Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Déconfinement : trouver la sortie du labyrinthe

Avril 2020, par Info santé sécu social

Par Alain Auffray — 26 avril 2020

Incertitudes sur l’efficacité des mesures prévues pour l’après-11 mai, divergences et revirements chez les politiques et scientifiques, défiance des Français…

Le gouvernement, qui dévoile son plan mardi, s’attend à recevoir des coups. Le calendrier est « respecté ». Empêtré dans le casse-tête planétaire du déconfinement, l’Elysée souligne ce modeste motif de satisfaction. Dans son allocution du 13 avril, le chef de l’Etat avait annoncé que le gouvernement devait être en mesure de présenter un plan détaillé de l’après-11 mai « d’ici quinze jours ». Nous y sommes. Dans un climat politique alourdi par la défiance de l’opinion et les procès en impréparation ou en incompétence que lui font les oppositions, le Premier ministre présentera mardi à l’Assemblée nationale un plan complet de sortie « progressive » du confinement, « qui devra être décliné en plans locaux pour tenir compte des réalités des différents territoires », précise Matignon.

Mercredi, Edouard Philippe présentera ses propositions aux principales associations d’élus locaux. Alors que les critiques pleuvent contre le pouvoir et sa verticalité, le centralisme jacobin et ses lourdeurs administratives, l’exécutif veut à tout prix convaincre que les mairies, les départements et les régions seront les acteurs clés du déconfinement et de la lutte contre l’épidémie. Plombé par une impopularité tenace, le gouvernement veut croire que l’union nationale trouvera un début de réalité dans l’après-11 mai. C’est le cœur de la mission confiée à Jean Castex, haut fonctionnaire issu du sérail mais aussi élu local reconnu par ses pairs. « Il parle l’élu local première langue » dit le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, à propos de son ex-collaborateur au ministère de la Santé.

Feu croisé

En fixant la date du 11 mai, Emmanuel Macron a délibérément mis le gouvernement sous pression. Moins d’un mois après sa nomination au poste de délégué interministériel chargé de coordonner la réflexion sur la sortie du confinement, Castex devait remettre sa copie dimanche à Edouard Philippe, attendu le lendemain au palais présidentiel pour son déjeuner hebdomadaire avec Macron. Les derniers arbitrages devraient être rendus dans l’après-midi lors d’une ultime réunion avec Castex et le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Seule certitude : le monde déconfiné ne sera pas le monde d’avant. Le Premier ministre a annoncé que la « stratégie nationale » sera déclinée en six chapitres. Le premier porte sur le combat contre l’épidémie et pose la question des masques, des tests et de l’isolement des personnes infectées. Les autres ne sont pas moins complexes. La stratégie présentée mardi à l’Assemblée devra permettre d’y voir plus clair sur les conditions de reprise dans les établissements scolaires, les entreprises, les commerces et les transports, et enfin, dire ce qu’il en sera des rassemblements en tout genre.

Sur toutes ces questions, experts et responsables politiques sont partagés. Sous le feu croisé de ceux qui lui demandent d’accélérer la remise en route du pays et de ceux qui le pressent de prendre du temps, le gouvernement est certain que ses arbitrages seront critiqués. La question scolaire est à cet égard exemplaire. A gauche, on considère que le choix « irresponsable » d’une rentrée des classes progressive dès le 11 mai traduit une volonté de donner la priorité à l’économie sur la santé. Que le gouvernement soit allé contre l’avis du conseil scientifique, qui jugeait une rentrée en septembre plus prudente, conforte l’opposition dans sa conviction. A l’inverse, les députés LR ont élaboré ce week-end leur contre-projet, dont la priorité assumée est d’« accélérer la reprise économique ». Ils prônent ainsi une reprise « progressive » mais « obligatoire » des cours. Sur les masques et les tests, objets de doctrines évolutives et souvent contradictoires, la présentation de la stratégie de déconfinement ne suffira pas à éteindre les polémiques.

Dimanche, plusieurs responsables de LR estimaient qu’il n’était pas possible de demander un vote dès mardi, aussitôt après le discours du Premier ministre. Sur un tel sujet, « il faut peut-être laisser un ou deux jours de réflexion », a fait valoir Eric Woerth. « Ainsi va la démocratie au temps du macronisme », se désole le patron du PS, Olivier Faure. Du coté de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon dénonce « la brutalité » du procédé et promet de voter contre le plan Castex.

Défiance
Convoquée mi-mars, quand Macron a proclamé l’état de « guerre » contre l’épidémie, l’union nationale semble plus que jamais inaccessible. Selon un sondage Ifop réalisé les 21 et 22 avril pour le JDD, seuls 39 % des Français croient en la capacité du gouvernement à « faire face efficacement ». Moins sept points en une semaine. Selon Chloé Morin (Fondation Jean-Jaurès), cette défiance, sans équivalent dans les démocraties comparables, « ne profite à personne, car les Français nous disent aussi que personne ne ferait mieux ». S’agissant de Macron, l’image tenace du président arrogant et sûr de sa supériorité intellectuelle n’arrange rien. « Dans ce contexte, la moindre faute de communication conforte l’opinion dans ses jugements », ajoute Chloé Morin, qui relève par exemple l’inefficacité de l’argument de justice sociale pour l’ouverture des écoles : « Les gens n’y croient pas. Ça leur donne plutôt un sentiment de duplicité. »