Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - DÉCONFINEMENT L’exécutif reste prêt à enclencher la « marche arrière »

Mai 2020, par Info santé sécu social

Par Laure Equy et Lilian Alemagna — 6 mai 2020 à 20:41

Malgré la confiance affichée mardi par le chef de l’Etat, le « monsieur déconfinement » du gouvernement se montre bien plus réservé sur le déroulement de l’opération.

Alors, on y va ? A quatre jours de la date fixée par Emmanuel Macron pour sortir du confinement imposé mi-mars afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19, Edouard Philippe doit annoncer, ce jeudi, les derniers « détails » selon une commande formulée mardi par Emmanuel Macron sur TF1. Le Premier ministre, accompagné de six ministres, doit s’exprimer lors d’un point presse à 16 heures, après d’ultimes arbitrages pris en Conseil de défense suivi d’un Conseil des ministres. Mais, prévient-on à Matignon où l’on se montre bien plus prudent que le chef de l’Etat ces deux derniers jours, « il y a trois critères qui font qu’on appuiera sur le bouton » : les places dans les services de réanimation, la vitesse de circulation du virus et le nombre de tests disponibles dans chacun des départements. Lors de son discours la semaine dernière devant les députés, le chef du gouvernement avait ainsi évoqué le chiffre de « 700 000 tests » nécessaires par semaine. Et c’est en fonction de ces « critères » que le Premier ministre dira « si on avance comme prévu ou si on adapte », répète-t-on dans l’entourage de Philippe.

Matignon pourrait-il s’opposer à l’Elysée et dire « stop, on attend » ? « On est sur le go, mais il faut voir les chiffres », dit-on dans l’entourage du Premier ministre. Lequel devrait, jeudi, « préciser deux-trois règles du quotidien », celles des déplacements à 100 km de son domicile ou encore livrer la carte des départements « rouges », où les règles sanitaires seront bien plus strictes que dans les « verts », où le déconfinement sera plus large.

Contraste
Une « prudence » cohérente avec ce que le chef du gouvernement avait énoncé la semaine dernière à l’Assemblée. « Je le dis aux Français, si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou nous le ferons plus strictement », avait-il lancé, insistant sur la nécessité de ne pas dépasser plus de « 3 000 nouveaux cas par jour ». Mais une tonalité qui contraste avec les propos du chef de l’Etat depuis le début de la semaine. Macron ne s’est pas privé de reprendre la parole pour affirmer qu’une « nouvelle étape », certes « progressive » et peut-être provisoire, débuterait bien lundi. « C’est très bien que le Président rappelle le cap, insiste un macroniste historique. Il ne faut pas donner l’impression qu’on hésite, sinon on n’inspire pas confiance. »

Sauf que le « monsieur déconfinement » du gouvernement, Jean Castex, s’est montré, lui aussi, très prudent mercredi devant les sénateurs. Le coordonnateur national à la stratégie de déconfinement n’a pas caché qu’en cas de relance de l’épidémie après le 11 mai, une « marche arrière » dans les zones concernées par un rebond était possible. Si les critères sanitaires établis pour surveiller la propagation du virus, notamment les résultats des tests virologiques, font apparaître un nombre « anormalement élevé » de personnes contaminées, il faudra, a-t-il insisté, « se donner les moyens d’agir immédiatement » et « prendre des mesures adaptées ». Castex a ainsi expliqué qu’un « plan de reconfinement » accompagnerait celui de déconfinement. Il a aussi confirmé que les plages resteraient fermées jusqu’à nouvel ordre : « Les ouvrir créerait une tentation, peut-être des migrations de personnes, a-t-il insisté. Nous n’avons rien contre les migrations de personnes, nous en avons contre la migration du virus. »

« Sas »
L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a répété que le gouvernement était « à la recherche d’un équilibre entre le respect de la doctrine sanitaire et les exigences du redémarrage de la vie économique et sociale du pays » et que « de cette conciliation s’explique l’ensemble des mesures ». Notamment celle de la réouverture des salles de classes maternelles et élémentaires. Jean Castex a donc confirmé qu’il s’agit là bien plus d’un objectif économique qu’une motivation éducative puisque les collèges et lycées resteront, eux, fermés : « Si les deux parents d’un enfant de 9 ans travaillent, ça va poser des difficultés. Si on renvoie tout à septembre, on n’atteint pas notre objectif de remise à l’étrier de notre activité. »

Ce 11 mai, a insisté le coordonnateur du déconfinement, est donc une sorte de « sas » lesté d’un « cadre sanitaire lourd ». « Ces trois semaines vont être décisives pour voir ce qui se passe », a-t-il affirmé, donnant rendez-vous le 2 juin pour la suite. L’enjeu est de taille : selon une enquête Elabe, les Français font de moins en moins confiance à l’exécutif sur cette première phase de déconfinement. Seules 33% des personnes interrogées jugent cette préparation « bien gérée » (-12 points en une semaine) contre 67% qui estiment cette reprise mal préparée. Ils sont même 83% à douter sérieusement des approvisionnements en tests et masques de protection. « La peur peut être notre ennemi, […] mais la peur peut aussi être notre alliée si on se repose sur la responsabilité des citoyens dans la période qui s’ouvre », a martelé Castex devant les sénateurs. Pas sûr que les mots suffisent.

Laure Equy , Lilian Alemagna