Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Liberation.fr : Pour les hôpitaux franciliens, le grand brouillard du déconfinement

Mai 2020, par infosecusanté

Liberation.fr : Pour les hôpitaux franciliens, le grand brouillard du déconfinement
Nathalie Raulin

Le 1er Mai 2020

Selon un document de l’AP-HP que « Libération » s’est procuré, les besoins en réanimation en Ile-de-France au 30 juin pourraient varier du simple au quintuple.
C’est l’un des trois critères retenus par le gouvernement pour évaluer le niveau de risque infectieux de chaque département et adapter localement les mesures de déconfinement : l’état de tension local du système hospitalier et plus précisément la capacité d’accueil dans les services de réanimation. Sur la carte provisoire présentée jeudi soir par le ministre de la Santé, Olivier Véran, tous les départements d’Ile-de-France sont colorés de rouge. Pour cause, en dépit du reflux continu des admissions en réanimation depuis le pic du 9 avril, 40% des 4 019 malades en détresse respiratoire aiguë hospitalisés, le sont dans la région capitale, selon le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. Une mauvaise nouvelle pour les Franciliens, a priori condamnés à endurer plus longtemps que les autres des restrictions de liberté et de circulation.

Toutefois, rien n’est totalement joué. D’ici au 11 mai, cette carte du déconfinement devrait être actualisée régulièrement, un département aujourd’hui en rouge pouvant évoluer vers l’orange voire le vert, pour peu que les cas de contamination s’effondrent.

Pour les soignants d’Ile-de-France, la question est centrale : doivent-ils s’attendre à revivre le « cauchemar » du début avril une fois levé, même partiellement, les actuelles contraintes imposées aux Français ? Ou au contraire caresser l’espoir de souffler ?

« Fourchette très large »
Dans un document que Libération s’est procuré, les équipes de la direction de la stratégie et de la transformation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) tentent d’éclairer l’avenir. S’appuyant sur le modèle développé par Simon Cauchemez de l’Institut Pasteur repris et prolongé jusqu’au 21 mai, les modélisateurs de l’AP-HP ont fait des projections sur les besoins de réanimation en Ile-de-France au 28 juin en fonction de trois hypothèses.

Premier cas de figure : passé le 11 mai, le coronavirus se remet à circuler aussi vite qu’au début de l’épidémie. Sans surprise, le pire est alors à craindre. Après avoir touché un point bas fin mai (moins de 500 patients en réanimation), le nombre de malades nécessitant une intubation s’emballerait alors de nouveau pour culminer le 28 juin aux alentours de 2 800, soit un niveau supérieur à celui atteint dans les hôpitaux d’Ile-de-France au pic de l’épidémie…

Second cas de figure : malgré le déconfinement, le taux de reproduction du coronavirus s’établirait au 31 mai à 1,5. En clair, deux personnes contaminées n’en infecteraient plus que trois autres. La pression sur le système hospitalier deviendrait plus supportable, seules 1 139 personnes étant alors prises en charge en réanimation au 30 juin.

Pour les Franciliens, la troisième hypothèse retenue est de loin la plus réjouissante : malgré de déconfinement, la circulation du virus serait maîtrisée à 1,2 au 31 mai, laissant ainsi planer l’espoir d’un épuisement de l’épidémie (effective si le taux de reproduction du virus tombe en dessous de 1). Dans cette hypothèse, le Covid-19 ne mobiliserait plus en Ile-de-France que 497 lits de réanimation. Un basculement dans le vert de la région capitale serait alors envisageable…

« Jusqu’à présent les modèles ne se sont pas trop trompés, estime un infectiologue de l’AP-HP. Mais la fourchette entre les différents scénarios est très large. Ils nous servent d’antibrouillard. conjugués aux données qui remontent de l’activité médecine de ville, ils nous permettent de mieux anticiper ce qui va se passer à l’hôpital dix jours plus tard. » Le temps pour les hospitaliers d’adapter leur capacité d’accueil mais aussi, pour l’exécutif de jouer vis-à-vis à des Franciliens de la carotte ou du bâton.