Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Coronavirus : l’Etat au chevet des entreprises, moins des travailleurs

Mars 2020, par Info santé sécu social

13 MARS 2020 PAR DAN ISRAEL

Chômage partiel, arrêts de travail pour les parents devant garder leurs enfants : le gouvernement multiplie les mesures pour amortir le choc de la crise liée au coronavirus. Mais le maintien des salaires n’est pas garanti, et les plus précaires sont oubliés.

Ce vendredi 13 mars, le message est clair, et martelé encore et encore : « Chefs d’entreprise, le ministère de l’économie est à vos côtés. » Sur le site du ministère, dans la bouche du ministre Bruno Le Maire, qui reprend les mots prononcés la veille au soir par Emmanuel Macron, dans les éléments de langage répétés par les divers membres du gouvernement ou leurs communicants.

L’exécutif entend ne laisser aucun doute sur sa détermination à soutenir l’économie française face au coronavirus et à la crise économique qu’il ne devrait pas manquer de déclencher. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire et plus que ce qui est nécessaire pour soutenir notre économie et nos entreprises », a déclaré sur BFMTV Bruno Le Maire, annonçant que le plan d’aide coûtera « des dizaines de milliards d’euros ». « Quel que soit le coût, nous ferons face », lançait au même moment sur France Info Muriel Pénicaud, la ministre du travail.

Après leurs passages médiatiques matinaux, les deux ministres se sont retrouvés pour animer une réunion avec les syndicats et les organisations patronales. Avec un objectif affiché : rassurer autant qu’il le faudra.

Ils ont aligné les annonces d’assouplissement à venir, pour permettre aux entreprises de tenir le choc et de ne pas licencier. Elles pourront ainsi bénéficier d’un report du paiement de leurs cotisations sociales « sur simple mail » à l’administration, notamment pour le versement des cotisations Urssaf, censée intervenir le 15 mars. Le même principe a été promis concernant le paiement de futurs impôts.

L’État prendra aussi en charge « intégralement » le chômage partiel demandé par les entreprises pénalisées par la propagation du virus, a ainsi annoncé Muriel Pénicaud, confirmant une annonce du président, qui a promis un « mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel ». Dès jeudi soir, plus de 5 100 entreprises avaient demandé à bénéficier de ce dispositif, par lequel l’État prend en charge une partie du salaire des employés d’une entreprise mise à l’arrêt lors de trous d’air conjoncturels. 80 000 salariés sont déjà concernés, pour un coût de 242 millions d’euros, et il est évident que le nombre d’entreprises faisant la demande augmentera.

Le dispositif couvrira l’ensemble des salariés, toutes tailles et tous secteurs confondus, y compris les associations. Les artisans ont aussi été appelés par la ministre à conserver les contrats de leurs apprentis, et à les mettre également en chômage partiel.

Mais il existe une grosse ambiguïté dans ces annonces, et le dispositif s’annonce plus avantageux pour les employeurs que pour les employés : quand le gouvernement annonce vouloir prendre en charge intégralement le chômage partiel, il ne dit pas que les salariés toucheront l’intégralité de leur salaire. Et ce, même si Bruno Le Maire a annoncé sur BFMTV qu’« aucun salarié ne perdra un centime » s’il est placé dans cette situation.

Explications : habituellement, le dispositif autorise les entreprises à payer les salariés l’équivalent de 84 % de leur salaire net habituel (et jusqu’à 100 % pour un salarié au Smic). L’État rembourse ensuite les entreprises, à hauteur de 7,74 euros maximum, c’est-à-dire moins que le Smic horaire.

C’est ce deuxième niveau que les ministres ont annoncé vouloir déplafonner. « Le gouvernement est prêt à aller à un remboursement au-delà d’une fois le Smic », a indiqué Bruno Le Maire. Autrement dit, les salariés en arrêt pourront toucher 84 % de leur salaire, et l’entreprise devrait être intégralement remboursée de ce qu’elle versera.

« Tout ce qui peut se faire en télétravail doit être fait en télétravail », a aussi rappelé Muriel Pénicaud. Tout en reconnaissant que seul « à peu près un emploi sur trois » peut être exercé à distance. Elle a donc expliqué longuement le dispositif qui permettra de rester chez eux aux parents forcés de garder leurs enfants, une fois que les établissements scolaires et les crèches seront fermés, pour plusieurs semaines à partir de lundi.

