique que « le but, ce n’est pas de s’enfermer dans le RSA, c’est le retour à l’emploi »… Des profils calibrés, que le premier rang des officiels conviés au musée de l’Homme applaudit chaleureusement, opinant du chef avec force. Emmanuel Macron lui-même, dans le déroulé des annonces, ne cessera de revenir à ces témoins, ces personnes rencontrées dans « ses voyages à travers la France », et saluera avec emphase leur « dignité » et leur « pudeur ».

Des déceptions sur les 18-25 ans

Emmanuel Macron veut donc un revenu universel d’activité, et ce dernier mot change tout, en dépit d’une porosité sémantique avec un certain nombre de propositions faites pendant la dernière campagne présidentielle, en particulier dans le camp de Benoît Hamon. D’une certaine manière, le président donne raison aux détracteurs du revenu universel, qui mettaient en garde contre l’ouverture d’une boîte de Pandore, collant parfaitement aux politiques libérales : la fusion des minima sociaux, et leur révision à la baisse. L’Élysée avait anticipé : « Parfois, comme en Angleterre, cela a conduit à réduire les droits de certains. Ce revenu universel d’activité doit permettre à chacun de vivre décemment. Tout le travail sera d’évaluer cette part de revenu digne », a assuré Emmanuel Macron. Tout l’enjeu est effectivement là, dans un contexte budgétaire contraint, en France et au niveau européen.

« Nous avons peur qu’une mesure qui n’a pas été pensée avec les personnes les plus pauvres ne les pénalise, met en garde Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, sceptique par ailleurs sur d’éventuelles sanctions. On pourrait mettre les APL, les allocations familiales ensemble et les faire diminuer au passage. Il ne faudrait surtout pas que ceux qui ne remplissent pas tous les critères perdent tout.

Ce n’est pas du tout la « tradition française », rappelle de son côté Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS), engagé dans la concertation en amont du plan. D’autant plus que le bénéficiaire du RSA est déjà soumis à un certain nombre d’obligations, dans le cadre du contrat d’insertion qu’il signe avec les départements. Ces obligations sont renforcées s’il est inscrit à Pôle emploi, car il est alors soumis comme les autres à l’obligation de recherche active d’emploi. « Dans les faits, les sanctions sont peu nombreuses et on veille à cela, rappelle Florent Gueguen. Parce que le RSA n’est qu’un minimum vital. Le président oublie souvent qu’une partie des allocataires ont de gros problèmes de santé physique, psychiques, des problèmes d’accès au logement, de mobilité, de garde d’enfants, qui sont des freins réels à l’emploi. »

L’amertume peut être d’autant plus grande que le plan présenté ce jeudi ne prévoit pas d’augmentation des minima sociaux, comme les APL, le RSA ou les allocations familiales, mis à part l’allocation adulte handicapé – même si les associations craignent des coups de rabots sur les seuils pour en bénéficier dans la future loi de finance – et le minimum vieillesse (plus 100 euros mensuels en tout sur le quinquennat). Sans augmentation, les plus pauvres vont inévitablement subir une baisse du pouvoir d’achat, en raison de l’inflation.

Le seul gros coup de pouce du plan pauvreté sur les minima sociaux concerne la prime d’activité, dont l’augmentation est acquise depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron. Elle sera poursuivie en 2019 et jusqu’en 2022. Cette augmentation bénéficiera selon l’exécutif à 3,2 millions de ménages (alors qu’ils n’étaient que 2,6 millions à la toucher fin 2017) et permettra un gain pouvant aller jusqu’à 80 euros par mois au niveau du Smic. 


Lancé en janvier 2016 par François Hollande, ce complément de revenu ciblant les travailleurs pauvres et modestes fonctionne plutôt bien : il a réduit de 0,4 point le taux de pauvreté en France, selon l’estimation officielle réalisée par les services du gouvernement. Surtout, sa philosophie est celle défendue aujourd’hui par l’exécutif : il s’agit de récompenser ceux qui travaillent, même un peu.

