Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Les Echos - Coronavirus : ces lits qui restent vides dans les cliniques

Mars 2020, par Info santé sécu social

En Alsace, où les hôpitaux publics sont débordés, les établissements privés, lucratifs ou non, sont prêts à accueillir des malades du coronavirus. En région parisienne, le secteur privé s’est également préparé pour la vague épidémique qui arrive.

Par
Solveig Godeluck
Publié le 19 mars 2020

Certains sont dans la tempête ; d’autres l’attendent. Alors que les établissements hospitaliers publics alsaciens sont débordés par l’afflux de malades du coronavirus, avec pour certains une détresse respiratoire qui nécessite un lit de réanimation pour deux, voire trois semaines, le secteur privé tourne au ralenti. Faute de patients atteints du Covid-19.

« Nous avons dix lits armés, avec des respirateurs, des anesthésistes-réanimateurs, des infirmières de réanimation. Ils sont prêts depuis vendredi mais ils sont vides car on ne nous a pas envoyé de malades, ce que je ne m’explique pas », témoigne Christophe Matrat, directeur général de la Fondation Saint-Vincent à Strasbourg. A ces places s’ajoutent 150 lits de médecine ou de chirurgie qui ont été vidés pour accueillir des malades du coronavirus dans un état moins grave.

Des lits transformés pour la réanimation
Ces disponibilités ont pourtant été signalées. L’établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic) est en contact permanent avec l’agence régionale de santé et la cellule de crise du CHU de Strasbourg - un établissement en saturation extrême. « Nous avons des missions de service public. Nous devons pouvoir entrer dans le dispositif », plaide Christophe Matrat. Une situation d’autant plus surprenante que l’armée a été dépêchée dans le Haut-Rhin mardi, afin d’ ouvrir un hôpital de campagne de 30 places et d’évacuer des malades en réanimation vers Toulon.

« Nous ne sommes pas sollicités à hauteur du service que nous pourrions rendre », regrette, lui, aussi Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP). Cela s’explique, selon lui, par des « réflexes » ancrés chez les médecins du Samu : on oriente les malades vers le secteur public .

Les Espic ont pourtant 212 lits de réanimation sur l’ensemble du territoire, plus 750 lits d’unités de surveillance continue, qui peuvent être transformés en lits de réanimation en cas de besoin. « On est en conférence téléphonique avec le ministère de la Santé tous les deux jours, on a déprogrammé toutes nos opérations à venir, on est prêts », insiste-t-il.

100.000 soins déprogrammés dans le privé lucratif
Le secteur privé non lucratif n’est pas le seul à se sentir mis de côté. Jeudi, sur BFMTV, le président de la Fédération de l’hospitalisation privée Lamine Gharbi a réclamé qu’on adresse des patients du Covid à ses établissements-membres : « Il faut que le 15 nous envoie des patients. Je rappelle que nos soins sont gratuits et pris en charge par l’assurance-maladie. Nous avons déprogrammé 100.000 patients », a-t-il déclaré, concluant : « Le public ne pourra pas s’en sortir tout seul, il a besoin du secteur libéral, du premier recours ».

Dans le Grand-Est, les établissements privés ont mis 80 lits de réanimation à la disposition des malades du coronavirus dès lundi, mais ils ne se sont signalés que mercredi auprès de l’agence régionale de santé, parce qu’ils n’avaient pas reçu de masques pour protéger leurs soignants. « Hier soir, nous avons accueilli deux malades. Nous avons aussi proposé d’envoyer des équipes et des moyens en matériel aux établissements publics de la région », raconte un porte-parole de la fédération de l’hospitalisation privée.

En région parisienne, où l’épidémie est en phase montante, le son de cloche est un peu différent. « Il y a eu un démarrage un peu compliqué, mais c’est parti ; nous allons accueillir les malades comme le secteur public », indique Jacques Leglise, directeur général de l’hôpital Foch, à Suresnes. Son établissement est passé au « niveau 2 » pour le coronavirus, avec deux autres Espic de la région, Saint-Joseph et Sainte Camille. Alors qu’il devait précédemment renvoyer les malades vers Bichat ou La Pitié-Salpêtrière, il peut les garder.

Quatorze lits de réanimation ont été préparés pour les cas de Covid-19 - avec déjà 9 malades - et 22 lits supplémentaires pourront être transformés. En comptant les places pour des malades n’ayant pas besoin d’être intubés, l’hôpital Foch pourra accueillir 80 à 100 victimes de l’épidémie. « On n’est pas encore en période d’explosion. On s’attend à ce que cela soit le cas la semaine prochaine », souligne Jacques Leglise. La fréquentation aux urgences a baissé de 35 % depuis le confinement ; toute l’attention est maintenant focalisée sur la vague du virus qui monte .


Solveig Godeluck