Les demandes d’arrêt de travail nécessaires pour que la Sécurité sociale prenne en charge la rémunération des parents arrêtés ont été très largement simplifiées. Pas de passage chez le médecin, il suffit d’une simple attestation sur l’honneur indiquant que l’école de son enfant est fermée et que le conjoint ne peut pas garder l’enfant (de moins de 16 ans). L’employeur n’a plus qu’à déclarer son salarié en arrêt sur le site dédié, et ce dernier ne subira pas de jour de carence.

En revanche, et ce n’est pas un détail, le gouvernement est pour l’heure dans l’impossibilité de préciser le montant exact des indemnités journalières qui seront versées par la Sécurité sociale. En effet, dans le cadre d’un arrêt de travail classique, la Sécu ne verse au maximum que 50 % du salaire journalier, et pas au-dessus d’un salaire équivalent à 3 400 euros brut. Seuls les salariés couverts par une convention collective avantageuse ou par un accord d’entreprise spécifique touchent de leur employeur un complément qui permet d’arriver à l’équivalent de leur salaire.

« Il y aura les montants d’indemnités journalières qu’il faudra pour que les femmes seules puissent garder leurs enfants sans être pénalisées », a assuré le ministre de l’économie, sans plus de précisions. « C’est en cours de calage », explique-t-on au ministère du travail, renvoyant vers une décision future du ministère des solidarités et de la santé.

Un certain flou persiste donc sur la façon dont le porte-monnaie des salariés sera touché par les semaines à venir. Et le brouillard est encore plus épais lorsqu’on s’intéresse à la situation des travailleurs indépendants. Ils ne sont pas salariés, et n’auront donc pas droit au chômage partiel. Et le détail des indemnités journalières auxquelles ils pourront prétendre en cas d’arrêt forcé n’est pas non plus connu. Ils seront pourtant en première ligne dans le choc économique qui s’annonce.

Dans ce contexte, difficile de comprendre la phrase d’Emmanuel Macron, qui a juré vouloir « que nous puissions protéger aussi nos indépendants » et annoncé que « nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour donner cette garantie ». Rien non plus n’est prévu pour les intermittents du spectacle, qui ont impérativement besoin de travailler 507 heures en dix mois pour conserver leur statut, et qui vont voir des dizaines d’heures annulées, en raison de la fermeture des salles de spectacle, avec l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes.

Il reste une catégorie de travailleurs qui n’ont pour l’instant pas été considérés par le gouvernement : les demandeurs d’emploi. Le gouvernement a annoncé qu’il réfléchissait à des « mesures d’urgence » pour aider les chômeurs à faire face à la crise. Et ils sont nombreux à avoir déjà commencé à la subir, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, un secteur particulièrement consommateur de contrats courts. D’autres sont bien sûr concernés, comme certains précaires de l’enseignement supérieur : l’université de Lille a, par exemple, annoncé qu’elle stoppait les contrats de ses enseignants vacataires

Or, il se trouve que la récente réforme de l’assurance-chômage touche justement très durement ceux qui alternent contrats courts et périodes de chômage, comme Mediapart l’a détaillé ici. Depuis le 1er novembre, il faut avoir travaillé six mois (au lieu de quatre) pour ouvrir des droits. Et surtout, pour les salariés perdant leur emploi à partir du 1er avril, c’est le mode de calcul des allocations chômage qui doit changer en profondeur : toutes les périodes, y compris celles non travaillées, seront prises en compte, ce qui fera s’effondrer le montant perçu par ceux qui travaillent de manière discontinue.

Depuis plusieurs jours, la CFDT, la CGT et Force ouvrière, ainsi que plusieurs responsables politiques de gauche, demandent au gouvernement de revenir sur sa réforme, ou au moins de reporter l’application des mesures prévues à partir du 1er novembre.

Dans son allocution télévisée, le président n’a pas dit un mot des chômeurs, malgré sa volonté affichée de lancer « des mesures exceptionnelles pour les plus fragiles ». Du côté du ministère du travail, on reste prudent, indiquant que rien n’est encore décidé. Des mesures d’accompagnement pour les chômeurs sont prévues, et devraient être annoncées en milieu de semaine prochaine. Pour l’heure, elles semblent surtout cantonnées à un effort porté sur la formation. Le gouvernement a encore quelques jours pour changer de position, et se placer définitivement aux côtés des « plus fragiles ».