Le plan de lutte contre la pauvreté d’Emmanuel Macron s’appuie également, dans le discours, sur le développement massif de l’accompagnement et de l’insertion, pensés en contrepoint de la contrainte suggérée par un revenu universel d’activité : mise en place dans le futur d’un service public de l’emploi, qui pilotera l’action des départementaux pour éviter les « inégalités territoriales », réelles ; soutien aux expérimentations comme les « territoires zéro chômeurs » ; 25 % de places en plus pour 100 000 salariés supplémentaires accueillis dans le secteur de l’insertion par l’activité économique. Saluées, ces annonces ont néanmoins une généalogie.

« Nous sommes très favorables à ces financements supplémentaires, nous avons même beaucoup poussé pendant la concertation pour renforcer l’insertion, donc c’est très positif, réagit Florent Guéguen pour la FNARS. L’énorme bémol est que ce “paquet emploi” est financé par la suppression des emplois aidés. On est passé d’environ 400 000 à 200 000 emplois aidés depuis le début du quinquennat et on nous dit aujourd’hui que seuls 70 000 auraient été alloués. » Une sorte donc de « vases communicants budgétaire, qui n’est pas l’argent « frais » en plus promis.

Il y a, sur la question de l’emploi et des minima sociaux, une autre béance, celle des moyens alloués aux travailleurs sociaux eux-mêmes, chargés d’intensifier l’insertion et l’aide aux personnes par le président. Cette mission, prévue dès la création du RMI, se retrouve effectivement aujourd’hui – en partie à cause de la crise économique qui a fait s’envoler le nombre d’allocataires et prolonger leur installation dans la pauvreté – plus ou moins en jachère.

Le plan pauvreté ambitionne de « rénover » les pratiques, pour favoriser « l’aller vers », et rattraper des personnes qui ne sont plus sous aucun radar, à travers un large plan de formation des personnels eux-mêmes, mais qui n’est pas budgété. Pas sûr que cela soit suffisant pour soulager concrètement les éducateurs, travailleurs et assistants sociaux, qui tirent depuis des années la sonnette d’alarme sur le sous-effectif chronique dont ils sont victimes, l’absence de revalorisation monétaires de leurs salaires et la perte de sens de leur métier.

L’autre chantier, ouvert par Emmanuel Macron, concerne les jeunes, décrocheurs, non scolarisés, non qualifiés, les « perdus de vue », selon la terminologie. Le plan n’en dit finalement pas grand-chose de concret, hormis l’extension, prévue elle aussi de longue date, de la garantie jeune, un dispositif plébiscité par les services de l’emploi et piloté par les missions locales, mêlant une petite allocation et un accompagnement renforcé. Muriel Pénicaud en avait déjà fait la réclame lors de l’annonce du PIC, le plan investissement compétence (voir notre analyse ici) pour la formation professionnelle.

« La faille, c’est la partie sur les ressources, souligne François Soulages, du collectif Alerte, très impliqué dans les concertations du plan pauvreté. On considère que le compte n’y est pas, pour les jeunes et les chômeurs de longue durée. Mais on espère que le revenu universel d’activité soit l’occasion d’inclure ces deux populations dans le dispositif. » Le collectif voit également comme un signe positif l’interdiction de « sortie sèche » pour les jeunes issus de l’aide social à l’enfance (ASE), annoncée par Emmanuel Macron. Ces « jeunes majeurs », issus de l’ASE, font partie des populations les plus fragiles, que l’on retrouve en nombre au sein des sans-domicile fixe. Olivier Noblecourt, délégué interministériel chargé de l’élaboration du plan, y tenait dur comme fer et a de fait arraché une contractualisation entre l’État et les départements sur le deal financement contre prise en charge. Le volume de ce financement n’a cependant, pour le moment, pas été annoncé.

