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Le Monde.fr : « Le “Ségur de la santé’’ doit sonner le glas de la technostructure sanitaire et redonner leur place aux territoires »

Mai 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : « Le “Ségur de la santé’’ doit sonner le glas de la technostructure sanitaire et redonner leur place aux territoires »

TRIBUNE

Avec Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France et élu Agir, les présidents de fédérations d’élus locaux et membres du parti LR François Baroin, Dominique Bussereau et Renaud Muselier plaident, dans une tribune au « Monde », pour une refondation du système de santé comprenant un moratoire sur les fermetures de lits.

Publié le 22/05/2020

La crise sanitaire actuelle démontre que les solutions les plus efficaces sont toujours locales. La preuve est flagrante : les acteurs de terrain ont su se coordonner efficacement et travailler main dans la main. Face à l’urgence de la situation, ils ont dû souvent faire fi des procédures bureaucratiques qui freinent leur action. Qu’ils soient professionnels de santé, personnels sociaux et médico-sociaux, agents administratifs, techniques ou logistiques, tous ont su faire preuve de réalisme et de pragmatisme.

Sans cette capacité d’innovation locale, il est probable que la digue de notre système de santé aurait cédé face à la première vague du Covid-19. C’est un enseignement majeur dont le « Ségur de la santé », annoncé par le gouvernement, doit absolument tenir compte. Prévoir pour ne plus subir : nous pensons que notre système de santé réclame une refondation complète de son mode de gouvernance, de son organisation locale et de sa philosophie d’intervention.

Aussi, nous plaidons pour une réflexion qui associe les trois volets complémentaires d’une même politique publique : le sanitaire (ceux qui soignent), le médico-social (ceux qui « prennent soin »), le social (ceux qui accompagnent). Il nous faut donc également mesurer les attentes respectives de ces personnels, en termes de reconnaissance, de conditions de travail et de rémunération.

Enfin, il faudra s’interroger sur le rôle des agences régionales de la santé (ARS), leur rapport aux collectivités locales et aux préfets, et sur leurs modes de gouvernance trop contraints par le carcan bureaucratique et budgétaire.

Un enjeu territorial
Nous devons absolument éviter l’écueil d’une énième réforme comptable ou d’ajustement et demandons un moratoire sur la fermeture des lits de médecine afin de favoriser un aménagement équilibré du territoire. Pour cela, faisons davantage confiance aux territoires, aux hommes et aux femmes qui l’incarnent ! Abandonnons cette vision descendante qui consiste à penser que Paris décide quand les acteurs locaux exécutent !

En effet, la santé de nos concitoyens est un enjeu territorial. Nous observons d’ailleurs que des pratiques locales très innovantes se développent : une expérimentation menée depuis deux ans par la Fédération hospitalière de France (FHF) sur cinq territoires porte ses fruits. Des actions transversales sont conduites par des acteurs de la santé, du social, de l’associatif, des collectivités locales. Ils coopèrent pour améliorer l’état de santé des populations, ce qui vaut bien mieux qu’un pilotage hors sol.
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Avec des filières de soins consolidées dans les territoires, l’action serait plus lisible pour nos citoyens. La coordination entre les différents acteurs serait ainsi mise au service d’impératifs de santé publique et de prévention. La crise sanitaire a mis en évidence un cloisonnement dramatique entre la médecine de ville et l’hôpital, entre l’hôpital et le médico-social. Au final, c’est la santé de tous qui serait améliorée par une offre de soins de qualité et de proximité et nous gagnerions en efficacité financière.

Acteurs de terrain
A la stratégie nationale la responsabilité de dessiner les grandes lignes de la politique de santé dans le respect des principes de justice, d’équité et de solidarité entre les territoires et pour tous les Français. Aux collectivités locales et aux acteurs du terrain la responsabilité de mettre cette stratégie en musique de la meilleure manière, compte tenu de leurs enjeux propres et de leurs spécificités, en renforçant le niveau départemental des agences régionales de santé (ARS).

C’est d’ailleurs la philosophie du plan de déconfinement qui a été présenté début mai par le premier ministre : un cadre général, adapté localement par les élus, en lien avec les préfets. Cela passe notamment par une participation renforcée des élus locaux à la décision, dans la gouvernance et le pilotage territorial des politiques de santé, des ARS, et des hôpitaux.

Redonner aux acteurs qui sont en première ligne le pouvoir d’exercer leurs missions en adéquation avec les enjeux locaux : voilà le prérequis nécessaire à la consolidation de notre service public de santé. Le gouvernement doit l’entendre. Si le Ségur de la santé ne sonne pas le glas de la technostructure sanitaire et ne rend pas aux premiers concernés leur capacité d’agir, alors il échouera autant que les précédents plans.

Signataires de la tribune : François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF) ; Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France (ADF) ; Renaud Muselier, président (LR) du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, président de l’Association des régions de France (ARF) ; Frédéric Valletoux, maire (Agir) de Fontainebleau, président de la Fédération hospitalière de France (FHF).