Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Masques : vers une distribution plus fluide et un remboursement ?

Juin 2020, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 4 juin 2020 –

La distribution des masques issus des stocks d’État aux professionnels de santé a été l’objet d’une gestion souvent considérée comme hasardeuse par les premiers intéressés (sans même évoquer l’absence quasi-totale de masques FFP2 pour les libéraux).

Les pharmaciens ont été en première ligne pour corriger les dysfonctionnements divers et assurer la traçabilité de la diffusion. Consciente de cet engagement, l’Assurance maladie vient de répondre à une doléance exprimée depuis plusieurs semaines par les syndicats de pharmaciens d’officine : la délivrance des masques aux professionnels et aux patients Covid-19, aux personnes contact et aux sujets à très haut risque (qui bénéficient eux-aussi d’une dotation issue des stocks d’état) sera désormais rémunérée aux pharmaciens. La procédure de facturation a été hier explicitée dans un mail adressé à l’ensemble des officines.

« Chaque délivrance hebdomadaire est indemnisée et facturée 1,02 € TTC. Au-delà d’une semaine, l’indemnisation est fixée à 2,04 € TTC. A cela s’ajoute la facturation du code traceur de 0,01 € TTC par masque chirurgical et 0,02 € TTC par masque FFP2 » précise l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La facturation nécessite l’établissement d’une feuille de soins électronique et l’utilisation d’un code PMR, or, dans ce cas « une franchise s’applique à la personne à laquelle vous délivrez les masques (patients et professionnels). Il serait inacceptable qu’une somme reste à la charge des personnes ciblées par la distribution du stock Etat. Après intervention de la FSPF, la CNAM a indiqué que cette franchise est supprimée depuis le 21 mai dernier » précise la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le syndicat note par ailleurs que « nous devrions probablement pouvoir facturer rétroactivement depuis le 11 mai et obtenir un forfait pour la période du confinement ».

Vers un remboursement ?
Parallèlement à ces avancées concernant la rémunération, les pharmaciens attendent également une évolution de la distribution, afin de pouvoir en maîtriser plus certainement la gestion. « L’État est incapable de s’occuper correctement de la distribution des masques » tance sévèrement, cité par le Moniteur des pharmacies, Philippe Besset, le patron de la FSPF. Initialement prévu le 8 juin, le transfert de la responsabilité de l’approvisionnement et de la distribution de l’administration publique aux officines, qui effectueraient les commandes en se basant sur leurs données de traçabilité, a finalement été repoussé au 15 juin et ne concernera dans un premier temps que les masques chirurgicaux. Cependant, cette évolution pourrait s’accompagner d’une autre innovation : le remboursement sous certaines conditions des masques prescrits à certains patients. C’est une piste à laquelle l’Assurance maladie a indiqué réfléchir (!) et à laquelle les pharmaciens se montrent favorables, car elle permettrait notamment de restreindre la concurrence de la grande distribution et d’assurer une meilleure traçabilité et un accompagnement pédagogique.

Vers une prise en charge des masques en tissu pour les plus défavorisés
Cette question n’est cependant pas uniquement médicale mais également politique. Plusieurs responsables se sont d’ailleurs déjà exprimés en faveur d’une telle mesure, telle la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen ; tandis qu’un sénateur, Olivier Leonhardt (RDSE) a récemment lancé une pétition sur le sujet. Le gouvernement se montre néanmoins prudent, et préfère mettre en avant les mesures déjà adoptées, tel le plafonnement des prix et la distribution gratuite aux personnes à haut risque et aux patients Covid+ et leurs contacts. Par ailleurs, à l’occasion d’une récente conférence de presse organisée par l’USPO, le patron de l’Assurance maladie a confirmé son intention de permettre le remboursement des masques en tissu pour les personnes relevant de la Complémentaire santé solidaire (C2S) et de l’Aide médicale d’état (AME). Les détails doivent encore être précisés (quand ?) , mais les syndicats et l’Assurance maladie se sont déjà entendus sur le fait que le remboursement s’effectuerait à hauteur de 60 lavages par membre d’un foyer éligible à la C2S.

Après le remboursement du préservatif
Cependant, au-delà de ces mesures multiples, les interventions en faveur d’une prise en charge plus large par la Sécurité sociale se multiplient. Plusieurs associations se sont ainsi exprimées dans ce sens, telles notamment la Ligue contre le cancer, par la voix de son président Axel Kahn. Parallèlement, les industriels pourraient également se mobiliser : ainsi le laboratoire pharmaceutique Majorelle a déposé une demande de remboursement auprès de la Haute autorité de Santé (HAS) des masques chirurgicaux de sa marque Assanis. La petite entreprise espère renouveler son exploit d’avoir réussi à obtenir le remboursement en 2018 d’un autre objet de protection : le préservatif. Mais si la voie d’un financement public se révélait hasardeuse, les industriels pourraient se tourner vers les mutuelles. Ces dernières prennent en effet elles aussi quelques initiatives dans le sens d’une prise en charge. Ainsi, la mutuelle Intériale de la fonction publique vient de créer un forfait de 10 euros pour la prise en charge de masques jetables ou lavables, valable jusqu’au 31 août.

L’explosif succès des masques vendus par la grande distribution
Aujourd’hui pressé, le gouvernement pourrait néanmoins décider d’attendre alors que l’épidémie connaît un déclin certain et que les Français ont prouvé qu’ils étaient pour la plupart prêts à financer l’achat de masques. En témoigne le succès incomparable de leur vente par la grande distribution : selon les chiffres du panel Nielsen dévoilés par le magazine LSA, les supermarchés ont vendu 94 millions d’euros de masques au cours des trois premières semaines de mai, dont 36 millions durant la semaine du 11 au 17 mai. La réussite de l’opération s’illustre tout particulièrement à travers le fait que les masques ont représenté 16 % de la progression des ventes de la grande distribution sur les trois premières semaines de mai !

Aurélie Haroche