Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Cas contacts : le secret médical sous le poids du Covid-19

Mai 2020, par Info santé sécu social

Par Eric Favereau — 13 mai 2020

Si syndicats et Conseil de l’ordre des médecins ont approuvé le plan du gouvernement pour remonter les filières de contamination, des praticiens déplorent l’absence de représentants d’usagers de la santé dans le dispositif.

Au départ, certains médecins étaient inquiets, avec cette vieille réticence de donner des informations médicales à… la Sécu. « C’est le sentiment qu’on nous faisait remonter, mais je crois que les craintes ont été en grande partie levées », explique le Dr Jacques Battistoni, qui préside MG France, premier syndicat de médecins généralistes. Le secret médical malmené ? La phase de déconfinement bouscule en tout cas les règles de fonctionnement de la médecine libérale, touchant au passage à ce principe cardinal de la pratique : le secret entre le malade et son médecin. « Ce lien est essentiel, mais on a aussi une responsabilité en termes de santé publique », précise le Dr Battistoni. « Si un de nos patients est infecté, on ne peut pas faire l’impasse sur son entourage et se contenter de dire que cela ne nous regarde pas. On a un souci de la population en général. C’est la même chose avec la détection d’un cas de méningite par exemple, poursuit-il. On doit le signaler, c’est obligatoire, et on doit le faire nommément pour tout de suite pouvoir s’occuper de ceux qui l’ont côtoyé. »

Dans le plan de déconfinement, ce volet de la détection des cas de Covid-19 et des enquêtes de contacts donne donc au médecin généraliste un rôle pivot. « Et c’est tant mieux, c’est notre travail », explique le président de MG France. Pour autant, comment ne pas aller trop loin ?

Exceptions

Dans un communiqué commun, la quasi-totalité des syndicats de médecins libéraux revendiquent leur place et leur rôle. « Pour repérer les nouveaux cas avant qu’ils ne soient à l’origine de nouveaux clusters infectieux, le diagnostic rapide des cas isolés et la recherche des filières de contamination sont essentiels, soulignent-ils. Le médecin traitant, le plus souvent généraliste, est le mieux placé pour assurer le diagnostic de ces cas isolés et éviter qu’ils ne contaminent leur entourage. » Et d’ajouter : « C’est le mieux placé pour soigner dans son environnement personnel un patient affecté par un Covid et pour protéger son entourage de la propagation du virus, en coordination avec les autres médecins spécialistes. C’est le mieux placé aussi parce que c’est l’interlocuteur de confiance des patients, et que cette confiance conditionne l’acceptation par les patients du diagnostic et du repérage des possibles contaminations intrafamiliales. » « Le code de déontologie est très clair, indique à Libération le président du Conseil national de l’ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, qui lui-même a été touché par le Covid-19. Nous avons une responsabilité de santé publique. Mais en l’occurrence, nous avons été très attachés à maintenir le secret médical, et à rester au maximum dans le dispositif des maladies à déclaration obligatoire. C’est ce à quoi nous avons finalement presque abouti. »

Pour le dire vite, d’ordinaire, le secret est total, le médecin n’étant par exemple jamais délivré dudit secret, même à la demande du patient. Mais il y a toujours eu quelques exceptions. Dans le processus mis en place pour le Covid-19, le médecin va remplir une déclaration nominative à l’assurance maladie qui, elle, va s’occuper ensuite de remonter l’éventuelle filière de contamination. Le patient peut refuser que son nom soit donné aux brigades mobiles lorsqu’elles vont enquêter autour de lui. « Concernant la déclaration de l’infection à l’assurance maladie, on le fait déjà pour toute une série de maladies contagieuses, rappelle le Dr Battistoni. Et on le fait même dans la rédaction des certificats d’arrêt de travail qu’on envoie à l’assurance maladie. » Pour ce responsable, donc, tout roule.

« Le système nous convient aussi », affirme pour sa part le Dr Jean-Paul Ortiz, qui préside la Confédération des syndicats de médecins français (CSMF). « Tout cela tient au lien que nous avons avec le patient, nous discutons avec lui et c’est avec lui que l’on voit qui peut avoir été contaminé. On le fait ensemble. C’est notre devoir de nous occuper aussi de son entourage. » Le Dr Ortiz estime néanmoins que près d’un patient sur deux ne voudrait pas que l’on donne son identité aux cas contacts.

Rassuré
Reste l’autre volet du plan, à savoir cette banque de données à visées épidémiologique et scientifique. Le Conseil de l’ordre avait fait part de ses réserves lors de la présentation de la première mouture, il se dit maintenant rassuré. « Les données recueillies par la plateforme seront limitées dans le temps et ne concerneront que des informations touchant au Covid-19, constate le président de l’ordre. Et c’est tant mieux, car les patients n’ont pas envie que leurs données circulent comme cela et deviennent un objet public. » L’assurance maladie a de son côté répété que tous ses collaborateurs sont tenus par le secret professionnel.

In fine, le plan des autorités reçoit donc le feu vert des institutions médicales, syndicats comme ordres. Pourtant, les médecins font le constat de l’absence de représentants d’usagers de la santé dans tout le dispositif. Notons qu’ils n’étaient déjà pas présents dans les différents conseils qui ont été créés en mars, comme le comité scientifique ou la cellule pour le déconfinement. Comme s’ils dérangeaient. Et cette absence est d’autant plus déroutante qu’en temps d’épidémie, la confiance reste une donnée essentielle pour la réussite des plans mis en place par les autorités.