Le financement de la Sécurité sociale

Le Parisien - La cour des comptes épingle l’assurance maladie et préconise 1Md€ d’économies

Septembre 2016, par Info santé sécu social

Daniel Rosenweg

Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale vient de tomber. Présenté par Didier Migaud, président de la Cour, il pointe, comme chaque année, les faiblesses de notre système. Celles qui aboutissent, cet année encore, à un déficit abyssal, bien qu’en recul : 10,2 milliards d’euros. Dans le collimateur de l’institution cette fois : l’Assurance maladie, les dentistes, l’hôpital. Mais aussi des comptes dont la transparence permet de moins en moins la comparaison d’une année sur l’autre... Détails.

Surtout ne pas desserrer la vis.

C’est presque un signal d’alarme que lance la Cour des comptes dans ce nouveau rapport, en recommandant avec insistance au gouvernement, qui prépare activement le prochain budget de la Sécurité sociale, de ne pas relâcher l’effort. Pire même : elle conseille de trouver pour 2017 un milliard d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses d’assurance maladie. Parce qu’en 2017, le risque de dérive resurgit. Et parce que le début de redressement des comptes constaté est très fragile, rappelle son président Didier Migaud. Enfin, insiste la Cour, parce que notre système d’assurance maladie, qui doit impérativement être « réformé en profondeur » est en train de créer de nouvelles inégalités entre patients.

Inverser la courbe du déficit.

Les sages de la rue Cambon se félicitent qu’en 2015, comme depuis 2011, le déficit de la Sécurité sociale, tous régimes confondus, a continué de reculer. Mais les voyants sont toujours au rouge : 10,2 milliards d’euros de déficit en 2015 (contre 12,8 milliards en 2014). L’inquiétude se concentre sur la branche maladie, dont le déficit a reculé « faiblement », souligne la Cour, passant de 6,5 milliards d’euros en 2014 à 5,8 milliards en 2015. Ce qui a cependant permis pour la première fois de faire reculer de 2,1 milliard d’euros la dette sociale (156,4 milliards d’euros ! ). Cette amélioration s’explique essentiellement par « l’incidence du lent redémarrage économique sur la masse salariale », et donc sur les cotisations sociales.

Petites ficelles comptables pour 2016.

L’objectif de réduction du déficit de 1,6 milliard pour 2016 ne sera tenu que grâce à deux pirouettes comptables, selon la Cour. La première, relevée par les sages, a consisté en juin à intégrer un surplus de 700 millions d’euros de recettes de la CSG aux comptes de l’assurance maladie afin de combler son trou. Intégration jugée « discutable »... Le ministère y a d’ores et déjà ajouté une baisse de 100 millions d’euros sur les provisions servant à régler les factures tardives. « Ajustement » qualifié cette fois « d’opportuniste ». « Il y a beaucoup de créativité, d’inventivité » dans les nouvelles méthodes comptables, ironise un haut fonctionnaire.

Trouver vite 1 milliard d’économies.

La Cour s’inquiète de nouvelles dépenses programmées pour l’an prochain : 400 millions d’euros au titre des hausses accordées aux médecins (consultation passant de 23 à 25€, etc) dans le cadre de la convention médicale signée le 25 août. Plus 700 millions d’euros de revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers, point gelé depuis 2010. Soit un total de 1,1 milliard d’euros. Pour respecter le plafond de hausse des dépenses prévu en 2017 (+1,75%), il faudrait que les autres secteurs n’augmentent pas leurs dépenses de plus de 1,1%, ce qui parait impossible. La Cour recommande donc de conserver le taux de +1,75% en 2017. Or, il semble que le gouvernement s’apprête à lâcher du lest en cette année électorale et à remonter ce plafond à 2%.

L’hôpital et les dentistes dans le collimateur. Parmi les recettes proposées, l’hôpital est en première ligne, ainsi que les dentistes, qui n’ont pas tenu leur promesse de modération tarifaire. Malgré 10,6 milliards d’euros de soins facturés, la santé bucco-dentaire des Français ne s’est pas améliorée, juge la Cour. Au contraire. Un encadrement des tarifs des soins prothétiques s’impose. Le désengagement de l’Assurance maladie, qui ne rembourse plus que 33% des soins dentaires, y est pour quelque chose aussi, laissant 25% de la dépense à la charge des ménages (39% aux complémentaires), dont un sur cinq renonce à se soigner, regrette la Cour. Quant à l’hôpital, il devrait, selon les sages, modérer ses prescriptions, en hausse de 32% entre 2007 et 2014. Parmi les recommandations : responsabiliser les préscripteurs en les obligeant à faire figurer leur code professionnel sur leurs ordonnances, comme le prévoient les textes.

Préserver les niveaux de remboursement.

Le taux de remboursement moyen de l’assurance maladie est remonté à 76,8% en 2015, son niveau des années 90. Mais cette moyenne cache « deux mouvements de sens opposé », relativise la Cour des comptes. D’un côté, forte hausse des prises en charge à 100% au titre des affections longue durée, soit 11 millions de Français concernés et 89,3 milliards d’euros de dépenses. De l’autre « une érosion » des prises en charge. Entre les franchises, forfaits, dépassements d’honoraires et hausses de tarifs, le reste à charge s’est donc nettement aggravé pour certains Français. « Les actions de l’assurance maladie pour réguler ces dépenses apparaissent très en deçà des enjeux », juge la Cour.}

Coûteuses complémentaires santé

La cour des comptes étrille dans son rapport le dispositif de généralisation de la complémentaire santé, qu’elle juge « inabouti » avec « pas moins de 7 dispositifs » et encore des populations oubliées. Sans compter les frais de gestion impressionnants des assureurs et autres mutuelles. Selon un récent rapport de la Drees - la direction des études du ministère de la Santé - ces frais continuent d’exploser : 28% pour les compagnies d’assurance privées, 23% pour les mutuelles, et seulement 15% pour les institutions de prévoyance.