Politique santé sécu social de l’exécutif

Alternatives économiques - PLFSS 2019 Sécu : fin d’un compromis historique

Octobre 2018, par Info santé sécu social

CÉLINE MOUZON 23/10/2018

Pour la première fois depuis 2001, le budget de la Sécurité sociale sera excédentaire en 2019 (+ 400 millions d’euros ) s’est félicité le gouvernement en présentant son projet de loi de financement dont l’examen a commencé hier 22 octobre à l’Assemblée. Cela comprend les quatre branches (retraite, maladie, famille, accidents du travail et maladies professionnelles) des régimes obligatoires1 et le fonds de solidarité vieillesse, qui verse les retraites des chômeurs et le minimum vieillesse.

Au total, ce budget représente 500 milliards d’euros par an (509 milliards budgétés pour 2019). Il ne couvre pas l’ensemble de la protection sociale (760 milliards d’euros en 2016), qui inclut en plus l’assurance chômage, les retraites complémentaires Agirc-Arrco et les dépenses sociales de l’Etat et des départements (exclusion, aide sociale à l’enfance, handicap, dépendance).

Si le gouvernement invoque une conjoncture favorable, les causes sont aussi à chercher du côté d’une maîtrise très forte des dépenses sociales, et ce, depuis longtemps. Pour la branche vieillesse, les différentes réformes engagées en 1993, 2003 et 2010, qui ont repoussé l’âge de départ à la retraite, produisent leurs effets, avec un tassement du montant moyen liquidé. Pour la branche maladie (déficitaire de 500 millions d’euros en 2019), le contrôle des dépenses a été obtenu par un effort sur le prix des médicaments et par une compression des dépenses à l’hôpital public, qui a entraîné une dégradation des conditions de travail des soignants.

Pour la branche maladie, le contrôle des dépenses a été obtenu par un effort sur le prix des médicaments et par une compression des dépenses à l’hôpital public Twitter
Certaines dépenses de la branche famille ont, elles, diminué. Les réformes de 2014 et 2015 sur le congé parental (CLCA devenu PreParE), menées au nom de l’égalité femmes-hommes, n’ont par exemple pas permis d’augmenter la participation des pères, mais elles ont de fait conduit à une baisse du montant et du recours aux prestations : de deux milliards d’euros de prestations versées en 2013, on n’est plus qu’à un milliard en 2018, sans qu’on puisse l’imputer à la seule évolution démographique.

En 2019 et 2020, le gouvernement continuera d’appuyer sur le frein. Les allocations familiales et les pensions de retraite seront quasiment gelées : elles ne seront revalorisées qu’à hauteur de 0,3 %, alors que l’inflation sera comprise entre 1,7 % et 2 %. Quant à l’hôpital, ce sont 3,8 milliards d’euros d’économies qui sont exigées (au lieu des 4,2 milliards initialement prévus).

Fin du compromis historique
Mais la rupture majeure du budget 2019 de la Sécurité sociale est ailleurs. Elle ne se voit pas encore dans les comptes et tient à la fin d’un compromis historique. Depuis la loi Veil de 1994, il était inscrit au code de la Sécurité sociale que l’Etat compensait à l’euro près « toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de Sécurité sociale pendant toute la durée de son application ». Cet article va être modifié.

Dès 2019, l’Etat ne compensera pas la baisse du forfait social, qui va coûter 500 millions d’euros à la Sécurité sociale, ni l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires. Les effets de cette décision vont se faire sentir sur les recettes des années à venir.

Dès 2019, l’Etat ne compensera pas la baisse du forfait social, qui va coûter 500 millions d’euros à la Sécurité sociale, ni l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires

Ce changement s’ajoute à une évolution de long terme : depuis les années 1990, les sources de financement de la Sécurité sociale se sont diversifiées. Historiquement, la Sécurité sociale était une caisse autonome, ayant ses recettes propres, les cotisations sociales. Depuis près de trois décennies, les gouvernements successifs ont renoncé à augmenter les cotisations sociales. Leur part (55 % du financement de la Sécurité sociale en 2017) va encore diminuer dans les années à venir. Parallèlement, la CSG, créée en 1991, mais aussi une multitude d’impôts et taxes affectées (ITAF), en constituent une part croissante (plus de 30 % en 2017).

Or si la CSG suit naturellement l’évolution de la masse salariale2, puisque elle est indexée sur les salaires, ce n’est pas le cas des autres ITAF (taxes sur le tabac, les casinos, l’alcool… ). Ces multiples taxes peuvent être réaffectées d’une année à l’autre entre branches de la Sécurité sociale ou vers l’Etat, ou voir leur taux augmenter moins vite que les besoins auxquels elles sont censées répondre. Autant de moyens pour l’Etat de décider discrètement et au fil de l’eau des recettes de la Sécurité sociale, dont les besoins de financement augmentent du fait du vieillissement de la population, du poids croissant des maladies chroniques, et des progrès de la médecine.


1. Régime des travailleurs salariés et des indépendants, régime agricole et régimes spéciaux (marins, SNCF, Assemblée nationale…).
2. Son taux a de plus été régulièrement augmenté.