Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Tests sérologiques : il faut sortir de la grande confusion

Avril 2020, par Info santé sécu social

Depuis plusieurs semaines, le lancement de campagnes locales de dépistage sérologique, afin de déterminer la proportion de la population ayant été en contact avec SARS-CoV-2, est régulièrement annoncé. Parallèlement, des laboratoires ont commencé à proposer dans certains départements des tests sérologiques rapides (des tests rapides d’orientation diagnostic ou TROD) accessibles sans ordonnance. Pourtant, les autorités rappellent également depuis plusieurs jours que, pour l’heure, il n’existe aucun test sérologique validé et que les dispositifs existant doivent être réservés à l’usage scientifique.

Le ministre de la Santé, Olivier Véran a par exemple mis en garde dimanche lors de sa conférence de presse contre le manque de fiabilité de certains tests étrangers, parfois accessibles sur internet. « Certains d’entre eux ont 40% de faux négatifs, donc près d’une chance sur deux de ne pas être détectés, quand bien même vous feriez ce test sérologique », a-t-il détaillé. Des faux positifs sont également possibles. « Certains kits montraient 10% d’igG anti-Covid positif sur du sang datant de 2017 », remarque par exemple cité par CheckNews, le président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux Lionel Barrand.

Zones d’ombre
Comme l’illustrent ces exemples de faux négatifs et de faux positifs, de nombreux obstacles demeurent encore pour l’élaboration de tests fiables. Par ailleurs, compte tenu des incertitudes concernant les mécanismes immunologiques de l’infection par SARS-CoV-2, les tests en cours de validation ne pourront apporter qu’une seule certitude : « Les tests sérologiques permettent uniquement de déterminer si une personne a produit des anticorps en réponse à une infection par le virus SARS-CoV-2 » insiste la Haute autorité de Santé (HAS). Pour le reste, les zones d’ombre sont multiples : « La cinétique de production des anticorps contre le virus est encore aujourd’hui mal caractérisée principalement chez les patients asymptomatiques. La durée de protection éventuelle est également mal connue » résume la HAS.

Comparaison avec les tests sérologiques de référence
Outils dont la portée informative demeure encore réduite, les tests sérologiques doivent de plus être l’objet d’une vigilance absolue concernant leur validation. Cette tâche a été confiée au Centre national de référence (CNR) de l’Institut Pasteur dont l’avis repose sur l’analyse des résultats et la comparaison avec ses tests sérologiques de référence. « Ces tests de référence sont établis par des laboratoires aux moyens assez conséquents. Mais ils n’ont pas la capacité de faire des tests pour toute la population » explique cité par LCI Michaël Schwarzinger, chercheur associé à l’Inserm IAME (infection, anti-microbiens, modélisation, évolution) et au CHU Bichat (Paris). Concernant les critères, la HAS a rappelé la semaine dernière les attendus indispensables quant à « l’évaluation des performances des tests », qu’il s’agisse des tests « automatisables ou unitaires, qualitatifs ou semi-quantitatifs » et quelle que soit la technique sérologique utilisée (ELISA, immunochromatographie…).

Une spécificité analytique attendue de 100 %
La HAS rappelle d’abord que l’évaluation des tests sérologiques suppose classiquement trois étapes : les validations in vitro, (« le test mesure-t-il bien ce qu’il est censé mesurer et de façon correcte ? »), la validité clinique et la mesure de l’utilité clinique. Plus précisément, la HAS détaille les données de validité analytique qui doivent être produites et publiées. Elles concernent d’abord la précision du test qui repose sur la « répétabilité (…) la précision intermédiaire (…) et la reproductibilité (…) qui exprime les résultats entre différents laboratoires ».

Elles doivent également permettre de vérifier l’exactitude, la justesse, « la sensibilité analytique (ou limite de détection) (…) la valeur seuil de positivité ». Concernant la spécificité analytique, la HAS indique que pour le SARS-CoV-2, il s’agit d’écarter le risque de réaction avec « d’autres anticorps dirigés contre des virus apparentés au SARS-CoV2, des virus provoquant des infections respiratoires communes, ou d’autres composés connus pour donner des réactions croisées non spécifiques (facteur rhumatoïde notamment) ». La HAS insiste sur le fait que « La spécificité analytique attendue est de 100 %. Dans tous les cas, le fabricant doit indiquer la méthodologie adoptée ayant permis d’estimer la spécificité analytique du test ».

Une sensibilité clinique acceptable entre 90 et 95 %
Devra nécessairement également être précisée la sensibilité clinique. « Dans la mesure où la sensibilité clinique des tests de sérologie peut varier en fonction de la période de prélèvement du test (première ou deuxième semaine après l’apparition des symptômes par exemple), il conviendra de documenter explicitement le panel de sérums ayant conduit à la validation de la sensibilité clinique (…). En théorie, une sensibilité clinique de 100 % est attendue afin de minimiser le plus possible le nombre de faux-négatifs. La sensibilité des tests sérologiques doit donc tendre vers cette valeur. Toutefois, compte tenu des connaissances actuelles, la valeur seuil minimale acceptable pour la sensibilité clinique est estimée à 90 ou 95 % selon l’usage du test » relève la HAS. Enfin, concernant la spécificité, la valeur seuil minimale acceptable est de 98 % quel que soit le type de test. La HAS note enfin que « Les tests sérologiques recommandés doivent préférentiellement permettre au sein d’un même test de détecter séparément les IgM et les IgG spécifiques des antigènes ».

Le marquage CE n’est en rien un gage
Ce cahier des charges très précis, qui est une adaptation (aux spécificités de la crise sanitaire et du SARS-CoV-2) des critères classiques appliqués à l’évaluation des tests sérologiques rappelle de façon claire que le marquage CE que certains veulent voir comme un gage de fiabilité est très loin d’être suffisant, même s’il est également indispensable. C’est ce que rappelle de façon claire l’Académie de pharmacie dans un récent communiqué insistant : « Le marquage CE n’est en aucun cas une garantie absolue de qualité. Apposé par le fabricant, il indique seulement que la législation de l’Union européenne est respectée. C’est la raison pour laquelle tout nouveau test doit faire l’objet d’une évaluation dans des laboratoires de référence. Surtout, l’achat de tests sur internet doit être proscrit ».

Le biologiste médical : un référent incontournable
Compte tenu des enjeux, la période de validation pourrait donc encore prendre quelques semaines avant qu’un test sérologique puisse être finalement homologué et que son utilisation en routine puisse être envisagée. Se posera alors la question de la mise en œuvre de ces tests, concernant notamment les TROD et les autotests. Sur ce point, l’Académie de pharmacie recommande que « le biologiste médical soit le référent incontournable assurant la maîtrise de la qualité de l’analyse et la contextualisation du résultat en fonction des performances analytiques des réactifs utilisés ». Par ailleurs, l’ensemble des représentants des médecins, pharmaciens et biologistes (Ordres et Académies) ont insisté dans une déclaration commune pour que « Tous les examens non validés par le CNR soient interdits au risque de laisser se diffuser des techniques non fiables et sources d’incertitudes aux conséquences graves pour la santé publique (faux négatifs en particulier) ». A suivre.

Aurélie Haroche