Chômage partiel, arrêts de travail pour les parents devant garder leurs enfants : le gouvernement multiplie les mesures pour amortir le choc de la crise liée au coronavirus. Mais le maintien des salaires n’est pas garanti, et les plus précaires sont oubliés.

Ce vendredi 13 mars, le message est clair, et martelé encore et encore : « Chefs d’entreprise, le ministère de l’économie est à vos côtés. » Sur le site du ministère, dans la bouche du ministre Bruno Le Maire, qui reprend les mots prononcés la veille au soir par Emmanuel Macron, dans les éléments de langage répétés par les divers membres du gouvernement ou leurs communicants.

L’exécutif entend ne laisser aucun doute sur sa détermination à soutenir l’économie française face au coronavirus et à la crise économique qu’il ne devrait pas manquer de déclencher. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire et plus que ce qui est nécessaire pour soutenir notre économie et nos entreprises », a déclaré sur BFMTV Bruno Le Maire, annonçant que le plan d’aide coûtera « des dizaines de milliards d’euros ». « Quel que soit le coût, nous ferons face », lançait au même moment sur France Info Muriel Pénicaud, la ministre du travail.

Après leurs passages médiatiques matinaux, les deux ministres se sont retrouvés pour animer une réunion avec les syndicats et les organisations patronales. Avec un objectif affiché : rassurer autant qu’il le faudra.

Ils ont aligné les annonces d’assouplissement à venir, pour permettre aux entreprises de tenir le choc et de ne pas licencier. Elles pourront ainsi bénéficier d’un report du paiement de leurs cotisations sociales « sur simple mail » à l’administration, notamment pour le versement des cotisations Urssaf, censée intervenir le 15 mars. Le même principe a été promis concernant le paiement de futurs impôts.

L’État prendra aussi en charge « intégralement » le chômage partiel demandé par les entreprises pénalisées par la propagation du virus, a ainsi annoncé Muriel Pénicaud, confirmant une annonce du président, qui a promis un « mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel ». Dès jeudi soir, plus de 5 100 entreprises avaient demandé à bénéficier de ce dispositif, par lequel l’État prend en charge une partie du salaire des employés d’une entreprise mise à l’arrêt lors de trous d’air conjoncturels. 80 000 salariés sont déjà concernés, pour un coût de 242 millions d’euros, et il est évident que le nombre d’entreprises faisant la demande augmentera.

Le dispositif couvrira l’ensemble des salariés, toutes tailles et tous secteurs confondus, y compris les associations. Les artisans ont aussi été appelés par la ministre à conserver les contrats de leurs apprentis, et à les mettre également en chômage partiel.

Mais il existe une grosse ambiguïté dans ces annonces, et le dispositif s’annonce plus avantageux pour les employeurs que pour les employés : quand le gouvernement annonce vouloir prendre en charge intégralement le chômage partiel, il ne dit pas que les salariés toucheront l’intégralité de leur salaire. Et ce, même si Bruno Le Maire a annoncé sur BFMTV qu’« aucun salarié ne perdra un centime » s’il est placé dans cette situation.

Explications : habituellement, le dispositif autorise les entreprises à payer les salariés l’équivalent de 84 % de leur salaire net habituel (et jusqu’à 100 % pour un salarié au Smic). L’État rembourse ensuite les entreprises, à hauteur de 7,74 euros maximum, c’est-à-dire moins que le Smic horaire.

C’est ce deuxième niveau que les ministres ont annoncé vouloir déplafonner. « Le gouvernement est prêt à aller à un remboursement au-delà d’une fois le Smic », a indiqué Bruno Le Maire. Autrement dit, les salariés en arrêt pourront toucher 84 % de leur salaire, et l’entreprise devrait être intégralement remboursée de ce qu’elle versera.

« Tout ce qui peut se faire en télétravail doit être fait en télétravail », a aussi rappelé Muriel Pénicaud. Tout en reconnaissant que seul « à peu près un emploi sur trois » peut être exercé à distance. Elle a donc expliqué longuement le dispositif qui permettra de rester chez eux aux parents forcés de garder leurs enfants, une fois que les établissements scolaires et les crèches seront fermés, pour plusieurs semaines à partir de lundi.

