Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Coronavirus : le nombre de cas augmente en France, et « l’orbite » de l’aéroport de Roissy est soupçonnée

Février 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Coronavirus : le nombre de cas augmente en France, et « l’orbite » de l’aéroport de Roissy est soupçonnée

Vingt nouveaux cas ont été diagnostiqués en 24 heures, dont douze dans l’Oise. La base aérienne de Creil est particulièrement touchée, avec huit cas potentiels.

Par Patricia Jolly, Stéphane Mandard, Nathalie Guibert et Sylvia Zappi

Publié le 28/02/2020

Le nombre de cas de patients infectés par le coronavirus sur le territoire national a bondi de dix-huit à trente-huit en vingt-quatre heures. Les chiffres ont été annoncés jeudi 27 février au soir par le nouveau ministre de la santé, Olivier Véran. Alors qu’il assurait mercredi devant les journalistes qu’il « n’y a pas d’épidémie en France », il indique désormais que « nous sommes préparés à une épidémie ».
Cette dernière concerne plusieurs régions : deux personnes âgées ayant participé à un voyage organisé en Egypte sont en réanimation à Brest et à Dijon ; la famille et un proche d’un cas déjà identifié (un homme de 64 ans rentrant de Lombardie) sont hospitalisés à Annecy, et deux autres cas isolés de personnes ayant aussi séjourné en Italie sont soignés à Montpellier et à l’hôpital Bichat à Paris pour le cas le plus grave.

« Une chaîne de transmission dans l’Oise »
Mais avec désormais quatorze cas, le foyer le plus important se trouve à Creil (Oise) et concerne particulièrement la base aérienne. Jeudi, on avait appris qu’un civil de 55 ans y travaillant avait été placé en réanimation au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Amiens après avoir séjourné à l’hôpital de Compiègne sans être initialement diagnostiqué comme porteur du virus SARS-CoV-2. Employé comme chauffeur, il est père de deux enfants et jeune grand-père.

Le ministère de la santé avait également annoncé que le premier mort français du coronavirus était un enseignant de 60 ans exerçant dans un collège proche de Creil. Jeudi soir, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a indiqué que les douze nouveaux cas dans le département étaient sans doute liés aux deux précédents, évoquant « une chaîne de transmission dans l’Oise ». Dans ce cluster (regroupement), deux patients sont jugés dans un état grave et sont suivis à Compiègne et à l’hôpital Tenon à Paris.

Jeudi, aucune inquiétude particulière ne transparaissait à l’entrée de la base aérienne 110 de Creil. Une journaliste qui avait installé son pied de caméra face à l’enceinte militaire constellée de panneaux « Défense de photographier article R 645-2 du code pénal » a bien été courtoisement priée de remballer son matériel et escortée par un planton jusqu’à sa voiture. « On travaille comme d’habitude. Pour la communication, il faut voir avec le ministère de la santé », indiquait un militaire.

La transmission semble avoir été importante au sein de la base. Outre le civil en réanimation à Amiens, le ministère de la santé confirmait trois cas de contaminations jeudi en fin de journée. Ces nouveaux patients ont été transférés à l’hôpital militaire Bégin, près de Paris. Selon nos informations, cinq autres personnes sur la base seraient potentiellement infectées. Preuve que la situation est prise au sérieux par l’état-major des armées, la circulation entre le siège du ministère de la défense à Paris et Creil était interdite jeudi. Cependant, les personnels de la base n’ont pas été confinés et ont pu rentrer chez eux.

Des équipes de virologues et d’épidémiologistes sont attendues sur place vendredi afin d’intensifier les recherches et d’identifier toutes les personnes potentiellement contaminées. Parallèlement, les investigations se poursuivent pour déterminer les « sources de contamination » des deux patients à l’origine du cluster de l’Oise et atteints du coronavirus sans avoir fréquenté des zones à risque (Chine, Italie, ou Iran). La cellule de crise mise en place par l’Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et la délégation régionale de Santé publique France tente d’identifier les personnes avec lesquelles les deux malades ont été en contact afin de remonter la piste du « patient zéro ».

Une rumeur a beaucoup circulé jeudi, selon laquelle le civil de la défense atteint sur la base de Creil avait fréquenté un équipage parti chercher des Français de Wuhan. Selon des sources militaires au Monde, cette piste pourrait être écartée : les personnels membres de cet équipage ont été placés en quarantaine et personne n’était atteint. En ce qui concerne le rapatriement par vol civil, une trentaine de personnes sont arrivées à l’aéroport de Roissy le 21 février dans un Airbus A380 affrété par le gouvernement, avant d’être placées à l’isolement pour quatorze jours dans un centre de vacances du Calvados. L’ensemble du personnel navigant ayant effectué les quatre vols de rapatriement depuis Wuhan a fait l’objet d’une « surveillance médicale particulière », a précisé M. Salomon.

A ce stade des investigations, l’hypothèse de l’aéroport de Beauvais comme source de contamination est également écartée. Des équipes d’urgence de l’ARS ont été déployées jeudi sur la plate-forme aéroportuaire de la compagnie à bas coût irlandaise Ryanair, qui dessert de nombreux vols à destination et en provenance de Venise ou de Milan. Mercredi, la maire (Les Républicains, LR) de Beauvais, Caroline Cayeux, et la présidente (LR) du conseil départemental de l’Oise, Nadège Lefebvre, avaient réclamé des « contrôles sanitaires plus stricts et beaucoup plus sécurisés plus particulièrement concernant tous les vols en provenance et à destination de l’Italie qui représentent un danger potentiel certain ».

Plusieurs sources confirment au Monde qu’une autre piste est privilégiée : « l’orbite » de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Les enquêteurs ont en effet identifié des « échanges » entre les personnels ou militaires de la base de Creil et Roissy, et de nombreux salariés de l’aéroport et de la base résident dans le triangle Compiègne, Senlis, Creil. De leur côté, Air France et Aéroports de Paris affirment qu’aucun des membres de leurs personnels ne présente de signes de contamination.

Quant aux soignants et aux patients des hôpitaux où ont séjourné le chauffeur de la base aérienne et l’enseignant décédé, leur niveau de risque en termes d’exposition est « en cours d’évaluation ». Selon la mairie de Compiègne et la CGT, environ 200 agents hospitaliers travaillant dans les hôpitaux de Creil et de Compiègne sont confinés chez eux par mesure de précaution.

Le maire de Creil, Jean-Claude Villemain (Parti socialiste), dit avoir été mis au courant par voie de presse. « Je n’ai eu aucune information officielle et le directeur de l’hôpital n’est pas mieux loti », affirme l’élu qui se dit « en colère. Nous n’avons eu aucun message officiel des services de l’Etat ou de l’Agence régionale de santé ». L’élu est d’autant plus inquiet que la rentrée des classes doit se dérouler dans soixante-douze heures. « On apprend que neuf nouveaux cas ont été détectés dont trois sur la base aérienne, mais c’est le black-out complet », ajoute M. Villemain, craignant que ces informations mettent la population en émoi. La commune a mis en place une cellule de veille.