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Le Monde - Partir à la retraite à 62 ans devrait rester possible, reste à savoir dans quelles conditions

Octobre 2018, par Info santé sécu social

Pascal Pavageau, de Force ouvrière, a affirmé, lundi, que la future réforme des retraites ferait disparaître l’âge légal du départ. Une affirmation contestable, mais qui soulève de sérieuses questions.

Le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau, était l’invité de France Inter, lundi 8 octobre.

Le gouvernement veut-il signer la fin de l’âge légal de départ à la retraite ? C’est en tout cas ce qu’a assuré le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Pascal Pavageau, sur France Inter, lundi 8 octobre. Une affirmation contestable, puisque le gouvernement s’est jusqu’ici engagé à ne pas remettre en cause le droit à partir à la retraite à 62 ans. Mais qui soulève tout de même de réelles questions sur le niveau des futures pensions de retraite, alors que les contours exacts de la réforme à venir ne sont pas connus et que l’idée de créer un « âge pivot » à 63 ans est à l’étude au gouvernement.

Ce qu’il a dit

Interrogé sur la réforme des retraites à l’approche d’une réunion prévue le 10 octobre entre les syndicats et le haut-commissaire à la réforme, Jean-Paul Develoye, le syndicaliste Pascal Pavageau a demandé que le gouvernement « sorte du bois ». Il a également fait part de ses inquiétudes, en particulier sur l’âge du départ en retraite : « La retraite par points, c’est le travail sans fin. » Le journaliste de France Inter Nicolas Demorand lui a alors fait remarquer que « l’âge légal [du départ à la retraite] reste, resterait à 62 ans » dans le futur système. Faux, lui a rétorqué le responsable de FO :

« Il n’y aura plus d’âge légal, c’est un leurre […]. Ce sera le principe même d’une réforme par points. »

Une présentation des faits contredite par Léa Salamé, selon qui Emmanuel Macron s’est engagé à ne pas modifier l’âge légal du départ à la retraite. « Evidemment, il n’y touchera pas, il n’y en n’[aura] plus », a ironisé Pascal Pavageau.

POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ
1. Emmanuel Macron s’est engagé à ne pas modifier l’âge légal du départ à la retraite
La promesse figurait en toutes lettres dans le programme d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017 : « Nous ne toucherons pas à l’âge légal de départ à la retraite. » Le candidat précisait sur son site que dans le futur système « universel » de retraite qu’il proposait, « il y aura[it] toujours un âge légal de la retraite à partir duquel on pourra liquider ses droits. Il restera à 62 ans ».

Certes, la réforme n’a pas été dévoilée pour l’heure, mais l’engagement de ne pas reculer l’âge légal du départ à la retraite a été rappelé à plusieurs reprises depuis. Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, l’a notamment confirmé dans un entretien au Parisien en mai 2018.

2. Ce n’est pas incompatible avec le système envisagé
La réforme des retraites telle qu’elle a été présentée par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle vise à créer un régime de retraites unique, dit « universel », où « un euro cotisé donne les mêmes droits ». En pratique, chaque citoyen alimenterait tout au long de sa carrière une forme de compte virtuel. Lors du départ à la retraite, les droits accumulés sont convertis en une pension, suivant un coefficient.

Malgré ce changement de mode de calcul, le gouvernement s’est engagé à maintenir un système de retraite par répartition, c’est-à-dire que les cotisations des actifs financeront les pensions des retraités. Suivant cet engagement, il ne s’agirait pas d’un système par capitalisation, où chaque salarié se constitue une épargne pour payer sa retraite.

Il est vrai, qu’en principe, dans cette nouvelle logique, la notion de durée de cotisation disparaît, comme l’expliquait Jean-Paul Delevoye en mai au Parisien : « C’est votre nombre de points qui vous permet un arbitrage personnel : j’ai assez de points, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars. A l’inverse, je n’ai pas assez de points, je reste. Cela permet de respecter la liberté de choix. »

Mais le haut-commissaire à la réforme des retraites précisait également qu’il fallait maintenir un seuil « en dessous duquel ils ne peuvent pas partir pour éviter que cela pèse sur la solidarité nationale. L’âge actuel de 62 ans devrait être conservé ».

3. En revanche, les retraités devraient être incités à travailler plus longtemps
Pascal Pavageau s’avance donc beaucoup en affirmant qu’« il n’y aura plus d’âge légal » de départ à la retraite avec le système envisagé par le gouvernement. Cependant, cette affirmation hâtive cache une vraie question : quel sera le niveau des futures pensions de retraite ? Un débat crucial, mais qu’il est, pour l’heure, difficile d’aborder puisque les contours précis de la réforme n’ont pas été présentés.

Pour faire simple, le maintient de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans fait qu’il devrait toujours être possible de faire valoir ses droits. Cependant, bon nombre de travailleurs risquent de juger insuffisant le niveau de pension dont ils pourraient disposer, à cet horizon. C’est déjà souvent le cas actuellement, puisqu’il faut avoir validé un nombre considérable de trimestres (en l’état, les personnes nées après 1973 devraient, avoir validé cent soixante-douze trimestres au moins, soit quarante-trois années de travail).

En revanche, il existe aujourd’hui un âge qui donne droit à une retraite à taux plein, fixé à 67 ans, indépendamment de la durée de cotisation. Et cette borne devrait disparaître avec la réforme promise par Emmanuel Macron : le nouveau mode de calcul fait qu’il sera possible de partir dès 62 ans, ou de travailler plus longtemps, chaque année supplémentaire faisant augmenter sa future pension. En creux, cela incite les futurs retraités à prolonger leur carrière, sans que cela soit un impératif.

Le futur système pourrait d’autant plus décourager les départs à 62 ans que le gouvernement réfléchit en effet à introduire un « âge pivot », selon des informations des Echos et du Monde. Il s’agirait d’un nouveau seuil d’âge au-dessous duquel les pensions de retraite seraient minorées, qui existe déjà avant 63 ans dans les régimes complémentaires du privé Agirc-Arrco. Si cet « âge pivot » était fixé, par exemple, à 63 ans ou à 64 ans, il encourageait fortement à prolonger sa carrière jusqu’à cette limite d’âge.