Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Coronavirus : Trump veut rassurer les Américains, et les investisseurs, sur leur portefeuille

Février 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Coronavirus : Trump veut rassurer les Américains, et les investisseurs, sur leur portefeuille

Le président affiche un optimisme forcé, alors que Wall Street continue de chuter et que les coupes budgétaires dans le domaine de la santé se révèlent embarrassantes.

Par Arnaud Leparmentier et Gilles Paris

Publié le 28/02/2020

Tout était sur des rails : le chômage au plus bas depuis un demi-siècle, les taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale) rabaissés à trois reprises et un armistice commercial signé avec la Chine. Donald Trump pouvait aborder l’année présidentielle avec une économie au beau fixe. Jusqu’à ce que survienne l’épidémie de Covid-19. Le président des Etats-Unis a tenu à la Maison Blanche une conférence de presse improvisée, mercredi 26 février, voulant rassurer les Américains sur leur santé, et les investisseurs, sur leur portefeuille.

Toutefois, Wall Street ne partage pas cet optimisme. L’indice Dow Jones a terminé la journée de jeudi sur une très forte baisse de 4,42 %. Au total, depuis les records atteints en février, les indices boursiers (Dow Jones, Nasdaq, S&P 500) ont connu une baisse supérieure à 13 %, ce qui permet aux commentateurs de parler de « correction ».

Cette dégelée boursière n’est guère une surprise, alors que le coronavirus a paralysé l’économie chinoise et menace de faire de même dans les pays frappés par l’épidémie. Luis Oganes, analyste financier responsable des marchés émergents chez JPMorgan, l’avait prédit dans une conférence au Foreign Press Center à New York, le 19 février. L’enjeu est de savoir l’ampleur et la durée du phénomène, alors que les secteurs connaissent des destinées contrastées.

Un cinquième des firmes américaines présentes en Chine pourraient y perdre jusqu’à la moitié de leur chiffre d’affaires si l’épidémie se poursuivait encore six mois, selon une enquête de la chambre de commerce américaine dans le pays. Les compagnies high-tech, telles Apple ou Microsoft, ont indiqué que les chaînes de production pourraient être affectées. Tour-opérateurs, compagnies de tourisme et aériennes subissent de plein fouet la crise, tandis que les entreprises de livraison de pizzas à domicile s’envolent en Bourse.

Trump : « Une bonne chance que vous ne mouriez pas »
Reste à savoir ce qu’il adviendra en cas d’épidémie sur le sol américain. La comparaison avec les crises précédentes est délicate : le stimulus budgétaire ou monétaire n’est pas immédiatement opérant, comme lors d’une récession traditionnelle, même si la Fed fait de nouveau l’objet de pressions pour réduire ses taux. Ces actions ne servent à rien si les ouvriers ne peuvent plus faire tourner les usines, si la population est confinée chez elle, avec écoles et commerces fermés.
La comparaison la plus proche, évoquée par le Wall Street Journal, est celle avec les attentats du 11 septembre 2001, à la suite desquels l’activité aérienne avait été stoppée, Wall Street physiquement détruite, et les rassemblements publics annulés, alors que le pays était en récession. La Fed avait injecté des liquidités massives, tandis que l’économie avait finalement rebondi.

C’était la prédiction de Luis Oganes, qui expliquait que le débat était de savoir si l’économie suivrait une courbe en V (chute de l’activité au premier trimestre, fort rebond ensuite) ou en U (chute de l’activité, stagnation, et reprise seulement à l’automne). Le conseiller économique de Donald Trump, Larry Kudlow, a déclaré qu’il s’agissait d’un « drame humain », mais pas d’un « drame économique ».
L’épidémie représente aussi une forte déconvenue pour Donald Trump dont le bilan va se retrouver affecté. Au cours de sa visite en Inde, lundi et mardi, le président s’était montré exaspéré par la réaction des marchés. Au cours d’une conférence de presse, il avait voulu rassurer à distance ses concitoyens par une formule maladroite : « Il y a une bonne chance que vous ne mouriez pas. »

Le coronavirus prend Donald Trump à revers
De retour de New Delhi, M. Trump s’en est pris aux médias. « Les “fake news” [MSNBC] et CNN font tout leur possible pour avoir une description du caronavirus [bien : « caronavirus »] aussi noire que possible, y compris faire paniquer les marchés financiers. Comme leurs camarades incompétents du Parti démocrate qui ne font rien, ils ne font que du bla-bla et n’agissent pas. L’Amérique est en pleine forme ! », tweetait le président, mercredi.
Il s’est ensuite présenté en salle de presse à la Maison Blanche afin d’annoncer la nomination du vice-président, Mike Pence, pour coordonner les services de l’Etat fédéral dans la lutte contre le coronavirus : un dirigeant politique, et non un spécialiste de la santé, contrairement à la coutume.
Pendant que Donald Trump évoquait un risque « très faible » et minimisait l’étendue de la contagion aux Etats-Unis, son secrétaire à la santé, Alexander Azar, était beaucoup plus prudent : « Le degré de risque est susceptible d’évoluer rapidement, et nous pouvons nous attendre à voir davantage de cas », a-t-il mis en garde. Une responsable des centres chargés du contrôle et de la prévention des maladies (CDC) avait jugé, mardi, qu’« il ne s’agi[ssait] plus de savoir si cela se produir[ait], mais plutôt de savoir exactement quand cela se produir[ait] ». Le président, lui, a réaffirmé qu’une épidémie n’était pas « inévitable ».

Le coronavirus prend à revers Donald Trump. Lors de son arrivée à la Maison Blanche, il s’était empressé de supprimer le poste de responsable des pandémies au sein du Conseil à la sécurité nationale qu’avait créé son prédécesseur Barack Obama. Son projet de budget pour l’année 2021, qui a été présenté en janvier, prévoit des coupes claires dans le département de la santé et les CDC.

Les affres d’un système de santé payant
Fidèle à son mot d’ordre de l’« Amérique d’abord », ce projet envisage également une coupe de 3 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros) aux dépens des programmes de santé mondiaux, dont une division par deux des fonds alloués à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), même si le Congrès devrait s’y opposer.
L’administration a toutefois envisagé de demander une rallonge budgétaire de 2,5 milliards de dollars, mais cette somme est nettement inférieure à celles mobilisées pour les derniers épisodes similaires et elle est jugée très insuffisante par les démocrates.

Donald Trump a brandi un classement établi par l’université Johns-Hopkins (Maryland) expliquant que les Etats-Unis étaient le pays au monde le mieux préparé à lutter contre une pandémie. Il s’est vanté d’avoir interdit l’accès au territoire américain aux étrangers ayant séjourné depuis quatorze jours en Chine et il n’a pas exclu de le faire pour les voyageurs en provenance d’Italie ou de Corée du Sud.
Cependant, les Américains découvrent les affres d’un système de santé payant. Ainsi, un ressortissant de Floride revenant de Chine s’est rendu, fiévreux, à l’hôpital de Miami, craignant avoir été infecté. Ce n’était pas le cas, mais son assurance lui réclame désormais 3 184 dollars. L’affaire n’incite pas à aller se déclarer aux autorités sanitaires. Le faible nombre de cas détectés sur le sol américain laisse perplexes les observateurs, vu l’intensité des échanges avec la Chine.