Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Coronavirus : la prise en charge en ville s’organise… mais toujours sans protections suffisantes !

Mars 2020, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 10 mars 2020

L’une des conséquences les plus redoutées de l’épidémie de Covid-19 est l’engorgement des hôpitaux. Déjà, en Italie, des choix douloureux doivent être faits dans certains établissements. Cependant, la prise en charge d’une grande partie des patients peut être réalisée en ambulatoire, ce qui permet « d’optimiser la gestion des lits » comme le rappelle la Direction générale de la Santé (DGS) dans ses récentes « Lignes directrices pour la prise en charge en ambulatoire des patients ».

Des « filières ambulatoires » et des décisions au cas par cas

La décision de suivre en ambulatoire un patient atteint de Covid-19 repose sur un équilibre complexe : l’hospitalisation permet en effet un confinement assurant la limitation des contaminations familiales. Aussi, la DGS précise qu’il « est nécessaire de la maintenir dans la mesure du possible, afin de freiner la propagation de l’épidémie sur le territoire national ». Cependant, en fonction de l’évolution de l’épidémie et à l’échelon local pour l’heure (puisque nous sommes encore au "stade 2"), des « filières ambulatoires » peuvent être mises en place en lien avec les Agences régionales de santé (ARS). Dans ce cadre, les recommandations de la DGS signalent que la décision d’une prise en charge en ambulatoire doit être prise avec le consentement du patient (!) par le médecin référent et/ou le médecin hospitalier qui a assuré initialement le diagnostic ou le médecin traitant (après avis du médecin infectiologue ou du SAMU) ou l’équipe d’hospitalisation à domicile. Pour le suivi, et alors que le patient est invité à surveiller sa température deux fois par jour, la DGS rappelle une nouvelle fois l’intérêt de la téléconsultation, qualifiée « d’alternative intéressante » et insiste sur le fait qu’une « attention toute particulière doit être apportée à la consultation du début de la deuxième semaine, période où l’on peut constater une aggravation des patients ». Les lignes directrices de la DGS précisent par ailleurs les conditions de confinement en ambulatoire : dans une « pièce dédiée, bien aérée » et en portant systématiquement un masque en cas de contact. Enfin, différents critères d’exclusion d’une prise en charge à domicile sont précisés, dont un âge supérieur à 70 ans, des comorbidités respiratoires, une insuffisance rénale dialysée, une insuffisance cardiaque (stade NYHA III ou IV) ou encore un diabète insulinodépendant, une cirrhose ou l’immunodépression.

Le masque chirurgical presque suffisant…
Si cette prise en charge en ambulatoire ne décèle pas de complexités médicales particulières, elle se heurte cependant une fois encore à la rareté des masques chirurgicaux et à l’absence d’appareils respiratoires (FFP2). Sur ce point, la Direction générale de la Santé (DGS) note que « L’examen du patient se fait avec un masque chirurgical et des lunettes. La tenue peut être complétée par des gants (…) et une surblouse à usage unique à manches longues (doublée d’un tablier plastique si elle n’est pas imperméable) lors de la réalisation de soins mouillant ou souillant ». Elle relève encore qu’en cas de symptomatologie très marquée et de gestes invasifs à réaliser, le port de « protection respiratoire de type FFP (…) est indiqué ». La DGS rejoint ainsi le récent avis de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) et de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) qui confirment (opportunément songeront certains) que face au SARS-Cov-2, « le port d’un masque chirurgical limite l’exposition des soignants aux gouttelettes potentiellement infectieuses du patient ». Les deux organisations précisent en outre que le port d’un appareil de protection respiratoire doit être réservé aux « gestes médicaux invasifs ou (…) manœuvres au niveau de la sphère respiratoire ».

… à condition d’en avoir !
Si ces préconisations veulent rassurer sur le caractère suffisant des masques chirurgicaux pour des examens cliniques classiques (alors que dans d’autres circonstances les appareils respiratoires semblaient pouvoir être préférés), elles n’empêchent nullement l’inquiétude des professionnels de santé confrontés à un risque de pénurie de ces dispositifs simples. Les infirmières libérales, représentées par le syndicat Convergences, viennent ainsi à leur tour de dénoncer une distribution de matériels de protection totalement insuffisante et inadaptée aux besoins.

Prélèvements en ville

Les personnels des laboratoires d’analyse médicaux évoquent également aujourd’hui leur préoccupation. Dans le cadre en effet de l’organisation de la prise en charge en ambulatoire, les prélèvements nécessaires à la réalisation des tests pourraient être faits en ville, notamment à domicile. « En fonction de l’évolution de l’épidémie et de la mise à disposition des professionnels de tests diagnostic dans les laboratoires de ville, de la formation des préleveurs, le prélèvement pourra être réalisé en ambulatoire par des professionnels de santé libéraux » précise ainsi la DGS qui signale déjà que les prélèvements de suivi pourront être réalisés « au domicile du patient par un professionnel de santé libéral ».

Des laboratoires prêts… mais démasqués
Les laboratoires d’analyse médicaux sont « techniquement » déjà prêts affirmait ce matin le patron des Laboratoires Laborizon Paris, Thierry Leclerc à l’antenne de RTL. Un certain nombre d’étapes réglementaires ont en outre été menées à bien, avec notamment la publication ce 8 mars de l’arrêté de nomenclature après avis de la Haute autorité de Santé (HAS) sur l’acte de détection du coronavirus SARS-CoV-2 par technique de transcription inverse suivie d’une amplification. Mais un écueil de taille pourrait empêcher les laboratoires de ville de participer à la prise en charge des patients : l’absence de protection des équipes des laboratoires et les difficultés dans un certain nombre de laboratoires de « proposer un circuit différencié pour isoler les patients à risque des autres patients ». « Les autorités sanitaires n’ont pas pu, à ce jour, équiper les biologistes médicaux de ville et leurs équipes des masques de protection FFP2, mais aussi de masques chirurgicaux indispensables pour prendre en charge les patients à risque » écrit le Syndicat des biologistes, dans un communiqué publié hier. Soulignons ici que l’écouvillonnage naso-pharyngé, sans être un geste très invasif, peut entrainer, (et tout particulièrement chez l’enfant) toux et expectoration et donc être à l’origine de la contamination d’un personnel non ou mal protégé. Dans ce cadre, même si la plupart des laboratoires disposent des personnels formés et des kits pour réaliser les prélèvements, l’absence de masques et notamment d’appareils respiratoires pourrait rendre parfois délicate la prise en charge souhaitée.

Une enquête nécessaire et déjà demandée
Ce cas des laboratoires d’analyse médicale est un nouvel exemple du décalage très dommageable entre la structuration de l’organisation plutôt rigoureuse des autorités sanitaires qui se conjugue très mal avec l’oubli d’un élément fondamental qu’est l’approvisionnement suffisant en masques et en équipements de protection individuelle (EPI). Aussi, l’Union française pour une médecine libre (UMFL) qui constate que les dernières informations paraissent confirmer « l’absence de stock de masques FFP2 depuis 2011 » en France indique qu’elle « demandera » « une fois la crise passée » « une commission d’enquête sur la gestion politique des moyens de protection ».

Aurélie Haroche