Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Covid-19 : les soupçons d’impréparation se multiplient

Mars 2020, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 6 mars 2020

Hier, le Président de la République a réuni médecins et chercheurs pour évoquer l’épidémie de Covid-19 en France. A l’issue de cette rencontre, Emmanuel Macron a conclu que l’épidémie était désormais « inexorable » en France. Sur le perron présidentiel, Jean-François Delfraissy, infectiologue et actuel président du Comité consultatif national d’éthique a déclaré que le stade 3, celui qui correspondra à une accentuation des mesures d’interdiction des rassemblements interviendrait dans quelques jours et en tout cas dans moins de deux semaines.

Ces annonces coïncident avec un bond du nombre de cas confirmés. Ainsi selon le bilan national établi ce midi par Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, 577 personnes ont été contaminées sur le territoire français, dont 154 nouveaux cas confirmés et deux nouveaux décès (soit neuf au total) rapportés depuis hier soir.

Parmi ces 577 personnes testées positives pour le SARS-CoV-2, figure un député LR du Haut-Rhin, Jean-Luc Reitzer (68 ans), dont l’état sévère a justifié un placement en réanimation. Deux autres cas (un confirmé et un suspect) sont actuellement recensés au Palais Bourbon, qui pourrait devenir un nouvel agrégat.

Toujours à Paris, la RATP est l’objet de toutes les attentions alors que la compagnie a annoncé que deux cas avaient été identifiés dans ses rangs, dont celui d’une femme, en contact avec le public qui revenait d’un rassemblement évangélique à .

Mulhouse : « un modèle expérimental »
Cette réunion qui s’est tenue du 17 au 21 février et a rassemblé 2 000 personnes venus de la France entière pour célébrer le carême pourrait devenir un « modèle expérimental extraordinaire ! » selon les termes du Dr Vogt, médecin généraliste à Mulhouse, s’exprimant dans les Dernières nouvelles d’Alsace. Ces fidèles « sont restées plusieurs heures et plusieurs jours ensemble, s’embrassant, se touchant, ayant une grande proximité du fait de leur pratique religieuse. À partir du vendredi 21 février et durant quelques jours, la plupart des participants présentaient un syndrome grippal, se sont soignés d’eux-mêmes, ont vu leur médecin généraliste, sont passés aux urgences. Certains sont restés à la maison et d’autres sont retournées au travail… ».

Selon le praticien, « les médecins généralistes qui ont vu ces patients ont aussi présenté un petit symptôme grippal deux ou trois jours plus tard ». Les 2 et 3 mars, certains de ces patients « présentant des symptômes persistants ont été testés positifs et isolés. Les participants ont été invités à contacter le 15. Depuis, plusieurs centaines d’appels par jour, environ 600, décrivent tous la même chose, la survenue d’un syndrome grippal d’intensité et de durée plus faible que la grippe saisonnière », poursuit le médecin. « Et d’autres prélèvements chez ce type de patients peu symptomatiques sont positifs. Vu le nombre d’appels quotidiens supplémentaires au 15, on peut estimer qu’il y a actuellement plusieurs centaines de cas ». « Nous sommes sans doute le plus grand foyer de coronavirus de France. Et pendant ce temps, l’Agence régionale de santé [ARS] et la préfecture du Haut-Rhin annoncent que nous sommes toujours en phase 2 avec une vingtaine de cas seulement » assène-t-il (le stade 2 renforcé a cependant été décrété dans le Haut Rhin en ce début d’après-midi).

Pour le médecin généraliste, « la Porte ouverte chrétienne est ce qu’on appelle un cluster, un foyer de circulation du virus, et ce ne sont pas une vingtaine de cas avérés mais sans doute des centaines qui ne se sont pas testées. À Mulhouse, nous ne sommes plus en phase 2 mais en phase 3 de diffusion massive du virus. Nous sommes dans le déni total de la part des autorités » tranche-t-il. Il s’étonne en effet qu’il y a quelques jours on considérait encore que tester des patients présentant un syndrome grippal sans antécédent de voyage était superfétatoire.

FFP2 : un luxe pour les MG ?
Cette accusation d’impréparation et de déni, trois généralistes et leur avocat, Me Fabrice Di Vizio la partage.

L’avocat qui attaque en référé le gouvernement pour qu’il fournisse des masques FFP2 aux omnipraticiens de ville explique sa démarche auprès de nos confrères du Généraliste : « le guide à destination des soignants de la DGS (direction générale des soins ndlr) expliquait il y a deux semaines que le FFP2 était nécessaire et désormais le FFP1 suffirait ? Il y a une incohérence dans le discours. La vérité est que le gouvernement n’a aucun argument scientifique, il s’agit d’un argument de gouvernance », estime l’avocat parisien.

Les nouvelles consignes de la DGS précisent que les masques FFP2 sont « réservés aux personnels hospitaliers, formés, en contact étroit et prolongé avec des cas confirmés et qui réalisent des gestes médicaux à risque ».

« Pourquoi, quand le Samu vient chercher un patient suspecté d’avoir le virus, il est couvert de la tête aux pieds et le généraliste, qui lui examine des cas suspects tous les jours, n’a pas ce luxe ? », s’exclame-t-il.

Pourtant, en 2011, le HCSP recommandait « la constitution d’un stock tournant » de masques FFP2 susceptibles de permettre la protection de tous les soignants durant au moins 3 mois ! Avec 15 millions de masques chirurgicaux, on en était donc loin, ce qui suggère un défaut de vigilance des autorités.

A l’hôpital, des infirmiers dénoncent également des situations inquiétudes. Le SNPI a ainsi réalisé une enquête auprès de ses sympathisants qui met en évidence que 78 % des infirmières hospitalières font face à des pénuries de FFP2 et 63 % de masques chirurgicaux (une enquête qui n’échappe cependant pas à un biais de déclaration).

Notons enfin que l’on dénombrait en début d’après-midi 100 330 cas de Covid-19 (80 556 en Chine, 6 593 en Corée du Sud, 3 858 en Italie) dans le monde dont 3 383 décès (3 042 en Chine, 40 en Corée du Sud, 148 en Italie).

F.H.