Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : La Chine espère que le plus dur de l’épidémie de coronavirus est passé

Mars 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : La Chine espère que le plus dur de l’épidémie de coronavirus est passé

La Chine continue d’annoncer plus d’une centaine de cas par jour dans la province du Hubei, mais le reste du pays ne connaît quasiment plus de nouvelles infections.

Par Brice Pedroletti et Simon Leplâtre

Publié le 05/03/2020

La tension redescend progressivement en Chine, à mesure que le nombre de nouveaux cas baisse : jeudi 5 mars, les autorités ont annoncé 139 nouvelles contaminations, soit un peu plus que la veille (119), pour un total de 80 409 cas confirmés, d’après la commission nationale de la santé (ministère). Mais seuls cinq des nouveaux cas ont été répertoriés en dehors du Hubei. Il y a eu trente et un nouveaux décès, qui ont fait passer au pays la barre des 3 000 (3 012).

Les autorités affichent un optimisme prudent : la Commission nationale de la santé a expliqué, lundi 2 mars, faire basculer ses opérations sur « un mode plus ciblé », afin d’alléger les contrôles dus au confinement et restaurer une partie des activités économiques et sociales suspendues. Cette semaine, vingt et une provinces de Chine avaient rétrogradé leur niveau d’alerte épidémie de 1, le plus élevé, à 2 ou 3. Les experts cités par la presse officielle espèrent un retour à la normale en mars-avril, et la fin de l’épidémie fin avril.

L’heure est à la « reprise », sur le mode volontariste, à en croire le Quotidien du peuple qui titrait jeudi sur la réouverture de « 79 % des chantiers de grands travaux », dont ceux du nouvel aéroport international de Chengdu, et d’une portion à grande vitesse de la voie de chemin de fer reliant Pékin à Shenyang, grande ville du Nord-Est. C’est aussi le message du numéro un chinois, Xi Jinping, qui a présidé, le 4 mars, une réunion du Comité permanent, le collectif de direction suprême du parti : il est temps d’« accélérer la mise en place d’un ordre économique et social compatible avec le contrôle et la prévention de l’épidémie », a-t-il déclaré.

L’attention des autorités chinoises s’est déplacée sur les risques de réimportation du virus à l’entrée du territoire chinois

L’attention des autorités chinoises – notamment de la propagande – s’est déplacée sur les risques de réimportation du virus à l’entrée du territoire chinois. Soixante-quinze personnes revenues de l’étranger auraient ainsi été testées positives à la date du 4 mars à minuit. Sur Weibo, équivalent chinois de Twitter, les détails du voyage d’une Chinoise et de sa fille, revenues à Hangzhou (est), en provenance de Turin, via Roissy et Canton, avaient accumulé plus de 2 millions de vues : mises en quarantaine à domicile le 29 février à leur arrivée, elles ont montré des symptômes le 4 mars et ont été diagnostiquées porteuses du coronavirus.

Un « code QR de santé » controversé

Dans les grandes villes, la vie reprend doucement son cours. A Shanghaï, la circulation est revenue proche de la normale, d’après un communiqué de la police des transports, lundi. On constate même quelques embouteillages, peut-être aggravés par le fait que beaucoup évitent les transports en commun. Plus de la moitié des restaurants sont désormais ouverts, mais ils n’ont pas le droit de faire salle comble : il faut respecter un espace minimum entre les tables. Les salles de sport donnent des cours en ligne, ou n’accueillent que quelques clients à la fois. Partout, il faut s’inscrire et présenter le front ou le poignet à un gardien armé d’un thermomètre.

Pour remplacer les fermetures de quartier, de plus en plus de villes ont recours au « code QR de santé », un programme disponible sur l’application de paiement d’Alibaba qui génère chaque jour un code-barres vert, jaune ou rouge. Le code vert permet d’entrer partout, alors que ceux qui arborent du rouge sont priés de rester en quarantaine quatorze jours, ou sept jours en cas de code jaune. Le système, développé en collaboration avec les autorités chinoises, est utilisé partout à Hangzhou (où se situe le siège d’Alibaba), Wenzhou (est)et dans nombre de villes du Guangdong (sud-est). En tout, deux cents villes l’utilisent à divers degrés, d’après l’agence de presse Chine nouvelle. Mais le New York Times a révélé, le 2 mars, en analysant le code du programme, que les données de localisation collectées par l’application étaient envoyées à la police. Pour autant, dans les zones précédemment mises en quarantaine, comme Wenzhou, c’est une « libération », disent ses utilisateurs.

« Pour Wuhan, ça risque de continuer »

A Wuhan, en revanche, la quarantaine s’éternise. « J’essaie de garder le moral, mais c’est difficile, je suis à la limite », témoigne Can Liu, coincé à Wuhan, avec ses parents, depuis le début de la période du Nouvel An lunaire, le 24 janvier. Depuis mi-février, les habitants ne sont même plus autorisés à sortir de chez eux. Des distributions de nourriture ont été organisées par les comités de résidents. Can Liu peut tout juste se promener dans les jardins de sa résidence, aux accès bien gardés. Lueur d’espoir pour les 56 millions d’habitants du Hubei, les autorités de la province ont commencé à classer les localités par niveaux de risque, en fonction du nombre de nouveaux cas apparus les quatorze derniers jours, sans doute le prélude à la réouverture de certaines zones. Vingt-deux municipalités qui n’ont pas eu un seul cas sont classées en « risque faible », dix-sept en « risque moyen », car elles ont eu moins de cinquante cas, et trente-sept restent en « risque élevé ». « Ils rouvriront peut-être des villes à partir du 10 mars, croit savoir Can Liu. Mais, pour Wuhan, ça risque de continuer », dit-il en soupirant.

Les autorités chinoises s’efforcent également de détourner la stigmatisation dont la Chine fait l’objet, quant à l’origine, toujours mystérieuse, du virus : le patient zéro n’a pas été retrouvé. Selon une étude de chercheurs chinois d’un institut du Yunnan, sous la direction de l’Académie des sciences, parue le 20 février, les premiers cas se sont déclarés en dehors du marché de gros de Huanan, à Wuhan, qui a ensuite augmenté sa circulation. Interrogé le 4 mars sur les spéculations relatives à l’origine du virus, notamment la mise en cause du laboratoire virologique de haute sécurité P4 de Wuhan, ou même les Etats-Unis, le porte-parole du ministère des affaires étrangères a rappelé « qu’aucune conclusion n’a été tirée sur la source [du virus] » et a cité un expert chinois selon lequel le virus n’était « pas forcément originaire » de Chine. Il faut « dire non », a-t-il ajouté, au « [terme] “virus chinois” », au « virus politique ».

Brice Pedroletti(Taipei, envoyé spécial) et Simon Leplâtre(Shanghaï, correspondance)