Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Dépistages : la France passe-t-elle le test ?

Mai 2020, par Info santé sécu social

Par Luc Peillon — 13 mai 2020

Pour les professionnels du milieu, la France peut effectuer 700 000 tests par semaine. Des zones de flou, comme la gestion de clusters, persistent.
C’est une carte de France toute verte et très rassurante que les Français ont découverte le 7 mai : celle de la capacité du pays en tests pour le Covid-19, présentée deux semaines après la publication de deux autres cartes plus mitigées sur la circulation du virus et l’occupation des services de réanimation.

Crainte
Une carte censée illustrer un potentiel de 700 000 tests par semaine pour la période post-déconfinement. Et dont le chiffre est calculé selon le raisonnement suivant : à partir du 11 mai, estiment les autorités sanitaires, le nombre de contaminations en France oscillerait entre 1 000 et 3 000 par jour. Les cas contacts de chaque individu infecté (environ 25 personnes) devant aussi être diagnostiqués pour être en mesure de casser les chaînes de contamination, cela représente 525 000 tests par semaine (3 000 × 25 × 7 jours). La différence entre 525 000 et 700 000 constituant une marge de sécurité.

Traçage : gare au Covid
Cette carte signifie-t-elle vraiment que le pays est en mesure, depuis lundi, de pratiquer 700 000 tests par semaine ? C’est en tout cas ce qu’affirme l’exécutif. « Ces données sont calculées à partir des capacités de tests issues des remontées directes des laboratoires dans chaque département », affirme la Direction générale de la santé à Libération. Sans pouvoir, cependant, communiquer le détail des capacités par départements, ni la répartition des tests entre labos privés et milieu hospitalier.

Pour le président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux, Lionel Barrand, ce chiffre n’est pas forcément éloigné de la réalité : « Entre les capacités préexistantes et l’installation progressive des machines MGI capables de réaliser 2 000 tests par jour, l’hôpital pourrait approcher les 300 000 tests par semaine. Les labos de ville, de leur côté, font entre 400 000 et 600 000 tests hebdomadaires. Soit, au total, entre 700 000 et 900 000 tests par semaine » sur l’ensemble du pays. Ce chiffre, toutefois, correspond à une utilisation des machines « à plein rendement », et à condition que l’intendance suive en écouvillons et réactifs. Le fait que la carte soit entièrement verte n’est, pour lui, pas surprenant : « La capacité en tests ne repose pas sur des frontières géographiques strictes. Les prélèvements réalisés à un endroit peuvent être envoyés pour analyse dans d’autres territoires. »

Seuil
Ce chiffre de 700 000 tests hebdomadaires est également jugé plausible par François Blanchecotte, du Syndicat des biologistes. En excluant les week-ends, où les labos de ville sont fermés, il estime la capacité théorique dans le privé à près de 500 000 par semaine. Ajoutés aux 200 000 à 300 000 tests hebdomadaires que l’hôpital a pu atteindre avec les nouvelles machines, il arrive au même total. Une crainte pour lui, cependant : qu’un foyer de contaminations se déclare dans un endroit précis, et qu’il faille tester tout d’un coup plusieurs milliers de personnes. « Les cas contacts devant être testés le septième jour après la détection de la personne infectée, tous risquent d’arriver en même temps une semaine après la découverte d’un cluster, explique-t-il. Dans ce cas-là, nous aurions peut-être un peu de mal à suivre. »

Par ailleurs, si la capacité nationale de dépistage annoncée par le gouvernement - aussi réelle soit-elle - permet de surveiller un peu plus de 3 000 contaminations par jour, celle-ci pourrait être rapidement dépassée en cas de franchissement important de ce seuil. Pour peu que la situation épidémique s’emballe, avec plusieurs dizaines de milliers de contaminations quotidiennes, et ce n’est pas seulement le potentiel en tests qui serait submergé, mais aussi le personnel en mesure d’effectuer les prélèvements, voire l’approvisionnement en écouvillons et réactifs.