Le président de la République avait, initialement, une seule et unique priorité, racontent ceux qui ont suivi les tractations et la genèse de ce plan pauvreté : les enfants pauvres. Les associations de lutte contre la pauvreté ont eu tôt fait de lui rappeler l’évidence : un enfant pauvre vit dans une famille pauvre, il s’agit donc de traiter le problème dans sa globalité. Il n’empêche que le discours et les annonces ont fait la part belle à cette question et le président a longuement insisté sur la nécessité de ne pas enfermer les enfants dans leur destin, trop souvent conditionné par leur milieu de naissance : « Quand on naît dans la pauvreté, c’est le déterminisme de tous les déterminismes. » Un peu plus loin : « Refuser la fatalité sociale, c’est lutter contre ce déterminisme qui, dès l’enfance, détruit des trajectoires de vie. »

Emmanuel Macron convoque même Saint-Exupéry dans le texte qui évoque « Mozart assassiné » dans Terre des hommes : « Tout enfant qui ne devient pas ce qu’il peut être, c’est Mozart qu’on assassine. » Avant d’ajouter que la société les condamne à ne jamais devenir un grand chef d’orchestre, chirurgien ou haut fonctionnaire. « C’est insupportable d’injustice et de gâchis. La pauvreté ne doit plus se transmettre en héritage. Il faut 180 ans à un enfant né pauvre pour qu’un descendant de ses descendants accède à la classe moyenne. C’est dès la petite enfance qu’il faut intervenir. Le cœur des inégalités se construit dans les premières années de la vie. »
Une attention particulière portée à la petite enfance

Les mots sont forts. Concrètement, les mesures annoncées concernant les enfants sont, de fait, décevantes au regard de l’enjeu. Une partie des mesures exposées par le président de la République ont déjà été mises en œuvre ou promises. L’incontournable dédoublement des classes de CP et CE1 en éducation prioritaire, censé être le gage de la politique sociale de la Macronie, a été évidemment évoqué. L’instruction obligatoire dès 3 ans, au lieu de 6 à l’heure actuelle – dès la rentrée 2019 – a fait partie des annonces tonitruantes issues des Assises de la maternelle 3 à la fin mars. Bien entendu, à l’époque, de nombreuses voix avaient souligné que 97 % des enfants de cet âge-là sont déjà scolarisés et l’extension de l’obligation procède plus de la symbolique qu’autre chose. Faux, selon Emmanuel Macron, il ne faut pas laisser ces 25 000 élèves hors de la maternelle. Il veut surtout contraindre les parents qui y laissent leurs enfants par intermittence, le temps d’une matinée, à les y maintenir toute la journée.

Les spécialistes s’accordent à dire que scolariser les tout-petits permet d’obtenir des résultats visibles sur l’acquisition du langage. C’est dans cette droite ligne que le président a plaidé pour permettre aux familles défavorisées de bénéficier de davantage de places en crèches. 30 000 places supplémentaires vont être créées. Dans les quartiers estampillés politique de la ville, l’État pourra subventionner jusqu’à 90 % l’ouverture de crèches.

Cette idée a été portée dans différents rapports qui expliquent que la fréquentation de structures de petite enfance est délaissée et sous-exploitée. L’OCDE 3 a recommandé dans une étude de juin 2017 de repenser les structures de petite enfance pour en faire un lieu où débuteraient les apprentissages des plus petits et tisser un continuum entre crèche et maternelle. Et de réaliser une transition moins brutale entre crèche et école en formant davantage les personnels des premières pour améliorer la qualité de l’accueil. Emmanuel Macron a entendu cette demande puisqu’il a promis une refonte du CAP petite enfance. 600 000 professionnels de la petite enfance vont bénéficier d’une formation continue et des programmes favorisant l’apprentissage de la langue française par les tout-petits vont être développés. Dans un rapport 3, en 2017, le think tank Terra Nova avait formulé peu ou prou les mêmes recommandations.

Les familles pourront par ailleurs financer plus facilement des modes de garde individuelle grâce à un tiers payant à la charge des caisses d’allocations familiales. Pour favoriser le travail des parents, en particulier des mères célibataires, 300 crèches à « vocation d’insertion professionnelle » seront créées d’ici à 2020 et 300 nouveaux centres sociaux devraient voir le jour.

L’une des mesures qui fait le plus parler concerne la possibilité pour les collèges en REP +, les plus défavorisés, de proposer des petits déjeuners gratuits « afin de s’assurer que tous les enfants commencent la journée dans les mêmes conditions ». Il ne s’agit pas ici de livrer des collations clés en main mais plutôt de débloquer des fonds au cas par cas pour les communes demandeuses afin de leur permettre de mettre en œuvre des projets autour de l’alimentation. Les directions des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) devront distribuer les enveloppes.