Les demandes d’arrêt de travail nécessaires pour que la Sécurité sociale prenne en charge la rémunération des parents arrêtés ont été très largement simplifiées. Pas de passage chez le médecin, il suffit d’une simple attestation sur l’honneur indiquant que l’école de son enfant est fermée et que le conjoint ne peut pas garder l’enfant (de moins de 16 ans). L’employeur n’a plus qu’à déclarer son salarié en arrêt sur le site dédié, et ce dernier ne subira pas de jour de carence.

En revanche, et ce n’est pas un détail, le gouvernement est pour l’heure dans l’impossibilité de préciser le montant exact des indemnités journalières qui seront versées par la Sécurité sociale. En effet, dans le cadre d’un arrêt de travail classique, la Sécu ne verse au maximum que 50 % du salaire journalier, et pas au-dessus d’un salaire équivalent à 3 400 euros brut. Seuls les salariés couverts par une convention collective avantageuse ou par un accord d’entreprise spécifique touchent de leur employeur un complément qui permet d’arriver à l’équivalent de leur salaire.

« Il y aura les montants d’indemnités journalières qu’il faudra pour que les femmes seules puissent garder leurs enfants sans être pénalisées », a assuré le ministre de l’économie, sans plus de précisions. « C’est en cours de calage », explique-t-on au ministère du travail, renvoyant vers une décision future du ministère des solidarités et de la santé.

Un certain flou persiste donc sur la façon dont le porte-monnaie des salariés sera touché par les semaines à venir. Et le brouillard est encore plus épais lorsqu’on s’intéresse à la situation des travailleurs indépendants. Ils ne sont pas salariés, et n’auront donc pas droit au chômage partiel. Et le détail des indemnités journalières auxquelles ils pourront prétendre en cas d’arrêt forcé n’est pas non plus connu. Ils seront pourtant en première ligne dans le choc économique qui s’annonce.

Dans ce contexte, difficile de comprendre la phrase d’Emmanuel Macron, qui a juré vouloir « que nous puissions protéger aussi nos indépendants » et annoncé que « nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour donner cette garantie ». Rien non plus n’est prévu pour les intermittents du spectacle, qui ont impérativement besoin de travailler 507 heures en dix mois pour conserver leur statut, et qui vont voir des dizaines d’heures annulées, en raison de la fermeture des salles de spectacle, avec l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes.

Il reste une catégorie de travailleurs qui n’ont pour l’instant pas été considérés par le gouvernement : les demandeurs d’emploi. Le gouvernement a annoncé qu’il réfléchissait à des « mesures d’urgence » pour aider les chômeurs à faire face à la crise. Et ils sont nombreux à avoir déjà commencé à la subir, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, un secteur particulièrement consommateur de contrats courts. D’autres sont bien sûr concernés, comme certains précaires de l’enseignement supérieur : l’université de Lille a, par exemple, annoncé qu’elle stoppait les contrats de ses enseignants vacataires

Or, il se trouve que la récente réforme de l’assurance-chômage touche justement très durement ceux qui alternent contrats courts et périodes de chômage, comme Mediapart l’a détaillé ici. Depuis le 1er novembre, il faut avoir travaillé six mois (au lieu de quatre) pour ouvrir des droits. Et surtout, pour les salariés perdant leur emploi à partir du 1er avril, c’est le mode de calcul des allocations chômage qui doit changer en profondeur : toutes les périodes, y compris celles non travaillées, seront prises en compte, ce qui fera s’effondrer le montant perçu par ceux qui travaillent de manière discontinue.

Depuis plusieurs jours, la CFDT, la CGT et Force ouvrière, ainsi que plusieurs responsables politiques de gauche, demandent au gouvernement de revenir sur sa réforme, ou au moins de reporter l’application des mesures prévues à partir du 1er novembre.

Dans son allocution télévisée, le président n’a pas dit un mot des chômeurs, malgré sa volonté affichée de lancer « des mesures exceptionnelles pour les plus fragiles ». Du côté du ministère du travail, on reste prudent, indiquant que rien n’est encore décidé. Des mesures d’accompagnement pour les chômeurs sont prévues, et devraient être annoncées en milieu de semaine prochaine. Pour l’heure, elles semblent surtout cantonnées à un effort porté sur la formation. Le gouvernement a encore quelques jours pour changer de position, et se placer définitivement aux côtés des « plus fragiles ».