Seulement, cantonner la seule mesure au collège en REP + exclut de facto les établissements scolaires du primaire et tous ceux situés en dehors de ces zones d’éducation prioritaire spécifiques. Seulement un quart des élèves 3 en difficulté bénéficient des avantages liés au classement en éducation prioritaire.

Un « accès universel » à la cantine est créé. L’année dernière, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco, avait pointé dans une étude les inégalités face à la restauration scolaire pour les élèves plus défavorisés. En éducation prioritaire, près de 60 % des élèves ne la fréquentent pas, un chiffre qui monte à 75 % en REP.

Le président de la République a annoncé que les tarifs sociaux de la demi-pension seront généralisés, avec un barème où le taux le plus bas permet de bénéficier d’un repas pour 1 euro. 70 % des écoles proposent déjà ce dispositif. L’État s’engage à compenser le manque à gagner, pour les communes.

Marie-Aleth Grard retient la tonalité globale de la prise de parole, positive à ses yeux, tout en soulevant quelques points de vigilance. « Ce sont des paroles fortes, dit-elle, mais nous allons surveiller ce qui va venir derrière. Il ne faut pas oublier que quatre milliards d’euros sont du redéploiement de dispositifs. »

La vice-présidente d’ATD Quart Monde déplore par ailleurs que le président n’ait pas décidé de donner un coup de pouce aux bourses des collégiens. La précédente mandature les avait fait passer de 360 à 450 euros par an pour le plafond le plus haut. Sans compter que les demandes se font toujours sous une forme dématérialisée, ce qui éloigne de fait les plus fragiles qui ne possèdent pas toujours de connexion internet.

Jean-Paul Delahaye, ancien inspecteur général et numéro 2 du ministère de l’éducation nationale de 2012 à 2014, auteur en 2015 d’un rapport intitulé « Grande pauvreté et réussite scolaire », considère pour sa part que le discours présidentiel contient des idées intéressantes, comme la scolarisation obligatoire des tout-petits, la formation étendue de 16 à 18 ans, l’accès facilité à la restauration scolaire ou encore l’attention portée aux élèves décrocheurs. Il regrette néanmoins deux impasses : sur les bourses scolaires et l’absence de toute référence à la mixité scolaire, deux chantiers explorés durant le quinquennat Hollande.

Ce plan n’avait pas vocation à être « de l’argent, des mesures plaquées d’en haut », a reconnu Emmanuel Macron, qui a aussi insisté sur la vision performatrice de son discours pour « changer le regard » sur la pauvreté, en « finir avec l’assignation à résidence », selon une formule qui lui est chère, et avec une forme de « minorité » des citoyens pauvres. Ni l’exécutif, ni le président de la République, ne se sont cependant prononcés lorsqu’un maire LREM, à Besançon, a pris au cœur de l’été un arrêt anti-mendicité très controversé, comme le rappelle cet article de Justine Brabant. Les critiques n’ont pas non plus manqué de fuser sur le « deux poids deux mesures » pratiqué depuis le début du quinquennat quand il s’agit d’arbitrer sur le budget (lire ici l’article de Romaric Godin).

« Nous ne sommes pas mécontents, remarque François Soulages, qui s’est battu avec plusieurs associations pour imposer le thème à l’agenda du président. Et nous allons le prendre au mot quand il dit qu’il n’y aura pas de baisse des minima sociaux en cas de fusion. Mais la concertation va s’engager, et elle va être difficile. » La loi de finance 2019, dévoilée dans quelques jours, sera « le juge de paix de cette affaire », estime Florent Guéguen. « Jeudi, il nous a présenté les plus : huit milliards d’euros sur le quinquennat, c’est beaucoup. Mais on fera les additions et les soustractions sur les arbitrages budgétaires et on verra si le pouvoir d’achat des personnes pauvres augmente ou pas. Aujourd’hui, ce n’est pas sûr. »